La chambre d’Emma était plongée dans l’obscurité. Seule la petite veilleuse en forme de renard projetait une faible lueur dorée. Emma serrait fort sa couverture contre elle, ses grands yeux verts scrutant les ombres qui dansaient sur les murs. Dehors, le vent sifflait entre les branches du grand chêne, créant des ombres mouvantes qui semblaient s’étirer vers son lit.
À huit ans, Emma savait bien que les monstres n’existaient pas. C’est ce que lui répétaient Maman Sophie et Papa Thomas chaque soir. Pourtant, dès que la lumière s’éteignait, son cœur battait plus fort et sa respiration devenait courte.
« Il n’y a rien à craindre, » murmura-t-elle, répétant les mots rassurants de sa mère, tout en resserrant sa tresse de cheveux châtains bouclés.
Elle tendit la main vers sa table de nuit où reposait sa collection de pierres préférées. Du bout des doigts, elle caressa la plus spéciale : un quartz rose légèrement translucide qu’elle avait trouvé lors d’une promenade en forêt avec ses parents. Cette pierre était son porte-bonheur, son petit trésor contre la peur.
Soudain, quelque chose d’étrange se produisit. Le quartz rose se mit à luire d’une douce lumière, de plus en plus intense, jusqu’à illuminer toute la chambre. Emma écarquilla les yeux, stupéfaite. Jamais sa pierre n’avait fait cela auparavant!
« Qu’est-ce que… », commença-t-elle, quand un scintillement émeraude apparut à la surface du cristal.
Les points lumineux s’organisèrent, formant ce qui ressemblait étrangement à une carte. Emma distingua des arbres, un sentier sinueux et, au centre, une clairière entourée de ce qui ressemblait à des cristaux. Des mots apparurent alors, flottant au-dessus de la pierre :
*« Forêt des Rêves. Là où le courage se cache. »*
Emma cligna des yeux, incrédule. Elle allait appeler sa mère quand la lumière de sa pierre projeta une silhouette sur le mur en face d’elle. La silhouette grandit, prenant la forme d’une femme élancée avec des oreilles pointues de renard et une longue cape ondulante.
« Bonsoir, petite Emma, » dit une voix mélodieuse qui semblait provenir de nulle part et de partout à la fois. « Je suis Dame Obscura, gardienne de la Forêt des Rêves. »
La silhouette s’inclina gracieusement. Ses yeux violets brillaient comme des étoiles dans la nuit.
« Tu te demandes pourquoi ton cœur tremble quand vient la nuit, pourquoi tu n’oses pas lever la main en classe même quand tu connais la réponse, pourquoi tu abandonnes tes dessins avant de les terminer… »
Emma frissonna. Comment cette étrange créature pouvait-elle connaître ses pensées les plus secrètes?
« Ce n’est pas ta faute, » continua Dame Obscura. « Je collectionne les peurs des enfants pour les protéger. Regarde. »
D’un mouvement fluide, l’enchanteresse-renard ouvrit sa cape, révélant une multitude de cristaux noirs qui brillaient d’une lueur sombre. L’un d’eux, au centre, pulsait d’une lumière verte qui rappelait étrangement les yeux d’Emma.
« Je garde tes peurs en sécurité, transformées en cristaux précieux. Tu n’as plus besoin de t’inquiéter. Sans peur, tu n’auras plus jamais à affronter l’échec ou l’inconnu. »
Emma sentit une étrange sensation de vide la traverser. C’était comme si quelque chose d’important lui était arraché.
« Mais… j’ai encore peur, » murmura-t-elle, confuse.
Le visage de Dame Obscura se crispa légèrement. « C’est parce que ton courage résiste. Mais ne t’inquiète pas, bientôt il me rejoindra aussi et tu ne ressentiras plus rien. »
Avant qu’Emma puisse répondre, Dame Obscura disparut dans un tourbillon d’ombres. La pierre cessa de briller, mais la carte mystérieuse restait gravée dans l’esprit d’Emma.
C’est alors que son quartz rose se fissura légèrement, et une minuscule étincelle dorée en jaillit, flottant devant le visage d’Emma.
« N’écoute pas Dame Obscura, » chuchota une voix cristalline. L’étincelle grandit, se transformant en un petit renard fait entièrement de lumière dorée. « Je suis Lumin, esprit des pierres courageuses. Dame Obscura ne te protège pas, elle te vole ton courage! Sans lui, tu ne pourras jamais grandir ni découvrir ta vraie force. »
Emma tendit une main hésitante vers le renard lumineux. « Mon… courage? »
« Oui, » acquiesça Lumin. « Chaque cristal noir dans sa collection contient une partie du courage d’un enfant. Et le tien est en train de disparaître. Tu dois le récupérer avant qu’il ne soit trop tard! »
« Mais comment? » demanda Emma, la voix tremblante. « J’ai peur du noir, j’ai peur d’échouer… »
Lumin sauta sur son épaule, son corps doré répandant une chaleur réconfortante. « C’est pourquoi tu as besoin de ton courage. La carte dans ta pierre montre le chemin vers la Forêt des Rêves. C’est là que tu trouveras le moyen de reprendre ce qui t’appartient. »
Emma regarda par la fenêtre. Au-delà du jardin familier, les bois semblaient l’appeler. Était-ce possible que quelque part, entre les arbres, se cache l’entrée de cette mystérieuse Forêt des Rêves?
« Je… je ne peux pas y aller toute seule, » murmura-t-elle.
« Tu n’es pas seule, » répondit Lumin en frottant sa tête contre la joue d’Emma. « Je serai ton guide. Mais nous devons nous dépêcher. Plus tu attends, plus Dame Obscura absorbe ton courage, et bientôt… »
Le petit renard ne termina pas sa phrase, mais Emma comprit. