Ils atterrirent brutalement sur un sol de métal froid. Mais quelque chose n’allait vraiment pas dans ce nouveau royaume. Lucas et Théo se relevèrent lentement, désorientés par ce qu’ils voyaient.
Tout était à l’envers. Littéralement.
Ils se tenaient sur ce qui semblait être le plafond d’une immense cathédrale de métal et de cristal. Au-dessus d’eux – ou en dessous, c’était difficile à dire – s’étendait un ciel de pierre grise, tandis qu’en contrebas brillaient des étoiles et des nuages. Les arbres poussaient vers le bas, leurs racines dans l’air, et des cascades coulaient vers le haut.
« On dirait que le monde entier a été retourné », murmura Théo, pris de vertige.
L’air sentait l’ozone et le métal, avec une étrange sensation de picotement qui donnait l’impression que tout était électriquement chargé. Des structures impossibles s’élevaient – ou s’abaissaient – autour d’eux : des ponts qui ne menaient nulle part, des escaliers qui formaient des boucles infinies, des tours qui se tordaient sur elles-mêmes.
« Bienvenue dans mon royaume ! » résonna une voix familière.
Lucas et Théo se retournèrent d’un bond. Commandux se tenait là, à quelques mètres d’eux, mais il était différent. Plus grand, plus imposant, et son sifflet doré brillait d’une lumière aveuglante. Ses yeux bleus étaient devenus presque blancs, et sa cape rouge flottait autour de lui comme si elle était vivante.
« Comment… ? » commença Lucas.
« Comment j’ai fait pour arriver avant vous ? » Commandux éclata d’un rire qui résonna dans tout le royaume inversé. « Parce que c’est MON royaume, jeunes impertinents ! Je l’ai créé spécialement pour vous ! »
Il leva son sifflet et souffla dedans. Immédiatement, le sol sous leurs pieds commença à bouger. Des murs de métal surgirent autour d’eux, formant une prison parfaite.
« Quatre Étoiles ! » cracha Commandux avec colère. « Vous avez récupéré quatre de mes précieuses Étoiles ! Mais cela s’arrête ici ! »
Lucas porta instinctivement la main à sa poche, mais elle était vide. Paniqué, il fouilla toutes ses poches.
« Mes Étoiles ! Elles ont disparu ! »
Théo vérifia ses propres poches. Rien non plus.
Commandux sourit méchamment. « Dans mon royaume, rien ne m’échappe. Vos précieuses Étoiles sont maintenant en sécurité dans ma forteresse. »
Il désigna une structure impossible au loin : une tour qui s’élevait et s’abaissait en même temps, défiant toutes les lois de la physique.
« Mais je ne suis pas cruel », continua Commandux d’un ton faussement généreux. « Je vais vous donner une chance de les récupérer. Un petit jeu, si vous voulez. »
Les murs de leur prison s’abaissèrent, révélant un parcours d’obstacles complexe qui s’étendait jusqu’à la forteresse. Des plateformes flottantes, des ponts qui apparaissaient et disparaissaient, des pièges mécaniques…
« Si vous arrivez à atteindre ma forteresse ensemble », annonça Commandux, « je vous rendrai vos Étoiles. Mais attention : dans ce royaume, tout fonctionne à l’envers. Ce qui semble sûr est dangereux, ce qui semble dangereux pourrait être sûr. Et surtout… »
Ses yeux brillèrent d’une lueur malveillante.
« Plus vous travaillerez ensemble, plus ce sera difficile. Ce royaume récompense l’individualisme, pas le travail d’équipe. »
Lucas et Théo échangèrent un regard inquiet. C’était exactement le contraire de tout ce qu’ils avaient appris.
« Vous mentez ! » cria Lucas. « On a appris que l’équipe était plus forte ! »
« Dans les autres royaumes, peut-être », ricana Commandux. « Mais ici, c’est MOI qui fais les règles ! Et mes règles favorisent les vrais leaders, ceux qui n’ont pas besoin des autres ! »
Pour prouver ses dires, il souffla dans son sifflet. Une passerelle apparut devant eux, mais elle n’était assez large que pour une personne.
« Allez-y ! » les défia-t-il. « Montrez-moi lequel de vous deux est le vrai leader ! »
Lucas regarda la passerelle, puis Théo. Quelque chose clochait dans tout ça, mais il ne savait pas quoi.
« On y va ensemble », déclara-t-il fermement.
« Impossible ! » répliqua Commandux. « La passerelle ne supporte qu’un seul poids ! Si vous essayez de passer ensemble, vous tomberez tous les deux ! »
Effectivement, quand Lucas posa un pied sur la passerelle, elle sembla solide. Mais dès que Théo essaya de le rejoindre, la structure se mit à vaciller dangereusement.
« Tu vois ? » triompha Commandux. « Ton ami ne fait que te ralentir ! Vas-y seul ! »
Lucas hésita. Toute sa vie, il avait eu tendance à foncer seul. Ce serait si facile de retrouver ses anciens réflexes…
Mais il repensa à tout ce qu’ils avaient vécu ensemble. Aux moments où Théo l’avait sauvé, aux idées brillantes de son ami, à leur amitié qui s’était renforcée à chaque épreuve.
« Non », dit-il fermement en redescendant de la passerelle. « Si on ne peut pas passer ensemble, alors on trouvera un autre moyen. »
Le visage de Commandux se tordit de rage. « Idiot ! Tu vas échouer à cause de ta sentimentalité ! »
Il souffla plus fort dans son sifflet, et le parcours devint encore plus complexe et dangereux.
