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Le soleil se levait paresseusement sur l’Arbre-Mère, baignant la clairière d’une douce lumière dorée. Julie était assise sur une large racine qui émergeait du sol, ses cheveux blonds captant les premiers rayons du jour. Entre ses mains, elle tenait une petite pousse verte, fragile et délicate. Ses yeux étaient fermés, son visage affichant une concentration intense.

Une lueur verte émanait doucement de ses paumes, enveloppant la jeune plante qui, sous cette influence, grandissait à vue d’œil. Ses tiges s’allongeaient, ses feuilles s’élargissaient, et bientôt, un bourgeon apparut, s’ouvrant pour révéler une fleur d’un bleu profond, presque iridescent.

« Magnifique, » dit Noko qui observait à quelques pas de là, appuyé sur son bâton lumineux. « Tu maîtrises de mieux en mieux ton pouvoir. »

Julie ouvrit les yeux et sourit, fière de sa création. « C’est plus facile maintenant. Je sens mieux l’énergie qui circule, comme tu me l’as appris. »

Cela faisait trois jours qu’ils étaient revenus de la Vallée des Brumes. Trois jours de préparation intense pour le voyage vers la Source Primordiale. Julie avait passé la plupart de son temps à s’entraîner avec Noko, perfectionnant son don de Verdoyante. Martin, quant à lui, avait été envoyé par Sylviane pour rassembler des informations et des provisions pour leur expédition.

Choupette bondit gracieusement depuis une branche basse et vint se frotter contre la jambe de Julie. « Tu progresses très vite, petite Julie. Même les anciens Verdoyants prenaient souvent des mois pour atteindre ce niveau. »

« J’ai une bonne motivation, » répondit Julie en déposant délicatement la fleur bleue dans le sol, où elle s’enracina immédiatement. « Je veux vraiment aider Brumaléo. »

Depuis leur confrontation dans la Vallée des Brumes, l’esprit forestier était resté à distance, oscillant entre sa forme lumineuse retrouvée et des périodes où la brume noire reprenait le dessus. Il apparaissait parfois à la lisière de la clairière, observant Julie s’entraîner, avant de disparaître à nouveau dans les profondeurs de la jungle.

« Comment va-t-il aujourd’hui? » demanda Julie, sachant que Choupette, avec ses sens félins aiguisés, gardait souvent un œil sur Brumaléo.

« Mieux que hier, » ronronna le chat. « La lumière verte domine plus longtemps. Mais il lutte encore contre les ténèbres. »

Julie hocha la tête, pensive. Elle avait appris que la guérison n’était pas instantanée, que ce soit pour les plantes, les animaux, ou les esprits. C’était un processus, parfois lent et difficile, mais qui valait la peine d’être poursuivi.

Un bruissement de feuilles annonça l’arrivée de Sylviane. La gardienne de l’Arbre-Mère semblait plus solennelle que d’habitude, son visage normalement serein traversé par une ombre d’inquiétude.

« Martin est revenu, » annonça-t-elle. « Et il a ramené… des nouvelles. »

Le ton de sa voix alerta immédiatement Julie. « Des mauvaises nouvelles? »

« Pas nécessairement mauvaises, » nuança Sylviane. « Mais préoccupantes. Viens, il nous attend à l’intérieur de l’Arbre-Mère. »

Julie suivit Sylviane, accompagnée de Noko et Choupette, jusqu’à l’entrée cachée dans le tronc massif. L’escalier en spirale les conduisit dans la salle circulaire que Julie avait découverte lors de sa première visite. La projection holographique au centre montrait toujours diverses parties de la jungle, certaines verdoyantes, d’autres grises et menacées.

Martin se tenait devant cette projection, son visage grave éclairé par la lumière changeante. À côté de lui se trouvait une créature que Julie n’avait jamais vue auparavant – un être élancé à la peau bleutée, avec de longues oreilles pointues et des yeux d’un violet profond. Il portait une tunique faite de ce qui semblait être des écailles de poisson scintillantes.

