Le jour de la grande cérémonie du Grand Partage se leva sur une vallée d’Harmonia méconnaissable. Le ciel lui-même semblait divisé : d’un bleu clair éclatant au-dessus de l’Est, chargé de nuages sombres au-dessus de l’Ouest. La rivière Argentée, autrefois ruban paisible traversant la vallée, s’était élargie, creusant un fossé toujours plus profond entre les deux territoires. Seul le Pont Divisé, avec ses mystérieuses arches cristallines, offrait encore un passage.
Cylia s’éveilla avant l’aube, le cœur battant d’appréhension. Sous son oreiller, les deux fragments du Cristal d’Harmonia – le violet du cœur et le bleu foncé du corps – émettaient une lueur douce, comme s’ils communiquaient silencieusement. Elle les glissa dans la poche spéciale qu’elle avait cousue à l’intérieur de sa tunique vert olive, près de son propre cœur.
Dans le couloir, elle entendit ses parents qui s’activaient déjà, préparant les derniers cartons pour le déménagement qui suivrait la cérémonie. Diana partirait avec Suzie pour leur nouvelle maison à l’Est dès l’après-midi. Cylia resterait avec son père à l’Ouest cette première semaine, puis alternerait.
Elle descendit pour trouver sa famille réunie autour de la table du petit-déjeuner. L’atmosphère était étrange – un mélange de tristesse et d’une sorte d’acceptation résignée.
« Bonjour ma puce, » dit Diana en lui servant des pancakes. « Bien dormi ? »
Cylia hocha la tête, ne faisant pas confiance à sa voix. Comment expliquer qu’elle portait le poids de deux fragments d’un cristal magique et la responsabilité de peut-être sauver la vallée entière ?
« La cérémonie commence à midi, » rappela Yvan en consultant sa montre. « Nous devrions partir dans une heure pour avoir de bonnes places. »
« Est-ce qu’on sera tous ensemble ? » demanda Suzie, ses grands yeux inquiets passant de son père à sa mère.
« Bien sûr, ma chérie, » répondit Diana en caressant les boucles blondes de sa fille. « Nous sommes toujours une famille, même si nous allons vivre dans des maisons différentes. »
Cylia sentit une chaleur émaner des fragments contre sa poitrine, comme s’ils réagissaient à ces paroles. « Même séparés, les liens restent, » murmura-t-elle.
Ses parents la regardèrent avec surprise.
« C’est une jolie façon de le dire, » approuva Yvan avec un sourire triste. « Où as-tu entendu ça ? »
« C’est… quelque chose qu’Iris m’a appris, » répondit Cylia, ce qui n’était pas un mensonge.
Après le petit-déjeuner, elle s’éclipsa dans le jardin, prétextant vouloir dire au revoir à ses endroits préférés. En réalité, elle avait convenu de retrouver Romain avant la cérémonie pour mettre au point leur plan.
Son ami l’attendait près du vieux pommier, nerveusement perché sur une branche basse. Il sauta à terre dès qu’il la vit.
« Alors ? Tu les as ? » demanda-t-il sans préambule.
Cylia tapota sa tunique à l’endroit où les fragments reposaient. « Oui. Il ne nous manque que celui de la Reine. »
« Et un plan pour le lui prendre, » ajouta Romain avec un mélange d’excitation et d’appréhension.
Cylia secoua la tête. « Pas le lui prendre. La convaincre de le partager. C’est ce qu’Iris et le Roi ont dit – nous devons lui rappeler qui elle était vraiment. »
Romain fronça les sourcils, dubitatif. « Et si ça ne marche pas ? Elle semble assez déterminée à diviser toute la vallée. »
Cylia repensa aux paroles d’Iris sur les moments où l’œil bleu de la Reine brillait plus fort, révélant la véritable Harmonia cachée sous la Divisionnaire.
« Nous devons essayer, » dit-elle fermement. « La violence et le vol ne feraient que renforcer la division. »
Romain hocha la tête, reconnaissant la sagesse de ses paroles. « D’accord. Alors voilà ce que je propose : pendant la cérémonie, la Reine sera sur l’estrade au milieu du Pont Divisé. Tout le monde sera rassemblé de part et d’autre. Ce sera notre chance de l’approcher. »
« Elle sera entourée de gardes, » fit remarquer Cylia.
