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La plaine colorée défilait sous les roues du véhicule qu’Yvan avait construit. C’était une sorte de buggy fait de briques Lego, avec un moteur alimenté par des briques spéciales qui brillaient d’une lumière bleue. Ristou était perché sur le tableau de bord, servant de navigateur improvisé, sa queue touffue pointant vers la Forteresse des Illusions qui se dessinait à l’horizon.
« On y est presque, Ristou, » dit Yvan en ajustant ses lunettes de soleil. Le soleil des Mondes de Briques commençait à se coucher, teintant le ciel de nuances orangées et violettes qui rappelaient étrangement la cape du Professeur Énigma.
Plus ils s’approchaient de la forteresse, plus celle-ci semblait étrange et impossible. Certaines sections flottaient dans les airs sans aucun support, d’autres semblaient être construites à l’envers, défiant toutes les lois de la physique. Des tours violettes s’élevaient à des hauteurs vertigineuses, certaines tordues dans des angles impossibles, comme si elles avaient été dessinées par un artiste qui ignorait délibérément la perspective.
« ‘Ce qui semble réel ne l’est pas toujours, et ce qui semble faux peut cacher la vérité,’ » répéta Yvan, se rappelant l’indice du Professeur. « Je suppose que nous allons devoir être très prudents là-dedans. »
Ristou acquiesça vigoureusement, ses petits yeux noirs scrutant la forteresse avec méfiance.
Ils s’arrêtèrent à une centaine de mètres de l’entrée principale : un portail imposant fait de briques noires et violettes, encadré par deux statues de gardiens ressemblant à des Pokémon de type Spectre, mais construits dans un style architectural qui rappelait les gargouilles des cathédrales gothiques.
« Pas très accueillant, » commenta Yvan en descendant du buggy.
Il s’approcha prudemment du portail, Ristou sur son épaule. À sa grande surprise, les portes s’ouvrirent d’elles-mêmes dans un grincement théâtral, révélant un long corridor faiblement éclairé par des torches aux flammes violettes.
« Il nous attend, » murmura Yvan, un frisson parcourant son dos malgré lui.
Ils entrèrent avec précaution. Dès qu’ils eurent franchi le seuil, les portes se refermèrent brutalement derrière eux, les enfermant dans la forteresse.
« Bon, je suppose qu’il n’y a plus qu’à avancer, » dit Yvan, essayant de garder une voix assurée.
Le corridor semblait s’étendre à l’infini, les torches créant des ombres dansantes sur les murs de briques sombres. Yvan remarqua que certaines briques des murs bougeaient légèrement, se réarrangeant subtilement au fur et à mesure qu’ils avançaient.
« La forteresse change constamment, » réalisa-t-il. « C’est comme si elle était vivante. »
Après ce qui sembla être une éternité de marche, ils arrivèrent dans une vaste salle circulaire. Le plafond était si haut qu’il se perdait dans l’obscurité, et le sol était un immense échiquier fait de briques noires et blanches.
Au centre de la salle se tenait une table sur laquelle était posé un objet familier : la tablette de pierre avec ses symboles étranges, semblable à celle qu’il avait vue près de la cage de Ristou.
Yvan s’approcha prudemment. Sur la tablette était gravé un nouveau message :
« BIENVENUE DANS LA FORTERESSE DES ILLUSIONS, RÉSOLVEUR D’ÉNIGMES. ICI, TES YEUX TE TRAHIRONT, ET TON ESPRIT SERA TON SEUL GUIDE FIABLE. TROIS PORTES S’OFFRENT À TOI, MAIS UNE SEULE MÈNE À LA CLÉ QUE TU CHERCHES. CHOISIS AVEC SAGESSE. »
Comme pour illustrer ce message, trois portes apparurent soudainement sur les murs de la salle circulaire. Elles étaient identiques en apparence : grandes, faites de briques dorées ornées de symboles complexes.
« Trois portes identiques, mais une seule est la bonne, » murmura Yvan. « Comment suis-je censé choisir ? »
Ristou sauta de son épaule et s’approcha de la première porte, la reniflant avec curiosité. Puis il passa à la deuxième, et enfin à la troisième, avant de revenir vers Yvan en secouant la tête, confus.
« Toi non plus, tu ne détectes aucune différence, hein ? » dit Yvan en caressant la tête de son ami.
Il sortit la Brique de Vision que Maestro lui avait donnée et la serra dans sa main, se concentrant intensément. Le monde autour de lui se transforma à nouveau, révélant le réseau de connexions lumineuses.
À sa grande surprise, les trois portes étaient toutes connectées à des réseaux complexes de lignes qui s’étendaient au-delà des murs. Il ne pouvait pas voir où menaient ces connexions, mais il remarqua que les motifs étaient légèrement différents pour chaque porte.
« Cela ne m’aide pas beaucoup, » soupira-t-il.