« Julie, je te présente Azurin, » dit Martin. « C’est un Ondulant, un esprit des rivières profondes de la jungle. »

L’être inclina gracieusement la tête. « Enchantée, jeune Verdoyante. Ton nom résonne déjà dans les courants de notre monde. »

Julie fit une petite révérence maladroite, ne sachant pas trop comment répondre à ce compliment. « Euh, merci. C’est un plaisir de vous rencontrer aussi. »

« Azurin nous a apporté des informations cruciales sur la Source Primordiale, » expliqua Martin, revenant au sujet principal. Il fit un geste vers la projection, qui changea pour montrer une région de la jungle que Julie n’avait pas encore vue – un enchevêtrement dense d’arbres immenses, si serrés qu’on distinguait à peine le sol entre eux.

« Le Cœur Ancien, » dit Sylviane. « C’est là que se trouve la Source Primordiale. Mais ce que nous ignorions, c’est que l’accès est devenu encore plus difficile récemment. »

« Les gardiens de la Source sont devenus… méfiants, » expliqua Azurin de sa voix fluide qui évoquait le clapotis de l’eau. « Ils sentent les déséquilibres qui affectent notre monde et le vôtre, jeune Julie. Ils craignent que la Source ne soit convoitée pour de mauvaises raisons. »

« Mais nos intentions sont bonnes! » protesta Julie. « Nous voulons juste aider Brumaléo et sauver la forêt. »

« Les gardiens ne jugent pas sur les intentions, mais sur les actions et les épreuves, » dit Noko, qui semblait avoir déjà compris les implications. « N’est-ce pas, Azurin? »

L’Ondulant acquiesça. « Pour atteindre la Source, vous devrez passer trois épreuves. La première teste le courage, la seconde la sagesse, et la troisième… le cœur. »

« Quel genre d’épreuves? » demanda Julie, soudain moins assurée.

« Elles sont différentes pour chaque voyageur, » répondit Azurin. « Elles se manifestent selon vos propres peurs, vos propres faiblesses, vos propres désirs. »

Un silence s’installa dans la salle, chacun méditant sur ces paroles. Julie sentit une boule se former dans sa gorge. Elle avait beaucoup de peurs – peur de l’échec, peur que la planète soit détruite malgré tous leurs efforts, peur de ne pas être à la hauteur…

« Ce n’est pas tout, » reprit Martin après un moment. « Azurin nous a aussi parlé du prix à payer pour utiliser la Source. »

Tous les regards se tournèrent vers l’Ondulant, qui inclina la tête avec une expression grave. « La Source Primordiale est l’essence même de l’équilibre. Pour chaque don qu’elle accorde, elle exige un sacrifice équivalent. »

« Quel genre de sacrifice? » demanda Julie, sa voix à peine plus forte qu’un murmure.

« Cela dépend de ce que vous demandez, » répondit Azurin. « Plus la requête est grande, plus le sacrifice l’est aussi. Et pour ce que vous semblez vouloir – guérir un esprit forestier et restaurer son lien avec un monde distant – le prix pourrait être… considérable. »

« Considérable comment? » insista Julie.

Azurin échangea un regard avec Sylviane, qui hocha imperceptiblement la tête. « Il pourrait s’agir d’un souvenir précieux, d’une capacité que vous chérissez, ou même… d’un lien avec quelqu’un que vous aimez. »

Les implications de ces paroles s’abattirent sur Julie comme une pluie froide. Perdre un souvenir? Une capacité? Un lien avec un être cher? L’idée même était effrayante.

« Est-ce qu’on sait à l’avance quel sera le sacrifice? » demanda-t-elle.

« Non, » répondit doucement Azurin. « La Source choisit ce qui lui semble équivalent au don demandé. On ne le découvre qu’au moment de formuler sa requête. »

Julie regarda tour à tour ses compagnons, cherchant du réconfort ou des conseils. Le visage de Martin exprimait l’inquiétude, celui de Noko la contemplation, et Sylviane semblait partagée entre l’appréhension et la résignation.

« Peut-être devrions-nous reconsidérer, » suggéra Martin, brisant le silence. « Il y a sûrement d’autres moyens d’aider Brumaléo. Des moyens moins risqués. »

« Comme quoi? » demanda Julie, non pas sur un ton de défi, mais avec une réelle curiosité.