« Oui, mais… » Romain eut un sourire malicieux. « J’ai parlé à quelques amis. Des distractions sont prévues. »
Cylia le regarda avec suspicion. « Quel genre de distractions ? »
« Rien de dangereux, » assura Romain. « Juste quelques feux d’artifice artisanaux au mauvais moment. Ça devrait créer assez de confusion pour que tu puisses t’approcher de la Reine. »
Cylia n’était pas entièrement convaincue, mais ils n’avaient pas beaucoup d’options. « D’accord. Mais sois prudent. Et tes amis aussi. »
Ils passèrent les minutes suivantes à peaufiner leur plan, puis se séparèrent pour rejoindre leurs familles respectives. La cérémonie approchait, et avec elle, le moment de vérité.
Lorsque Cylia retourna chez elle, ses parents avaient déjà commencé à charger les cartons dans leur chariot. Le déménagement de Diana et Suzie commencerait immédiatement après la cérémonie. La réalité de la séparation imminente pesait lourdement sur Cylia, renforçant sa détermination à réussir sa mission au Pont Divisé.
« Te voilà, » dit Diana. « Nous allions partir sans toi. »
« Désolée, » murmura Cylia en grimpant dans le chariot à côté de Suzie.
Le trajet jusqu’au Pont Divisé se fit dans un silence pensif. De chaque côté du chemin, des villageois se dirigeaient vers le même endroit, certains portant déjà les couleurs de leur territoire choisi – bleu clair pour l’Est, bleu foncé pour l’Ouest. Quelques-uns, cependant, portaient des rubans violets – un petit acte de résistance contre la division totale, inspiré par les mystérieuses arches du pont.
Cylia sourit en les voyant. Peut-être que la vallée n’était pas aussi résignée au Grand Partage qu’elle le craignait.
Lorsqu’ils arrivèrent au pont, une foule immense était déjà rassemblée. Une estrade avait été érigée au centre, juste à l’endroit où les arches cristallines enjambaient la grande fissure. Des bannières aux couleurs de l’Est et de l’Ouest flottaient de part et d’autre, mais étrangement, quelqu’un avait aussi accroché des banderoles violettes sur les arches elles-mêmes.
« C’est… différent de ce que j’imaginais, » commenta Yvan en regardant autour de lui.
Cylia repéra Romain dans la foule. Il lui fit un clin d’œil discret avant de disparaître derrière un groupe de villageois. Elle chercha aussi Iris, mais la vieille Gardienne des Liens n’était nulle part en vue.
Un roulement de tambour annonça le début de la cérémonie. La foule s’écarta pour former un passage, et la Reine Divisionnaire apparut, flottant sur son nuage mi-clair mi-sombre. Son visage divisé semblait plus contrasté que jamais – la partie claire presque lumineuse, la partie sombre presque noire. Mais Cylia remarqua quelque chose d’étrange : son œil bleu brillait effectivement plus fort que le rouge, exactement comme Iris l’avait prédit.
« Peuple d’Harmonia, » commença la Reine d’une voix qui résonnait sur toute la vallée, « nous sommes réunis aujourd’hui pour officialiser le Grand Partage. Dès cet instant, notre vallée ne sera plus une, mais deux. L’Est et l’Ouest, séparés comme il se doit. »
Des murmures parcoururent la foule – certains approbateurs, d’autres clairement réticents.
« Pour sceller cette division, » continua la Reine, « j’utiliserai le pouvoir du Cristal d’Harmonia. »
Elle sortit de sa robe un fragment de cristal bleu clair, presque blanc, qui brillait intensément. Cylia sentit les deux fragments contre sa poitrine réagir, émettant une chaleur qui irradiait à travers sa tunique.
« Avec ce fragment de l’esprit, » déclara la Reine, « je décrète que la pensée même d’unité est désormais interdite. Chacun appartiendra à son territoire, et seulement à celui-ci. »
Elle leva le fragment au-dessus de sa tête, et un rayon de lumière bleu clair en jaillit, frappant le ciel qui se divisa encore plus nettement – d’un côté une clarté aveuglante, de l’autre une obscurité presque totale.
C’était le moment. Cylia sentit une main se poser sur son épaule – Romain était revenu à ses côtés.
« Maintenant, » chuchota-t-il. « Les distractions vont commencer dans trois… deux… un… »
Comme sur commande, des explosions de couleurs éclatèrent de part et d’autre du pont. Des feux d’artifice improvisés illuminèrent le ciel, créant une confusion immédiate. Les gardes de la Reine se tournèrent vers la source du bruit, momentanément distraits.
« Vas-y ! » souffla Romain en poussant doucement Cylia vers l’avant.
