Après une longue marche à travers des sentiers de plus en plus étroits, Mamie Rose, Julie et Choupette arrivèrent devant un énorme saule pleureur. Ses branches cascadaient jusqu’au sol, formant un rideau vert et frémissant.
« Bienvenue chez moi, » annonça Mamie Rose en écartant doucement les branches.
Julie resta bouche bée en découvrant ce qui se cachait derrière. Un jardin circulaire s’étendait au pied d’une petite maison en pierre couverte de lierre. Mais ce n’était pas un jardin ordinaire. Chaque plante semblait luire d’une lumière intérieure, et les fleurs étaient plus grandes et plus colorées que toutes celles que Julie avait jamais vues.
« C’est… magique, » souffla-t-elle.
Mamie Rose rit, un son cristallin qui évoquait le tintement de petites cloches. « C’est simplement la nature qui s’exprime pleinement. Viens, entre. »
À l’intérieur de la maison, tout était accueillant et chaleureux. Des bouquets de plantes séchées pendaient du plafond, et les étagères croulaient sous les pots d’herbes et de préparations mystérieuses. Un petit feu brûlait dans l’âtre, et l’air embaumait la camomille et la lavande.
Choupette se roula immédiatement en boule sur un coussin près du feu, comme si elle était déjà venue ici.
« Assieds-toi, Julie, » invita Mamie Rose en lui désignant une chaise en bois sculpté. « Je vais nous préparer une tisane qui éclaircit les idées et apaise le cœur. »
Pendant que Mamie Rose s’affairait, Julie observait la pièce avec curiosité. « Vous vivez ici toute seule? »
« Avec les plantes, les oiseaux et les autres animaux de la forêt, je ne suis jamais vraiment seule, » répondit la vieille dame en versant l’eau chaude dans deux tasses en céramique. « Et puis, Choupette me rend souvent visite. »
Julie regarda son chaton avec étonnement. « Tu venais ici avant même que je t’adopte? »
Choupette s’étira paresseusement. « Je suis née dans cette vallée, petite humaine. Mamie Rose m’a soignée quand j’étais blessée, avant que je n’arrive à la SPA où tu m’as trouvée. »
Mamie Rose déposa une tasse fumante devant Julie. La boisson avait une couleur dorée et un parfum apaisant. « Bois, mon enfant. Ça t’aidera à voir plus clairement. »
Julie but une gorgée. Une chaleur agréable se répandit dans tout son corps, et son esprit sembla s’éclaircir, comme si un voile se levait.
« Le Nuage Noir t’a choisie, Julie, » dit doucement Mamie Rose en s’asseyant face à elle. « Il a senti ton amour pour la nature et ta sensibilité. »
« Mais pourquoi veut-il me faire peur? »
« Ce n’est pas vraiment ce qu’il veut, » soupira Mamie Rose. « Il était autrefois l’Esprit Gardien de notre vallée, veillant sur chaque plante, chaque animal. Nous l’appelions Sylve. Il était lumineux et bienveillant. Mais à force de voir la destruction causée par les humains, il s’est transformé. La douleur et la colère l’ont rendu sombre. Maintenant, il propage l’anxiété et le désespoir, croyant que c’est la seule façon de faire réagir les gens. »
« Comment peut-on l’aider? » demanda Julie.
Mamie Rose sourit, visiblement satisfaite de la question. « C’est exactement ce que je voulais t’entendre dire. Non pas ‘comment se débarrasser de lui’, mais ‘comment l’aider’. Tu as un don spécial, Julie, un don que peu d’enfants possèdent. »
« Quel don? »
« La capacité de voir au-delà des apparences, de ressentir la connexion entre toutes les formes de vie. » Mamie Rose se leva et prit un petit coffret sur une étagère. « Regarde. »
Elle l’ouvrit, révélant une graine qui brillait comme une étoile. « C’est une Graine d’Espoir, l’une des dernières. Elle a le pouvoir de guérir, mais elle ne pousse que lorsqu’elle est plantée par quelqu’un qui croit sincèrement que les petits gestes peuvent faire une grande différence. »
Julie tendit la main, fascinée. La graine émit une lueur plus vive à son contact.
« Tu vois? » sourit Mamie Rose. « Elle te reconnaît. »
Choupette sauta sur la table pour mieux voir. « La Graine n’a pas brillé comme ça depuis des années. »
« Comment fonctionne-t-elle? » demanda Julie, émerveillée.
« Elle se nourrit d’espoir et d’actions positives, » expliqua Mamie Rose. « Pour qu’elle grandisse, tu devras accomplir des gestes concrets pour aider la nature, tout en gardant espoir même quand tout semble perdu. »
« Mais… je ne suis qu’une petite fille, » hésita Julie. « Que puis-je faire contre tous les problèmes de la planète? »
Mamie Rose prit les mains de Julie dans les siennes. « Laisse-moi te montrer quelque chose. »
Elle l’emmena dehors, dans une partie du jardin où poussaient d’étranges fleurs transparentes. « Touche l’une d’elles et concentre-toi sur un moment où tu as aidé la nature, même de façon minime. »
Julie effleura un pétale et pensa au jour où elle avait ramassé des déchets au bord de la rivière avec sa mère. La fleur s’illumina soudain, projetant une image de cette journée: Julie, un sac à la main, récupérant des bouteilles en plastique. Dans la vision, la rivière semblait murmurer un « merci » que seule Julie pouvait entendre.