Martin hésita. « Je… je ne sais pas exactement. Mais il doit y avoir autre chose. Peut-être que si nous continuons à l’aider à se souvenir de qui il était, petit à petit… »

« Le temps joue contre nous, » intervint Noko. « Chaque jour, la pollution dans le monde de Julie affecte davantage notre jungle. Et chaque jour, Brumaléo oscille entre lumière et ténèbres. Si nous attendons trop longtemps… »

Il n’eut pas besoin de finir sa phrase. Ils savaient tous ce qui risquait d’arriver – Brumaléo pourrait retomber complètement dans le désespoir, devenant peut-être irrémédiablement l’esprit de destruction qu’il avait commencé à être.

« Alors nous devons essayer, » dit Julie avec une détermination nouvelle, bien que sa voix tremblât légèrement. « Même si c’est effrayant. Même si je ne sais pas quel sera le prix. »

« Julie… » commença Martin, clairement inquiet.

« Non, Martin, je dois le faire, » insista-t-elle. « C’est en partie à cause de gens comme nous, dans notre monde, que Brumaléo est devenu ce qu’il est. C’est notre responsabilité de l’aider. »

Sylviane s’approcha de Julie et s’agenouilla pour être à sa hauteur. Son visage, si semblable à celui de la mère de Julie, exprimait un mélange de fierté et d’inquiétude. « Ta détermination est admirable, petite Verdoyante. Mais tu dois comprendre pleinement dans quoi tu t’engages. Ce voyage ne sera pas facile, et le prix à payer pourrait être douloureux. »

Julie hocha gravement la tête. « Je comprends. Mais je veux quand même essayer. »

Sylviane étudia son visage pendant un long moment, puis se releva. « Alors nous continuerons nos préparatifs. Mais nous devons être aussi prêts que possible. »

Elle se tourna vers Azurin. « Y a-t-il autre chose que nous devrions savoir sur le voyage vers la Source? »

L’Ondulant sembla hésiter un instant. « Il y a… une chose. La voie la plus directe vers le Cœur Ancien passe par les Terres Creuses. »

Noko et Sylviane échangèrent un regard préoccupé que Julie ne manqua pas de remarquer. « Qu’est-ce que les Terres Creuses? » demanda-t-elle.

« Une région de la jungle où le sol est instable, » expliqua Noko. « Des tunnels et des grottes s’étendent sous la surface, créant des pièges naturels. Et certains disent que des créatures… peu amicales y habitent. »

« Quelles créatures? » demanda Martin, sa main se portant instinctivement à la dague de cristal à sa ceinture.

« On les appelle les Dévoreurs d’Espoir, » dit Azurin, sa voix baissant presque jusqu’au murmure. « Des êtres qui se nourrissent des rêves et des espoirs des voyageurs. Ils ne sont pas maléfiques par nature, mais ils sont dangereux, surtout pour quelqu’un comme Julie, qui porte tant d’espoir en elle. »

Julie frissonna malgré elle. Des créatures qui dévoraient l’espoir? Cela semblait tout droit sorti d’un cauchemar.

« N’y a-t-il pas un autre chemin? » demanda-t-elle.

« Il y en a un, » admit Azurin. « À travers les Pics Brumeux. Mais c’est un détour qui ajouterait plusieurs jours à votre voyage. Et le temps, comme l’a souligné Noko, est précieux. »

Un silence pensif s’installa à nouveau. Julie sentait le poids de la décision sur ses épaules. Risquer les Terres Creuses et leurs habitants inquiétants, ou prendre un chemin plus long alors que Brumaléo luttait chaque jour contre ses ténèbres?

« Je crois que nous devrions prendre le chemin le plus court, » dit-elle finalement. « Par les Terres Creuses. Si ces Dévoreurs d’Espoir sont si dangereux, nous devrons simplement être très prudents. »

« Ce n’est pas si simple, Julie, » dit doucement Noko. « Ces créatures sont subtiles. Elles ne t’attaquent pas ouvertement. Elles s’infiltrent dans ton esprit quand tu ne t’y attends pas, se nourrissant lentement de tes espoirs jusqu’à ce qu’il ne reste plus que du désespoir. »

« Comme Brumaléo quand il est venu dans ma chambre, » murmura Julie, se souvenant de cette première nuit où la brume noire avait émergé de sous son lit.