Hésitante mais déterminée, Cylia se faufila à travers la foule agitée. Ses parents, occupés à protéger Suzie de la bousculade, ne remarquèrent pas son départ. En quelques secondes, elle atteignit l’estrade et se glissa derrière les gardes désorientés.
La Reine Divisionnaire, furieuse de l’interruption, cherchait la source du chaos. Elle ne vit pas immédiatement la petite fille qui montait sur l’estrade.
« Reine Harmonia, » appela Cylia d’une voix claire qui porta étonnamment loin malgré le tumulte.
La Reine se figea, puis se tourna lentement. Son œil bleu s’écarquilla en reconnaissant Cylia.
« Toi, » siffla-t-elle. « La petite Gardienne des Liens. Comment oses-tu m’appeler par ce nom ? »
« Parce que c’est qui vous êtes vraiment, » répondit Cylia avec une assurance qu’elle ne ressentait pas entièrement. « Avant la division. Avant la rupture du Cristal. »
La Reine eut un rire amer. « Cette personne n’existe plus. Il n’y a que la division maintenant. »
« Alors pourquoi permettez-vous encore aux arches du pont d’exister ? » demanda Cylia en montrant les structures cristallines qui brillaient doucement. « Si vous croyiez vraiment que seule la division totale est possible, vous les auriez détruites. »
La Reine sembla momentanément déstabilisée. Son œil bleu brilla plus intensément, et pendant un instant, la partie claire de son visage parut gagner du terrain sur la partie sombre.
« Les arches… » murmura-t-elle, comme si elle les voyait vraiment pour la première fois. « Elles sont… belles. »
Cylia saisit cette ouverture. « Elles montrent qu’il existe une troisième voie. Ni l’union forcée, ni la division totale. Un équilibre où les différences sont respectées mais où les liens persistent. »
Elle sortit lentement les deux fragments de sa tunique. Le violet du cœur et le bleu foncé du corps brillaient intensément, appelant le fragment bleu clair de l’esprit que tenait la Reine.
« Vous avez été Harmonia avant d’être Divisionnaire, » continua Cylia. « Tout comme la vallée a été unie avant d’être divisée. Mais même dans la séparation, les liens du cœur peuvent persister. »
La Reine fixait les fragments avec un mélange de fascination et de crainte. « Le fragment du corps… Comment l’as-tu obtenu ? »
« Le Roi Unificateur me l’a confié, » répondit Cylia. « Il souffre aussi, transformé par la séparation. Comme vous. »
À la mention du Roi, quelque chose changea dans l’expression de la Reine. Une douleur ancienne traversa son visage divisé.
« Unificateur, » murmura-t-elle. « Il… il va bien ? »
Cylia vit une opportunité. « Il est devenu l’incarnation de l’indécision, incapable de s’unifier ou de choisir. Tout comme vous êtes devenue l’incarnation de la division. Vous avez tous deux souffert de la séparation du Cristal. »
La Reine baissa les yeux vers son propre fragment. « Je croyais… je croyais que la division était la seule vérité. Que tout était destiné à se séparer. »
« Certaines séparations sont inévitables, » admit Cylia, pensant à ses propres parents. « Mais elles n’effacent pas les liens qui ont existé. Elles les transforment. »
Elle tendit sa main, offrant les deux fragments qu’elle possédait. « Nous pouvons trouver un nouvel équilibre. Pas un retour en arrière, mais un chemin vers l’avant qui honore à la fois la séparation et la connexion. »
La Reine hésita, son visage divisé reflétant le combat intérieur qui se livrait en elle. Son œil bleu brillait maintenant si intensément qu’il semblait illuminer toute la partie claire de son visage.
C’est alors qu’un mouvement dans la foule attira l’attention de tous. Les villageois s’écartèrent, formant un passage pour une étrange silhouette qui avançait vers l’estrade : le Roi Unificateur, ses multiples versions oscillant et se chevauchant alors qu’il s’approchait.
« Harmonia, » dit-il de sa voix chorale dès qu’il fut assez proche.
La Reine le fixa, bouche bée. « Unificateur… Tu es venu. »
« Pour la vallée, » répondit-il. « Et pour toi. »
Il monta sur l’estrade, ses formes multiples se stabilisant légèrement à proximité des fragments. « La petite Gardienne a raison. Nous avons souffert tous deux de notre séparation et de celle du Cristal. Mais peut-être existe-t-il une voie que nous n’avons pas envisagée. »
La Reine regarda alternativement le Roi, Cylia, et les fragments scintillants. Puis, avec une lenteur délibérée, elle tendit son propre fragment bleu clair.