Pendant les deux heures qui suivirent, Lucas et Théo tentèrent de progresser ensemble vers la forteresse. Mais à chaque fois qu’ils s’entraidaient, les obstacles devenaient plus difficiles. Quand Lucas aidait Théo à grimper, les prises disparaissaient. Quand Théo guidait Lucas à travers un labyrinthe, les murs se resserraient.
« Il faut qu’on se sépare ! » finit par crier Théo, épuisé après leur énième échec. « C’est le seul moyen ! »
« Non ! » s’obstina Lucas. « Il doit y avoir une solution ! »
Mais au fond de lui, le doute commençait à s’installer. Et si Commandux avait raison ? Et si, parfois, il fallait agir seul ?
C’est alors qu’il remarqua quelque chose d’étrange. Chaque fois qu’ils échouaient ensemble, Commandux souriait. Mais quand ils étaient sur le point de se séparer, une lueur d’inquiétude passait dans ses yeux.
« Théo ! » chuchota Lucas. « Je crois qu’il nous ment ! »
« Comment ça ? »
« Regarde-le ! Il a l’air content quand on galère ensemble, mais inquiet quand on parle de se séparer. Et si c’était l’inverse ? Et si ce royaume récompensait en fait le travail d’équipe, mais qu’il nous faisait croire le contraire ? »
Théo observa Commandux attentivement. Lucas avait raison ! L’ancien capitaine semblait nerveux.
« Mais alors, pourquoi les obstacles deviennent plus durs quand on s’aide ? » demanda Théo.
« Parce qu’on y croit ! » réalisa soudain Lucas. « Luna nous a dit que dans ce royaume, tout était à l’envers. Peut-être que nos croyances aussi fonctionnent à l’envers ! »
Ils échangèrent un regard de compréhension.
« On essaie ? » proposa Théo.
« On essaie. »
Ils retournèrent au début du parcours. Cette fois, au lieu de douter de leur équipe, ils y crurent plus fort que jamais. Au lieu de penser que s’entraider les ralentirait, ils se concentrèrent sur l’idée que ensemble, ils étaient invincibles.
Et miracle ! Les obstacles commencèrent à se simplifier. La passerelle trop étroite s’élargit quand ils y montèrent ensemble. Les ponts qui disparaissaient restèrent stables sous leurs pas unis.
« NON ! » hurla Commandux, réalisant qu’il avait été démasqué. « C’est impossible ! Vous devriez échouer ! »
Mais Lucas et Théo progressaient de plus en plus vite, leur confiance mutuelle grandissant à chaque obstacle surmonté.
« Tu sais ce que je pense ? » cria Lucas à Commandux tout en courant. « Je pense que tu as peur ! Peur de voir qu’on peut réussir ensemble là où toi, tu as échoué tout seul ! »
Le visage de Commandux devint livide. Cette accusation avait touché dans le mille.
« Je… je n’ai pas peur ! » bégaya-t-il. « J’ai juste… mes coéquipiers m’ont trahi ! Ils ne m’écoutaient plus ! »
« Parce que tu ne les écoutais pas ! » répliqua Théo. « Nous, on a appris à s’écouter mutuellement ! »
Commandux recula, son sifflet tremblant dans sa main. Pour la première fois depuis le début de l’aventure, il semblait vulnérable, presque… humain.
« Vous… vous ne comprenez pas », murmura-t-il. « Quand on est responsable d’une équipe, on doit prendre les bonnes décisions. On ne peut pas se permettre d’écouter tout le monde. »
« Si ! » s’exclama Lucas en atteignant la forteresse avec Théo. « C’est exactement ce qu’on doit faire ! Un vrai leader, c’est quelqu’un qui rend son équipe meilleure, pas quelqu’un qui la contrôle ! »
Ils pénétrèrent dans la forteresse et trouvèrent les quatre Étoiles qui brillaient dans une cage de cristal. Mais au lieu de les prendre immédiatement, Lucas se tourna vers Commandux qui les avait suivis.
« Tu sais quoi ? » dit-il. « On va récupérer toutes les Étoiles, et on va briser ton sort. Mais après ça, on t’aidera à apprendre ce qu’on a appris. Parce que au fond, tu n’es pas méchant. Tu es juste… seul. »
Pour la première fois, des larmes apparurent dans les yeux de Commandux. Mais aussitôt, il se ressaisit et souffla furieusement dans son sifflet.
« JAMAIS ! Si je ne peux pas avoir l’équipe parfaite, alors personne n’aura d’équipe du tout ! »
Le royaume entier commença à s’effondrer autour d’eux. Les structures impossibles s’écroulaient, et des fissures apparaissaient partout.
« Il va détruire son propre royaume pour nous empêcher de réussir ! » cria Théo.
Lucas attrapa les quatre Étoiles et chercha désespérément une sortie. Mais tous les portails s’étaient fermés.
« On est coincés ! » réalisa-t-il avec horreur.
Commandux riait maintenant d’un rire fou. « Si je ne peux pas gagner, alors tout le monde perd ! C’est ça, la vraie règle du jeu ! »
Le plafond commençait à s’effriter au-dessus d’eux. Dans quelques minutes, tout le royaume se serait effondré, les ensevelissant tous les trois.
Lucas serra les Étoiles dans sa main et regarda Théo. Ils avaient surmonté tant d’épreuves ensemble, appris tant de choses… Tout ça ne pouvait pas se terminer ainsi !
« Il faut qu’on trouve les sept autres Étoiles ! » cria-t-il par-dessus le bruit de l’effondrement. « C’est le seul moyen de tout arrêter ! »
Mais comment faire quand tout s’écroulait autour d’eux et que Commandux semblait avoir perdu la raison ?
La réponse à cette question déterminera le sort de tous : Lucas, Théo, Commandux, et tous ceux qui sont sous l’emprise du sifflet magique…
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 95