« Oui, en quelque sorte, » acquiesça Sylviane. « Mais les Dévoreurs d’Espoir sont plus anciens, plus primaires. Ils existent depuis la création de la jungle. »

« Alors comment pouvons-nous nous protéger? » demanda Martin, pragmatique comme toujours.

Azurin s’avança, sa démarche fluide rappelant le mouvement de l’eau. « J’ai apporté quelque chose qui pourrait vous aider. » Il tendit une main élégante, révélant cinq petites pierres d’un bleu profond, presque translucides, qui semblaient contenir une lumière intérieure. « Ce sont des Larmes d’Océan. Elles protègent partiellement l’esprit contre les influences extérieures. Ce n’est pas une garantie absolue contre les Dévoreurs d’Espoir, mais cela vous donnera un avantage. »

Sylviane prit les pierres avec révérence. « Merci, Azurin. C’est un cadeau précieux. »

L’Ondulant inclina légèrement la tête. « C’est le moins que je puisse faire. Le destin de la Jungle Émeraude nous concerne tous, qu’on vive dans les arbres, sous terre, ou dans les rivières. »

Julie observa les pierres bleues, fascinée par leur éclat intérieur. « Comment fonctionnent-elles? »

« Tu la portes près de ton cœur, » expliqua Azurin. « Elle réagit à tes émotions, créant une sorte de bouclier autour de ton esprit quand tu te sens menacé ou manipulé. »

Sylviane distribua les pierres. Julie prit la sienne avec précaution, sentant une douce chaleur émaner de l’objet, comme s’il était vivant d’une certaine façon.

« Nous partirons demain à l’aube, » décida Sylviane. « D’ici là, reposez-vous et préparez-vous mentalement. Le voyage sera long et difficile. »

Alors que le groupe se dispersait pour se préparer, Julie resta un moment dans la salle circulaire, contemplant la projection de la jungle. Elle repéra la zone des Terres Creuses – une région où les arbres semblaient plus clairsemés, le sol plus irrégulier, traversé de crevasses et de fosses obscures.

« Tu as peur? » demanda une voix douce derrière elle. C’était Choupette, qui s’était approchée silencieusement.

Julie hésita, puis hocha la tête. « Un peu. Beaucoup, en fait. Ces épreuves, les Dévoreurs d’Espoir, le sacrifice que la Source pourrait demander… C’est effrayant. »

« La peur n’est pas une mauvaise chose, » ronronna Choupette en se frottant contre sa jambe. « Elle te garde alerte. L’important est qu’elle ne te paralyse pas. »

« Et si je n’y arrive pas? » murmura Julie, exprimant enfin son doute le plus profond. « Et si j’échoue aux épreuves? Ou si le prix à payer est trop élevé? »

Choupette sauta gracieusement sur une racine qui émergeait du sol, se mettant au niveau des yeux de Julie. « Alors nous trouverons un autre moyen. Ensemble. C’est ce que font les amis, non? »

Julie sourit faiblement et caressa le pelage roux de son amie féline. « Oui, c’est ce que font les amis. »

Elle resta encore un moment à contempler la projection, puis sortit de l’Arbre-Mère pour préparer ses affaires. Le soleil commençait à décliner, teintant la clairière d’une lumière dorée. Julie s’arrêta un instant pour admirer ce spectacle, respirant profondément l’air parfumé de la jungle.

Un mouvement à la lisière des arbres attira son attention. Une forme brumeuse, à moitié verte, à moitié noire, l’observait. Brumaléo. Julie lui fit un petit signe de la main. L’esprit forestier sembla hésiter, puis s’avança légèrement dans la clairière.

« J’ai entendu dire que tu te préparais à aller à la Source Primordiale, » dit-il, sa voix alternant entre le crépitement sombre et le doux bruissement des feuilles.