« Que proposes-tu, jeune Gardienne ? » demanda-t-elle, sa voix ayant perdu une grande partie de sa froideur.
Cylia prit une profonde inspiration. C’était le moment qu’elle attendait, mais maintenant qu’il était venu, elle n’était pas entièrement sûre de ce qu’elle devait faire. Elle ferma les yeux, cherchant en elle-même la réponse.
Et soudain, elle sut.
« Pas la fusion, » dit-elle en ouvrant les yeux. « Mais l’harmonie dans la différence. »
Elle plaça les trois fragments sur l’estrade, les disposant en triangle – le bleu clair de l’esprit, le bleu foncé du corps, et le violet du cœur. Puis, se souvenant des enseignements d’Iris, elle commença à sentir les liens entre eux, ces fils invisibles qui les unissaient malgré leur séparation.
Les fragments commencèrent à briller plus intensément, émettant des rayons de lumière qui se rencontraient au centre du triangle sans fusionner.
« Les liens, » murmura Cylia, concentrée sur sa tâche. « Ils ont toujours été là, même quand les fragments étaient séparés. »
Le Roi et la Reine observaient avec fascination. Progressivement, leurs propres transformations semblaient s’atténuer – le visage de la Reine devenant moins nettement divisé, les multiples versions du Roi convergeant vers une image plus stable.
Des fils de lumière émanèrent des fragments, tissant un réseau complexe au-dessus d’eux. Ces fils s’élevèrent ensuite, formant une sphère lumineuse qui flottait au-dessus de l’estrade.
« Le Cristal d’Harmonia, » murmura quelqu’un dans la foule. « Il est revenu ! »
Mais ce n’était pas exactement le Cristal tel qu’il avait été. C’était une nouvelle forme – une sphère constituée de trois fragments distincts, maintenus ensemble non par la fusion mais par un réseau de liens lumineux qui respectait leur individualité tout en créant un tout harmonieux.
La sphère s’éleva plus haut, projetant sa lumière sur toute la vallée. Là où ses rayons touchaient le sol, les signes de division s’atténuaient sans disparaître complètement. Le ciel lui-même sembla répondre, les contrastes extrêmes s’adoucissant pour créer un dégradé plus naturel.
« C’est… magnifique, » murmura la Reine, dont le visage retrouvait progressivement une apparence plus unifiée, bien que des traces de sa division demeurent visibles.
« C’est l’harmonie, » dit le Roi, qui semblait maintenant presque entièrement stable, bien qu’une légère oscillation persiste autour de ses contours. « Pas l’effacement des différences, mais leur coexistence équilibrée. »
Cylia se tourna vers la foule silencieuse et émerveillée. Elle repéra ses parents qui la regardaient avec un mélange de stupéfaction et de fierté. Romain, non loin, souriait largement. Et quelque part au fond, elle aperçut Iris, dont les yeux violets brillaient d’approbation.
« Peuple d’Harmonia, » dit-elle d’une voix qui porta étonnamment loin, « le Grand Partage ne doit pas signifier la fin de notre communauté. Oui, l’Est et l’Ouest sont différents et le resteront. Mais les liens entre nous peuvent persister, comme les arches de ce pont. »
Elle se tourna vers la Reine et le Roi. « Et parfois, même quand des personnes se séparent, l’amour qui les a unies peut prendre une nouvelle forme. Différente, mais toujours précieuse. »
La Reine regarda le Roi avec une expression adoucie. « Nous avons causé tant de souffrance… »
« Nous étions tous deux incomplets, » répondit le Roi. « Sans le fragment du cœur pour équilibrer l’esprit et le corps. »
Ils se tournèrent vers Cylia avec un respect nouveau.
« Que proposes-tu maintenant, Gardienne des Liens ? » demanda la Reine. « Comment gouverner une vallée à la fois unie et divisée ? »
Cylia réfléchit un instant, puis sourit. « Peut-être que vous pourriez régner ensemble à nouveau, mais différemment. Toi, Reine Harmonia, veillant sur l’Est avec ton fragment de l’esprit. Toi, Roi Unificateur, guidant l’Ouest avec ton fragment du corps. »
« Et le fragment du cœur ? » demanda le Roi.
« Il pourrait rester ici, au Pont Divisé, » suggéra Cylia. « Comme symbole des liens qui unissent nos deux territoires. Et peut-être… peut-être pourriez-vous vous y rencontrer régulièrement, pour maintenir l’équilibre de la vallée ensemble. »
La Reine et le Roi échangèrent un long regard, puis hochèrent la tête en signe d’accord.