Il retourna vers la tablette, espérant y trouver un indice supplémentaire. En l’examinant plus attentivement avec la Brique de Vision, il remarqua quelque chose qu’il n’avait pas vu auparavant : sous le message principal, gravé en caractères si petits qu’ils étaient presque invisibles, se trouvait une phrase supplémentaire :
« L’APPARENCE TROMPE, MAIS LE SON NE MENT JAMAIS. »
« Le son ? » Yvan fronça les sourcils, perplexe.
Il s’approcha de la première porte et colla son oreille contre la surface dorée. Au début, il n’entendit rien. Puis, très faiblement, il perçut un son : le clapotis de l’eau.
Il passa à la deuxième porte. Cette fois, il entendit ce qui ressemblait à un vent violent, comme une tempête.
Enfin, il écouta à la troisième porte. Le son était différent : un léger bourdonnement mécanique, comme des engrenages qui tournent.
« De l’eau, du vent, et des machines, » résuma Yvan. « Mais laquelle mène à la clé ? »
Il réfléchit intensément, essayant de se mettre à la place du Professeur Énigma. Qu’est-ce que le Professeur attendait de lui ? Une simple devinette ou quelque chose de plus profond ?
Soudain, il se souvint des mots de Maestro : « Le Professeur Énigma a été confronté à une énigme qu’il n’a pas pu résoudre… L’Énigme Ancestrale du Musée des Mystères. »
« Le Musée des Mystères… » murmura Yvan. « Et des machines… »
Une intuition le frappa. Il retourna rapidement à la troisième porte et écouta à nouveau. Oui, c’était bien le son de machines, d’engrenages, comme ceux qu’on pourrait trouver dans un musée rempli d’artefacts mécaniques anciens.
« La troisième porte ! » s’exclama-t-il. « Elle doit mener à quelque chose qui ressemble au Musée des Mystères, là où le Professeur a échoué à résoudre l’Énigme Ancestrale ! »
Ristou sauta d’excitation, apparemment convaincu par le raisonnement d’Yvan.
Avec un mélange de détermination et d’appréhension, Yvan posa sa main sur la poignée de la troisième porte et la tourna. La porte s’ouvrit sans résistance, révélant un couloir illuminé par une lumière dorée.
« On dirait que nous avons fait le bon choix, » dit-il à Ristou avec soulagement.
Ils s’engagèrent dans le couloir, qui semblait s’étendre sur une grande distance. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, le bourdonnement mécanique devenait plus fort, et Yvan pouvait distinguer des cliquetis et des tintements métalliques.
Finalement, le couloir déboucha sur une salle immense qui ressemblait effectivement à un musée. Des vitrines en verre contenaient toutes sortes d’objets étranges : des artefacts anciens, des machines complexes faites de briques Lego, des cristaux brillants, et même ce qui semblait être des fragments d’autres mondes.
Au centre de la salle, sur un piédestal surélevé, se trouvait ce qu’Yvan cherchait : une clé dorée, plus grande et plus élaborée que celle qu’il avait aperçue sur la colline. Elle était faite de briques Lego dorées finement assemblées, avec des symboles complexes gravés sur sa surface.
« La Clé des Mondes ! » s’exclama Yvan, son cœur battant d’excitation.
Mais alors qu’il s’approchait du piédestal, une voix familière retentit dans la salle.
« Impressionnant, vraiment impressionnant. »
Le Professeur Énigma apparut, se matérialisant à partir de briques violettes qui semblaient sortir de l’air lui-même. Il flottait à quelques mètres au-dessus du sol, sa cape ondulant autour de lui.
« Tu as choisi la bonne porte du premier coup, » dit-il avec un sourire qui n’atteignait pas ses yeux. « Peut-être y a-t-il plus en toi que je ne le pensais initialement. »
« J’ai trouvé la clé, » dit Yvan avec assurance. « Maintenant, rendez-la-moi pour que je puisse restaurer les couleurs et l’imagination dans mon monde. »
Le Professeur Énigma éclata de rire. « Oh, mais ce n’est pas si simple, mon jeune ami. Tu vois, cette clé que tu aperçois n’est qu’une des nombreuses illusions de ma forteresse. »
Il claqua des doigts, et soudain, des dizaines de clés identiques apparurent dans toute la salle, flottant dans les airs, chacune semblant aussi réelle que les autres.
« Laquelle est la vraie Clé des Mondes ? » demanda le Professeur avec un sourire narquois. « Tu as un choix à faire, et cette fois, les conséquences d’une erreur seront bien plus sévères qu’une simple porte qui ne mène nulle part. »
Yvan regarda autour de lui, consterné. Comment était-il censé identifier la vraie clé parmi tant de copies parfaites ?
Il sortit à nouveau la Brique de Vision et l’utilisa pour examiner les clés. À sa grande frustration, elles apparaissaient toutes identiques même dans sa vision augmentée, chacune connectée à un réseau similaire de lignes lumineuses.
« Tes petits gadgets ne t’aideront pas cette fois, » se moqua le Professeur. « C’est un test de pure intuition. »
Yvan sentit le désespoir monter en lui. Comment résoudre une énigme sans indices ? Il regarda Ristou, espérant que son ami aurait une idée, mais l’écureuil semblait aussi perplexe que lui.