« Oui, » confirma Julie. « Nous partons demain. »

« C’est… dangereux, » dit Brumaléo, et Julie fut surprise de détecter une note d’inquiétude dans sa voix. « Et tout ça pour moi? »

Julie s’approcha de lui, remarquant comment la brume verte dominait momentanément. « Pas seulement pour toi. Pour la jungle aussi. Pour tous les êtres qui y vivent. »

« Et pour ton monde? » demanda Brumaléo.

Julie réfléchit un instant. « Oui, pour mon monde aussi. Si nous trouvons un moyen de restaurer les forêts ici, peut-être que cela affectera positivement les forêts chez moi. Tout est connecté, n’est-ce pas? »

Brumaléo ondula, comme acquiesçant. « Connecté, oui. Mais es-tu prête à payer le prix que la Source pourrait demander? Il pourrait être… élevé. »

« Je ne sais pas, » admit honnêtement Julie. « Je ne saurai pas avant d’y être. Mais je dois essayer. »

Brumaléo l’étudia un long moment, ses yeux passant du rouge terne au vert éclatant. « Tu es courageuse, petite Verdoyante. Plus courageuse que beaucoup d’adultes de ton espèce. »

Julie sentit ses joues rougir sous le compliment. « Je ne me sens pas très courageuse. Juste… déterminée. »

« C’est souvent la même chose, » dit Brumaléo. Puis, presque à contrecœur, il ajouta : « Je voudrais t’accompagner, mais… »

« Mais tu es encore en train de guérir, » compléta Julie. « Je comprends. Et puis, c’est un voyage que je dois faire par moi-même. Enfin, avec mes amis, mais tu vois ce que je veux dire. »

Brumaléo sembla sur le point de dire autre chose, mais soudain, une vague de brume noire traversa sa forme, et ses yeux virèrent au rouge. Il recula précipitamment. « Va-t’en, » gronda-t-il, sa voix redevenant crépitante. « Avant que je ne… avant que je ne te fasse du mal. »

Julie fit un pas en arrière, mais son expression était plus triste qu’effrayée. « Tu ne me feras pas de mal, Brumaléo. Je le sais. Et bientôt, toi aussi tu le sauras. »

L’esprit forestier disparut dans les arbres, laissant Julie seule avec ses pensées. Elle soupira profondément, puis se dirigea vers la petite hutte que Sylviane lui avait préparée pour son séjour.

La soirée fut consacrée aux derniers préparatifs. Sylviane remit à chacun un sac tissé contenant des provisions, des baies énergisantes, des herbes médicinales, et d’autres objets utiles pour le voyage. Noko leur enseigna quelques techniques de respiration et de méditation qui pourraient les aider face aux Dévoreurs d’Espoir. Martin affûta sa dague de cristal et vérifia son équipement avec une méticulosité qui rappela à Julie à quel point son frère avait changé dans ce monde.

Lorsque la nuit tomba complètement, ils se réunirent autour d’un feu au centre de la clairière. La flamme dansante projetait des ombres vacillantes sur leurs visages, créant une atmosphère à la fois solennelle et intime.

« Demain, nous entamons un voyage périlleux, » dit Sylviane, sa voix douce mais ferme. « Un voyage qui pourrait changer le destin de notre monde et peut-être même celui du vôtre, Martin et Julie. »

« Je me demande ce qui se passe chez nous, » murmura Julie, réalisant soudain qu’elle ignorait combien de temps s’était écoulé dans leur monde depuis qu’ils avaient traversé le portail. « Maman doit être inquiète. »

« Le temps s’écoule différemment ici, » expliqua Noko. « Quelques jours à peine ont dû passer dans votre monde. »

Cette information rassura Julie, qui n’avait pas envie que sa mère s’inquiète trop longtemps. Bien qu’une partie d’elle se demandait si Myrielle avait même remarqué leur absence, étant donné qu’ils étaient censés être au lit quand ils avaient traversé le portail.

« J’ai quelque chose pour chacun de vous, » annonça Sylviane, sortant de sa robe de feuilles quatre petits objets qu’elle tendit tour à tour.