« Ta sagesse dépasse ton âge, jeune Gardienne, » dit la Reine avec un sourire qui transformait complètement son visage. « Il en sera ainsi. »
Le Roi s’avança, plaçant une main sur l’épaule de Cylia. « Le rôle de Gardienne des Liens sera plus important que jamais dans notre nouvelle vallée. Acceptes-tu cette responsabilité ? »
Cylia hésita, pensant à sa propre vie qui allait elle aussi être divisée entre deux maisons.
« J’accepte, » dit-elle finalement. « Car j’ai moi-même des liens à maintenir entre deux foyers. »
La foule éclata en applaudissements. La cérémonie du Grand Partage était devenue quelque chose d’entièrement différent – non pas la consécration d’une division totale, mais la célébration d’un nouvel équilibre.
Alors que Cylia descendait de l’estrade, ses parents l’attendaient, les yeux brillants de larmes et de fierté.
« Cylia, » murmura sa mère en l’étreignant, « c’était… je ne comprends pas tout ce qui vient de se passer, mais c’était incroyable. »
« Ma petite fille, » dit son père en se joignant à l’étreinte, « tu es pleine de surprises. »
Suzie sautillait autour d’eux, excitée sans vraiment comprendre. « Cylia a fait de la magie ! Cylia a fait de la magie ! »
Romain les rejoignit, son visage rayonnant. « On a réussi ! » chuchota-t-il à Cylia. « Tu as été fantastique ! »
Cylia sourit, épuisée mais profondément satisfaite. Elle leva les yeux vers la sphère lumineuse qui flottait toujours au-dessus du pont, symbole d’une harmonie nouvelle – celle qui n’efface pas les différences mais les équilibre.
Comme pour confirmer ce changement, la Reine et le Roi s’avancèrent ensemble vers le bord de l’estrade.
« Peuple d’Harmonia, » annonça la Reine d’une voix transformée, « le Grand Partage aura lieu, mais différemment de ce que j’avais prévu. L’Est et l’Ouest seront bien deux territoires distincts, avec leurs propres caractéristiques et gouvernances. »
« Mais ils resteront liés, » continua le Roi. « Par ce pont, par des visites régulières, par le commerce et l’amitié. Et par le Cristal d’Harmonia réinventé qui veillera sur nous tous. »
La sphère lumineuse pulsa doucement, comme en approbation.
« Vous êtes libres de choisir votre territoire, » conclut la Reine. « Mais sachez que ce choix ne vous empêchera jamais de maintenir vos liens avec ceux de l’autre côté. »
Des exclamations de joie et de soulagement s’élevèrent de la foule. Des familles qui s’étaient crues condamnées à une séparation totale se retrouvaient avec un nouvel espoir.
Cylia regarda ses parents, qui semblaient eux aussi touchés par ce message. Peut-être que leur propre séparation pourrait suivre ce modèle – distincte mais pas déchirante, différente mais pas destructrice.
Iris apparut soudain à ses côtés, son visage ridé rayonnant de fierté. « Tu as accompli quelque chose de remarquable aujourd’hui, jeune Gardienne. Tu as montré à tous qu’il existe une voie entre l’unité forcée et la division totale. »
« J’ai juste appliqué ce que j’ai appris, » répondit modestement Cylia.
« Et c’est précisément ce qui fait une grande Gardienne des Liens, » affirma Iris. « Comprendre que l’harmonie véritable n’est pas l’absence de différences, mais leur équilibre respectueux. »
Cylia regarda autour d’elle – ses parents qui discutaient maintenant calmement, Suzie qui jouait avec d’autres enfants, Romain qui restait fidèlement à ses côtés malgré la division territoriale à venir, la Reine et le Roi qui semblaient redécouvrir une connexion perdue depuis longtemps, et tous les villageois qui commençaient à envisager un avenir différent mais pas nécessairement pire.
« Les liens du cœur, » murmura-t-elle, « plus forts que toute division. »
Iris sourit avec sagesse. « Une leçon que tu as apprise non seulement pour la vallée, mais aussi pour toi-même. »
Cylia hocha la tête, comprenant enfin pleinement. Dans sa propre vie comme dans celle de la vallée, les changements étaient inévitables. Certaines séparations ne pouvaient être évitées. Mais les liens véritables – d’amour, d’amitié, de famille – pouvaient traverser ces divisions, créant quelque chose de nouveau, de différent, mais toujours précieux.
Le fragment du cœur avait trouvé sa gardienne. Et la gardienne avait trouvé sa sagesse.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 81