Nicolas se tenait immobile, sa petite main collée contre le mur froid de la cour de récréation. Ses cheveux blonds brillaient sous le soleil d’automne, mais ses yeux bleus scrutaient anxieusement les groupes d’enfants qui couraient et riaient autour de lui.
« Reste ici, c’est plus sûr », chuchota une voix à son oreille. C’était L’Ombre Chuchotante, que lui seul pouvait voir. Elle était grise et floue, et s’enroulait autour de ses épaules comme une écharpe brumeuse. « Tu vois comme ils sont bruyants ? Ils vont se moquer de toi si tu parles des fourmis que tu aimes tant ».
Nicolas serra son petit poing contre le mur. Il savait que L’Ombre avait souvent raison. La dernière fois qu’il avait essayé de parler de son film préféré, « 1001 pattes », deux grands garçons avaient ri et l’avaient appelé « le fou des bestioles ». Depuis, il préférait rester contre ce mur, à observer les autres jouer sans lui.
Soudain, une voix familière et joyeuse brisa sa solitude.
« Nicolas ! Viens voir ce que j’ai trouvé ! »
C’était Estelle, sa voisine d’immeuble et seule amie. Ses cheveux bruns ondulés dansaient autour de son visage souriant alors qu’elle accourait vers lui. Nicolas sentit L’Ombre Chuchotante s’alléger un peu. Avec Estelle, il n’avait jamais peur.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda timidement Nicolas en quittant son mur protecteur.
Estelle l’entraîna vers un coin reculé de la cour, près du grand marronnier. Là, sous les feuilles tombées, se trouvait une petite fourmilière qui semblait étrangement organisée, avec des tunnels visibles à travers le sol.
« Regarde comme elles travaillent ensemble ! » s’exclama Estelle en s’accroupissant.
Nicolas s’agenouilla doucement, ses yeux s’illuminant d’émerveillement. Des dizaines de fourmis transportaient des miettes et des brindilles, formant une parade organisée et méthodique.
« Elles sont comme dans mon film », murmura-t-il, fasciné.
Soudain, comme si elles l’avaient entendu, toutes les fourmis s’arrêtèrent simultanément. Nicolas retint son souffle. Puis, à sa grande surprise, les fourmis commencèrent à se réorganiser, formant des lettres sur le sol terreux :
« AIDE-NOUS NICOLAS »
Le petit garçon sursauta et regarda Estelle, mais elle semblait observer autre chose et n’avait pas vu le message.
« Tu as vu ? » chuchota-t-il.
« Vu quoi ? » répondit Estelle, intriguée.
Les fourmis s’étaient déjà remises en mouvement normal. Nicolas cligna des yeux, persuadé d’avoir imaginé ce qu’il venait de voir.
« Attention ! » siffla L’Ombre Chuchotante dans son oreille. « Si tu parles de ça, tous vont croire que tu es vraiment bizarre ! »
Mais avant que Nicolas puisse répondre, la cloche de l’école retentit, signalant la fin de la récréation.
« On reviendra voir ta fourmilière demain », promit Estelle en se relevant. « Tu veux jouer chez moi après l’école ? Maman a fait des cookies ! »
Nicolas sourit et hocha la tête. Chez Estelle, il pouvait être lui-même, parler des insectes sans que personne ne se moque.
De retour en classe, Nicolas n’arrivait pas à se concentrer. Ses pensées revenaient sans cesse vers ces fourmis mystérieuses. Avaient-elles vraiment écrit son nom ? Pourquoi auraient-elles besoin de son aide ?
Après l’école, en attendant sa maman qui devait venir le chercher avec bébé Rémy, Nicolas retourna furtivement vers la fourmilière. L’Ombre Chuchotante s’agitait nerveusement autour de lui.
« Ne reste pas seul ici, c’est dangereux ! » murmurait-elle.
Mais Nicolas s’approcha quand même et s’agenouilla près du petit monticule de terre. À sa grande surprise, une fourmi plus grosse que les autres sortit et le fixa de ses minuscules yeux noirs.
« Nicolas, nous avons besoin de toi », dit une voix minuscule que seul lui pouvait entendre. « Toi seul peux nous comprendre et nous aider. »
Le cœur de Nicolas battait à tout rompre. Une fourmi qui parle ! Ce n’était plus comme dans le film, c’était réel !
« M-moi ? » balbutia-t-il. « Mais je ne suis qu’un petit garçon… qui a peur de tout. »
« Tu es bien plus que ça », répondit la fourmi. « Tu es celui qui observe, qui comprend les petites créatures que personne ne remarque. Notre royaume sous terre est en danger, et seul un humain qui respecte notre monde peut nous aider. »
Nicolas allait répondre quand il entendit la voix de sa mère qui l’appelait. Il se releva précipitamment.
« Je reviendrai demain », promit-il à voix basse.
Cette nuit-là, alors que sa maman berçait bébé Rémy qui pleurait encore, Nicolas fixait le plafond de sa chambre. L’Ombre Chuchotante tournoyait au-dessus de lui, plus agitée que jamais.
« Tu ne peux pas aider ces fourmis », insistait-elle. « Tu es trop petit, trop timide. Et si c’était un piège ? Et si les autres enfants te voyaient parler à des fourmis ? »
Mais pour la première fois, Nicolas se demandait si L’Ombre avait vraiment raison. Les fourmis l’avaient choisi, lui. Peut-être que sa passion pour les insectes n’était pas si bizarre après tout. Peut-être était-ce un don spécial.
Alors qu’il s’endormait enfin, Nicolas ne savait pas encore que la fourmilière magique allait complètement transformer sa vie à l’école, ni que sa mission pour sauver les fourmis le mènerait à découvrir un courage qu’il ne soupçonnait pas en lui.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 70