À Noko, elle remit une petite fiole contenant un liquide ambré. « De la sève de l’Arbre-Mère. Elle renforcera ta lumière quand tu en auras le plus besoin. »

À Martin, elle donna une graine d’un vert profond, presque noir. « Une graine d’Arbre-Bouclier. Plante-la en cas de danger mortel, et elle se développera instantanément pour vous protéger. »

À Choupette, elle attacha un minuscule cristal bleu à son collier de lianes. « Ce cristal t’aidera à voir dans les ténèbres les plus profondes des Terres Creuses. »

Enfin, à Julie, elle tendit ce qui semblait être une simple feuille, mais qui, à y regarder de plus près, était d’un vert si vif qu’elle semblait presque briller de l’intérieur. « Cette feuille vient du tout premier arbre de la Jungle Émeraude. Elle est imprégnée de la magie la plus ancienne de notre monde. Garde-la près de ton cœur, et elle amplifiera ton pouvoir de Verdoyante au moment crucial. »

Julie prit la feuille avec révérence, sentant une douce chaleur émaner d’elle. « Merci, Sylviane. Pour tout ce que tu as fait pour nous. »

« Ce n’est pas moi qu’il faut remercier, » dit doucement la gardienne. « C’est toi qui as apporté un nouvel espoir à notre monde en aidant Brumaléo à retrouver une partie de lui-même. »

Ils restèrent assis en silence pendant un moment, contemplant le feu qui crépitait doucement. Puis, l’un après l’autre, ils se retirèrent pour se reposer, sachant que le lendemain serait le début d’une aventure aussi périlleuse qu’importante.

Dans sa petite hutte, allongée sur un lit de mousses douces, Julie sortit la feuille magique et la Larme d’Océan, les observant à la lueur de la petite lampe à huile que Sylviane lui avait fournie. Les deux objets semblaient luire doucement dans la pénombre, comme en réponse à sa présence.

« Tu es inquiète pour demain? » demanda Choupette, qui s’était roulée en boule à ses pieds.

« Un peu, » admit Julie. « Mais je suis aussi… excitée, d’une certaine façon. Comme si j’allais enfin faire quelque chose de vraiment important. »

Choupette ronronna doucement. « Tu as déjà fait quelque chose d’important. Tu as donné une seconde chance à Brumaléo. Tu as sauvé les Gardiens des Semences. Tu as appris à maîtriser ton don de Verdoyante. »

« C’est vrai, » reconnut Julie avec un petit sourire. « Je n’aurais jamais cru être capable de tout ça quand j’étais dans ma chambre à pleurer sur le sort des tigres de Sumatra. »

« C’est souvent dans les moments les plus sombres que la lumière trouve un chemin, » murmura Choupette, ses yeux verts brillant dans l’obscurité.

Julie rangea précieusement la feuille et la pierre dans la petite sacoche qu’elle garderait avec elle pendant le voyage. Puis elle éteignit la lampe et s’allongea, écoutant les bruits nocturnes de la jungle – le chant des insectes, le hululement distant d’un oiseau, le bruissement des feuilles sous la brise légère.

Elle s’endormit en pensant à la Source Primordiale et aux épreuves qui l’attendaient, mais aussi à Brumaléo et à l’espoir de le voir un jour complètement guéri, rayonnant de cette lumière verte qui était sa véritable nature.

Ce qu’elle ne savait pas, c’est que pendant son sommeil, une silhouette brumeuse s’approcha silencieusement de sa hutte. Brumaléo, dans un moment de clarté où sa forme verte dominait, veillait sur elle. Ses yeux, d’un vert éclatant, exprimaient un mélange de gratitude et d’inquiétude.

« Sois prudente, petite Verdoyante, » murmura-t-il si doucement que même Choupette ne l’entendit pas. « Et reviens-nous entière. »

Puis il disparut dans la nuit, retournant dans les profondeurs de la jungle où il continuerait sa propre lutte contre les ténèbres qui l’habitaient encore, attendant avec un espoir précaire le retour de celle qui avait ravivé sa lumière intérieure.

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