La Caverne des Peurs Profondes était un monde souterrain à couper le souffle. Des stalactites de cristal noir pendaient du plafond comme des dents géantes, et le sol était parsemé de flaques d’eau sombre qui reflétaient des images troublantes. L’air vibrait d’une énergie étrange, et Emma pouvait entendre au loin un chant mélancolique qui lui donnait la chair de poule.
Plus ils s’enfonçaient dans la caverne, plus les murs se couvraient de cristaux noirs de toutes tailles. Certains étaient petits comme des billes, d’autres grands comme des arbres. Tous pulsaient d’une lumière sombre, et Emma réalisa avec un frisson que chacun contenait une peur d’enfant.
« Il y en a des milliers, » murmura-t-elle, impressionnée malgré elle. « Dame Obscura collectionne les peurs depuis si longtemps… »
Lumin se blottit contre son épaule, sa lumière dorée vacillant dans cette atmosphère oppressante. « Je sens tant de tristesse ici, » dit-il. « Ces enfants ont besoin de récupérer leurs peurs pour pouvoir grandir. »
Sage Luna s’arrêta devant une paroi particulièrement dense en cristaux. « Regarde attentivement, Emma. Reconnais-tu certaines de ces peurs ? »
Emma s’approcha et examina les cristaux. Dans l’un d’eux, elle vit un petit garçon qui tremblait dans son lit, effrayé par les ombres. Dans un autre, une fillette qui n’osait pas lever la main en classe. Un troisième montrait un enfant qui abandonnait son dessin en pleurant.
« Ces peurs… elles me rappellent les miennes, » réalisa Emma. « Mais ce ne sont pas exactement les mêmes. »
« Tous les enfants partagent des peurs similaires, » expliqua Sage Luna. « C’est ce qui rend le travail de Dame Obscura si séduisant pour elle. Elle a l’impression d’aider tout le monde. »
Ils continuèrent leur progression, et le chant mélancolique devint de plus en plus fort. Emma reconnut maintenant la voix : c’était Dame Obscura qui chantait une berceuse triste, pleine de solitude et de regrets.
Enfin, ils débouchèrent dans une caverne circulaire immense. Au centre se dressait un trône fait entièrement de cristaux noirs, sur lequel était assise Dame Obscura. Mais elle était différente de ce qu’Emma avait vu auparavant. Elle semblait plus petite, plus fragile, et ses cheveux noirs avaient des reflets gris. Ses yeux violets étaient voilés de larmes qu’elle ne versait pas.
Autour du trône, des milliers de cristaux flottaient dans l’air, créant une constellation de peurs qui tournoyait lentement. Au sommet de cette formation, Emma aperçut son propre cristal : un joyau vert émeraude qui pulsait faiblement.
« Tu es venue, » dit Dame Obscura sans surprise, sa voix résonnant dans la caverne. « Malgré tous mes avertissements, malgré tous les obstacles. Pourquoi ? »
Emma s’avança, ses pierres brillant doucement dans ses mains. « Parce que j’ai compris quelque chose sur le pont. Vous n’êtes pas méchante. Vous avez juste… peur. »
Les yeux de Dame Obscura s’écarquillèrent. « Moi ? Peur ? Impossible ! J’ai collecté toutes les peurs ! Je les contrôle ! »
« Vous les collectez parce que vous avez peur de les ressentir, » dit Emma avec douceur. « Vous avez peur d’échouer dans votre mission de protéger les enfants. Vous avez peur que si les enfants gardent leurs peurs, ils souffrent comme vous avez souffert. »
Dame Obscura se leva brusquement de son trône, sa cape d’ombres tourbillonnant autour d’elle. « Tais-toi ! Tu ne sais rien de ce que j’ai vécu ! J’ai vu tant d’enfants pleurer, tant de petits cœurs brisés ! »
Elle leva les mains, et tous les cristaux se mirent à briller plus fort. L’air de la caverne devint électrique, chargé de toutes les peurs accumulées.
« Si je libère toutes ces peurs d’un coup, » dit-elle d’une voix tremblante, « elles se répandront dans le monde entier. Tous les enfants seront terrifiés ! Est-ce que c’est vraiment ce que tu veux ? »
Emma sentit le poids de cette menace. Elle imagina tous les enfants du monde soudain submergés par une vague de terreur pure. Mais elle regarda ses pierres, qui continuaient de briller malgré l’atmosphère oppressante.
