Le soleil filtrait à travers les rideaux de la chambre de Charlye, projetant des rayons dorés sur les murs couverts de photos de ses amis et de posters de ses livres préférés. Sa collection de Barbies était soigneusement rangée sur une étagère, tandis que son petit atelier de fabrication de bracelets occupait un coin de son bureau, avec ses fils colorés, ses perles scintillantes et ses petites pinces.
Ce matin-là, Charlye se réveilla avec une sensation étrange au poignet. En ouvrant ses yeux marron encore embués de sommeil, elle remarqua immédiatement un bracelet rouge vif qu’elle ne reconnaissait pas. Fin et brillant, il encerclait parfaitement son poignet gauche comme s’il avait été conçu spécialement pour elle.
« D’où viens-tu, toi? » murmura-t-elle en touchant le bracelet du bout des doigts.
Il semblait fait d’un matériau étrange, ni métal ni tissu, mais plutôt comme… du liquide figé. Sa couleur écarlate rappelait celle d’un coucher de soleil particulièrement intense, ou d’une grenade bien mûre. Charlye tenta de le retirer, mais fut surprise de constater qu’il n’y avait ni fermoir ni ouverture. Le bracelet semblait s’être fondu autour de son poignet.
« Maman? » appela-t-elle, perplexe. « Tu m’as mis un bracelet pendant que je dormais? »
Le silence fut sa seule réponse. Ses parents étaient probablement déjà partis travailler. Charlye se leva et se dirigea vers sa salle de bain, ses longs cheveux châtains cascadant sur ses épaules. Elle se brossa les dents, l’esprit encore préoccupé par ce mystérieux bracelet qui refusait de céder malgré ses tentatives répétées de l’enlever.
C’est alors qu’elle la vit.
Dans le miroir, derrière son reflet, se tenait une femme. Charlye sursauta et se retourna brusquement, mais il n’y avait personne dans la petite salle de bain. Quand elle regarda à nouveau dans le miroir, la femme était toujours là, observant Charlye avec un sourire énigmatique.
Elle était élégante, vêtue d’une longue robe rouge fluide qui ondulait même sans vent. Ses cheveux, d’un rouge profond, semblaient presque liquides, coulant en vagues douces sur ses épaules. Son visage était à la fois maternel et imposant, avec des yeux perçants qui semblaient voir au-delà des apparences.
« Bonjour, Charlye, » dit la femme d’une voix mélodieuse qui résonna étrangement dans la petite salle de bain. « Je suis Dame Carmina. »
Charlye laissa tomber sa brosse à dents dans le lavabo.
« Comment connaissez-vous mon nom? » balbutia-t-elle. « Et comment… comment faites-vous ça? »
Dame Carmina rit doucement, un son semblable à des clochettes argentées.
« Je te connais depuis toujours, ma chère. J’attendais simplement le bon moment pour me montrer. Et ce moment est venu. »
Elle fit un geste gracieux vers le bracelet rouge.
« Je vois que tu as reçu mon cadeau. »
Les bracelets à ses propres poignets cliquetèrent délicatement.
« C’est vous qui m’avez mis ça? » demanda Charlye, soudain méfiante. « Je n’en veux pas. Enlevez-le, s’il vous plaît. »
Le visage de Dame Carmina changea subtilement, devenant plus sévère.
« Ce n’est pas si simple, jeune fille. Ce bracelet est une partie de toi maintenant. Une partie de ton voyage. »
« Quel voyage? Je ne comprends pas. »
« Le voyage vers la féminité, bien sûr! » s’exclama Dame Carmina en écartant les bras d’un geste théâtral. « C’est un moment glorieux, un moment à célébrer et à annoncer au monde entier! »
Charlye sentit son visage s’empourprer. Elle baissa instinctivement les yeux, son esprit revenant à cet horrible moment dans le couloir de l’école, trois jours plus tôt.