« C’est la Fleur des Souvenirs, » expliqua Mamie Rose. « Elle montre l’impact réel de nos actions, même les plus petites. Vois-tu? Ce jour-là, tu as sauvé trois poissons, un caneton et d’innombrables insectes qui auraient pu être blessés par ces déchets. »
Julie contempla l’image, stupéfaite. « Je ne savais pas… »
« C’est le problème, » dit doucement Mamie Rose. « Nous ne voyons jamais l’effet complet de nos bonnes actions. Le Nuage Noir le sait et utilise cette ignorance contre nous. »
Elle conduisit ensuite Julie vers un petit étang au centre du jardin. L’eau était si claire qu’on pouvait voir jusqu’au fond, où brillaient des centaines de petites pierres colorées.
« Ceci est l’Étang des Possibles, » dit Mamie Rose. « Regarde ton reflet et dis-moi ce que tu vois. »
Julie se pencha. Son reflet lui renvoya d’abord son image habituelle: une petite fille aux longs cheveux bruns ondulés, vêtue d’une robe turquoise. Mais en regardant plus attentivement, elle vit son reflet changer, se transformer. Elle se vit plus grande, plantant des arbres, nettoyant des rivières, parlant à d’autres enfants qui l’écoutaient avec attention.
« Je me vois… en train d’aider, » murmura-t-elle.
« L’Étang montre les futurs possibles, » expliqua Mamie Rose. « Celui que tu as vu est l’un d’eux. Mais pour qu’il se réalise, tu dois d’abord croire qu’il est possible. »
Soudain, le ciel s’assombrit. Une ombre passa sur le jardin, et les plantes semblèrent se recroqueviller.
« Il nous a trouvés, » murmura Choupette en se hérissant.
Le Nuage Noir planait au-dessus du saule pleureur, n’osant pas encore entrer dans le jardin protégé.
« Il ne peut pas entrer ici sans invitation, » expliqua Mamie Rose, « mais il devient plus fort. Bientôt, même cet endroit ne sera plus à l’abri. »
« Que dois-je faire? » demanda Julie, serrant la Graine d’Espoir dans sa main.
« Apprendre à transformer ta peur en action, » répondit Mamie Rose. « C’est la seule façon de guérir Sylve et de l’aider à redevenir l’Esprit Gardien qu’il était. »
Elle prit une petite boîte en bois sculpté et l’ouvrit, révélant un pendentif en forme de feuille, taillé dans une pierre verte translucide.
« Ceci est l’Amulette de Sylve, créée quand il était encore l’Esprit Gardien. Elle te protégera et t’aidera à communiquer avec la nature. Porte-la toujours. »
Julie passa le pendentif autour de son cou. Aussitôt, une douce chaleur se répandit dans sa poitrine, et elle eut l’impression que les plantes du jardin se tournaient légèrement vers elle, comme pour la saluer.
« Je sens… je sens les plantes, » murmura-t-elle, émerveillée.
« L’amulette amplifie ton don naturel, » sourit Mamie Rose. « Maintenant, tu dois apprendre à l’utiliser. »
Elles passèrent le reste de la journée dans le jardin. Mamie Rose montra à Julie comment écouter les arbres, comment sentir l’énergie qui circulait dans le sol, comment comprendre le langage des oiseaux et des insectes. À chaque nouvelle découverte, Julie sentait grandir en elle quelque chose de puissant et lumineux.
« C’est ton espoir qui s’éveille, » expliqua Mamie Rose en voyant le visage rayonnant de Julie. « La plus grande force contre le désespoir du Nuage Noir. »
Quand le soir commença à tomber, Mamie Rose prépara un petit sac pour Julie. « Tu dois rentrer maintenant. Ta famille doit être inquiète. »
« Mais le temps s’était arrêté, » s’étonna Julie.
« Seulement pour un moment, » dit Mamie Rose. « Le sort ne dure pas éternellement. »
Elle donna à Julie le sac qui contenait la Graine d’Espoir, quelques Fleurs des Souvenirs séchées et un petit flacon d’eau de l’Étang des Possibles.
« Pour planter la Graine, tu auras besoin de trouver le cœur de la vallée, l’endroit où bat son pouls. Ce n’est pas un lieu qu’on peut indiquer sur une carte – tu devras le sentir. »
« Comment le reconnaîtrai-je? »
« L’amulette te guidera, » assura Mamie Rose. « Mais attention: le Nuage Noir fera tout pour t’empêcher d’y arriver. Il essaiera de te faire douter, de te décourager. »
Julie regarda vers le ciel où le Nuage Noir continuait de tournoyer, patient et menaçant.
« N’aie pas peur, » dit doucement Mamie Rose. « La peur est son arme, pas la tienne. Ta force vient de l’espoir et de l’action. »
Choupette se frotta contre les jambes de Julie. « Je serai avec toi à chaque pas. »
Mamie Rose les accompagna jusqu’à la limite de son jardin. « Souviens-toi, Julie: même les plus petites actions peuvent avoir de grands effets. Comme une graine qui devient un arbre immense. »
Julie l’étreignit fort. « Merci, Mamie Rose. »
Puis, avec Choupette sur ses talons, elle s’engagea sur le sentier qui menait hors de la forêt enchantée, vers sa famille et vers le début de sa véritable aventure.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 77