C’est alors qu’il remarqua quelque chose d’étrange. Au milieu de toutes ces clés flottantes, il y en avait une qui ne bougeait pas exactement comme les autres. Alors que toutes les clés tournaient légèrement sur elles-mêmes, celle-ci avait un mouvement légèrement saccadé, presque imperceptible.
Yvan se souvint des paroles de Maestro : « Ta véritable force… vient de ta capacité à voir des solutions là où d’autres ne voient que des problèmes. »
Il observa attentivement la clé au mouvement étrange. Était-ce possible que… ?
Sans hésiter davantage, il s’avança résolument vers cette clé spécifique et tendit la main pour la saisir.
Le Professeur Énigma laissa échapper un cri de surprise. « Non ! Comment as-tu… ? »
Mais il était trop tard. Dès qu’Yvan toucha la clé, toutes les autres disparurent dans un nuage de briques qui s’éparpillèrent dans l’air. La clé dans sa main émit une lueur dorée intense, pulsant comme si elle était vivante.
« Tu as réussi, » dit le Professeur, sa voix mêlant surprise et… était-ce du respect ? « Tu as identifié la vraie Clé des Mondes. »
Yvan tenait fermement la clé, sentant son pouvoir vibrer entre ses doigts. « Comment ai-je su ? La vraie clé avait un mouvement légèrement différent des autres. Une vraie illusion aurait été parfaite, mais vous avez dû utiliser une partie de la vraie clé pour créer toutes ces copies, ce qui l’a rendue légèrement… imparfaite. »
Le Professeur Énigma hocha lentement la tête, impressionné malgré lui. « Une observation astucieuse. Peut-être es-tu vraiment le résolveur d’énigmes que j’attendais. »
Yvan fronça les sourcils, confus. « Que voulez-vous dire ? Vous m’attendiez ? »
Mais avant que le Professeur ne puisse répondre, le sol commença à trembler violemment. Des fissures apparurent dans les murs, et les vitrines du musée se brisèrent les unes après les autres.
« Qu’est-ce qui se passe ? » cria Yvan, luttant pour rester debout alors que Ristou s’accrochait désespérément à son épaule.
Le visage du Professeur Énigma se décomposa dans une expression de panique authentique. « La clé… elle réagit à ta présence ! Elle essaie de se reconnecter avec les mondes que j’ai verrouillés ! »
Des rayons de lumière dorée jaillissaient maintenant de la clé, traversant les murs de la forteresse et s’étendant vers l’horizon dans toutes les directions.
« Il faut sortir d’ici ! » hurla le Professeur. « La forteresse va s’effondrer ! »
Il créa rapidement un portail dans l’air et s’y engouffra, disparaissant dans un flash de lumière violette.
Yvan regarda autour de lui avec désespoir. Le plafond commençait à s’effondrer, des briques Lego tombant tout autour d’eux. Il n’avait aucune idée de comment créer un portail lui-même.
C’est alors qu’il eut une idée. Il leva la Clé des Mondes et la pointa vers le mur le plus proche, se concentrant intensément sur l’idée d’une sortie, d’une échappatoire.
À sa grande surprise, un rayon de lumière dorée jaillit de la clé et frappa le mur, créant un portail scintillant.
« Ça a marché ! » s’exclama-t-il. « Viens, Ristou ! »
L’écureuil n’avait pas besoin qu’on le lui dise deux fois. Ils se précipitèrent vers le portail et sautèrent dedans juste au moment où le plafond de la salle s’effondrait complètement.
Yvan sentit son corps tournoyer dans un vortex de lumière dorée. Des images floues défilaient autour de lui : des mondes étranges, des paysages fantastiques, des créatures incroyables. La Clé des Mondes les emportait quelque part, mais où ?
Finalement, la sensation de tournoiement s’arrêta, et Yvan atterrit doucement sur un sol solide. En ouvrant les yeux, il découvrit qu’ils se trouvaient dans un endroit qu’il n’avait jamais vu auparavant : une vaste plaine sous un ciel étoilé, avec au loin ce qui ressemblait à un temple ancien fait de briques Lego blanches et dorées.
Ristou sauta de son épaule et pointa vers le temple avec excitation.
« Tu as raison, » dit Yvan en se relevant et en époussetant ses vêtements. « Je pense que c’est là que nous devons aller. »
Il regarda la Clé des Mondes dans sa main, brillant doucement sous la lumière des étoiles. Il avait réussi à la récupérer, mais il était clair que son aventure était loin d’être terminée.
« Le Professeur Énigma a dit qu’il m’attendait, » murmura-t-il. « Qu’est-ce que cela signifie ? Et où sommes-nous maintenant ? »
Ristou tira sur son pantalon, l’incitant à avancer vers le temple mystérieux.
« D’accord, allons-y, » acquiesça Yvan. « Peut-être que nous trouverons des réponses là-bas. »
Ensemble, ils commencèrent à marcher vers le temple blanc et or qui se dressait majestueusement sous le ciel étoilé des Mondes de Briques, ignorant que le plus grand défi les attendait encore.
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