Elle avait senti cette étrange humidité pendant le cours de mathématiques mais n’y avait pas prêté attention. Ce n’est qu’en se levant, alors que la cloche sonnait la fin du cours, qu’elle avait remarqué les regards et les chuchotements. Et puis, en sortant dans le couloir, elle s’était retrouvée face à Nicolas, son amoureux secret.
Nicolas avec ses cheveux blonds ébouriffés et ses yeux vert-bleu rieurs. Nicolas qui s’asseyait juste devant elle en maths. Nicolas à qui elle avait offert un bracelet d’amitié la semaine précédente, rassemblant tout son courage pour le lui tendre maladroitement.
Et Nicolas qui, ce jour-là, avait écarquillé les yeux en la voyant, son regard descendant malgré lui vers la tache sombre sur son jean clair.
« Je ne veux rien annoncer du tout, » murmura Charlye, revenant au présent.
« Oh, mais ma chère, » insista Dame Carmina, son visage se rapprochant dans le miroir. « Ce qui t’arrive est naturel et puissant. C’est l’essence même de la féminité. Pourquoi le cacher? »
« Parce que c’est embarrassant! » s’écria Charlye, surprise par sa propre véhémence. « J’ai eu une tache devant tout le monde… devant Nicolas… »
Le nom était sorti tout seul, et Charlye sentit ses joues brûler encore plus intensément.
Dame Carmina pencha la tête, ses yeux brillant d’un intérêt soudain.
« Nicolas? Ah, je vois. Un garçon spécial, n’est-ce pas? »
Charlye ne répondit pas, mais le bracelet à son poignet sembla chauffer légèrement, comme s’il réagissait à ses émotions.
« Eh bien, » poursuivit Dame Carmina, « ce Nicolas devrait être honoré d’être témoin de ta transformation. C’est un privilège que peu de garçons comprennent. »
« Non! » protesta Charlye. « Vous ne comprenez pas. Je ne peux même plus le regarder en face maintenant. Je change de couloir quand je le vois. Je garde les yeux baissés en classe. »
« Et c’est exactement pourquoi je suis là, » déclara Dame Carmina avec un sourire satisfait. « Pour t’aider à embrasser pleinement cette nouvelle phase de ta vie, sans honte ni peur. »
Avant que Charlye puisse répondre, le téléphone sonna dans sa chambre, la faisant sursauter. Quand elle regarda à nouveau le miroir, Dame Carmina avait disparu, ne laissant qu’une légère brume rougeâtre qui se dissipa rapidement.
Charlye se précipita vers son téléphone. C’était Léa, sa meilleure amie.
« Charlye? Tu es prête? Je suis presque chez toi pour qu’on aille ensemble à l’école. »
« Léa, tu ne vas jamais croire ce qui vient de m’arriver, » commença Charlye, mais elle s’interrompit. Comment expliquer une femme mystérieuse apparaissant dans son miroir? Et ce bracelet étrange?
« Quoi? Qu’est-ce qui se passe? » insista Léa.
« Je… je te raconterai en chemin. Donne-moi cinq minutes. »
Charlye raccrocha et s’habilla rapidement, optant pour un débardeur noir, son jean bleu préféré et ses baskets blanches. Elle hésita un instant, puis enfila un sweat à manches longues pour cacher le bracelet rouge. Quelque chose lui disait que ce n’était pas un accessoire ordinaire qu’elle pouvait montrer à tout le monde.
En attrapant son petit sac noir à bandoulière, Charlye jeta un dernier regard vers le miroir de la salle de bain. Il ne reflétait que son visage inquiet et ses longs cheveux châtains, tirés en arrière sur le dessus. Mais elle aurait juré entendre un léger rire mélodieux flotter dans l’air.
Le bracelet écarlate semblait pulser doucement contre sa peau, comme un petit cœur battant en synchronisation avec le sien. Une chose était certaine : sa vie venait de prendre un tournant inattendu.
Et quelque part au fond d’elle-même, Charlye savait que Dame Carmina n’en avait pas fini avec elle.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 141