« Les peurs ne sont pas des ennemies, » dit-elle. « Elles sont des signaux d’alarme. Elles nous disent quand quelque chose est important pour nous. »
Elle sortit son quartz rose fissuré. « Cette pierre s’est fissurée quand vous avez commencé à voler mon courage. Mais regardez… »
Le cristal se mit à briller, et de sa fissure jaillit une lumière dorée pure. « Elle est plus belle maintenant qu’avant. Parce que ses fissures laissent passer la lumière. »
Dame Obscura recula, ses oreilles de renard se couchant en arrière. « Non… non, tu ne comprends pas… »
« Si, je comprends, » insista Emma. « Vous aussi, vous êtes fissurée. Et c’est normal ! Nous le sommes tous ! Mais c’est par ces fissures que peut entrer la lumière de l’amour, de l’amitié, du courage. »
Les cristaux autour du trône commencèrent à vaciller. Plusieurs d’entre eux se mirent à résonner, comme s’ils répondaient aux paroles d’Emma.
« Montrez-moi votre première peur, » demanda Emma en s’approchant encore. « Celle que vous gardez cachée au plus profond de vous. »
Dame Obscura tressaillit. « Je… je ne peux pas… »
« Vous avez peur que si vous la montrez, je vous trouve faible. Vous avez peur que je ne vous comprenne pas. Vous avez peur d’être rejetée. »
Les larmes que Dame Obscura retenait depuis si longtemps commencèrent enfin à couler. Elles étaient argentées et brillantes, et là où elles touchaient le sol, de petites fleurs de lumière poussaient.
« J’avais… j’avais cinq ans, » murmura-t-elle. « Ma petite sœur faisait des cauchemars terribles. Chaque nuit, elle pleurait. J’ai essayé de l’aider, de prendre ses peurs sur moi. Mais… mais elle est morte quand même. D’une maladie. Et j’ai pensé que si j’avais été plus forte, si j’avais pris toutes ses peurs… »
Emma sentit son cœur se serrer. Elle comprenait maintenant. Dame Obscura portait le poids d’une culpabilité qui n’avait jamais été la sienne.
« Ce n’était pas votre faute, » dit Emma d’une voix douce. « Vous étiez juste une petite fille qui aimait sa sœur. »
« Mais si j’avais été plus courageuse… »
« Vous étiez déjà courageuse. Vous avez essayé d’aider. C’est ça, le courage. Pas l’absence de peur, mais l’amour qui nous pousse à agir malgré la peur. »
Dame Obscura s’effondra sur son trône, ses sanglots résonnant dans toute la caverne. Et quelque chose de merveilleux se produisit : les cristaux noirs commencèrent à se transformer, leurs ténèbres cédant la place à une lumière douce et colorée.
« Vous voulez vraiment aider les enfants ? » demanda Emma. « Alors rendez-leur leurs peurs, mais apprenez-leur aussi à être courageux. Montrez-leur qu’on peut avoir peur et être fort en même temps. »
Dame Obscura leva les yeux vers Emma, et pour la première fois, son regard était empli d’espoir plutôt que de désespoir.
« Tu… tu crois que c’est possible ? Que je peux réparer ce que j’ai fait ? »
« J’en suis sûre, » sourit Emma. « Mais d’abord, il faut que vous acceptiez vos propres peurs. Toutes. Même les plus profondes. »
Dame Obscura regarda autour d’elle la constellation de cristaux qui commençaient à briller de mille couleurs. Elle prit une grande inspiration, et d’une voix tremblante mais déterminée, elle dit :
« J’ai peur… j’ai peur de ne pas être assez bien. J’ai peur d’échouer. J’ai peur d’être seule. J’ai peur que les enfants me détestent pour ce que j’ai fait. »
À chaque peur avouée, les cristaux brillaient plus fort, et Dame Obscura elle-même commençait à changer. Ses cheveux noirs retrouvaient leur éclat, ses yeux violets scintillaient comme des étoiles, et sa cape d’ombres se transformait en un manteau tissé de lumière nocturne.
« Maintenant, » dit Emma en tendant la main vers elle, « êtes-vous prête à faire ce qu’il faut ? »
Dame Obscura regarda la main tendue d’Emma, puis les milliers de cristaux qui l’entouraient, et enfin son propre reflet dans une flaque d’eau claire. Elle voyait maintenant non plus une collectionneuse de peurs, mais une gardienne qui pouvait enseigner aux enfants à transformer leurs peurs en courage.
« Oui, » dit-elle en prenant la main d’Emma. « Je suis prête. »
Et dans la caverne qui n’était plus sombre, la vraie magie commença.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 94
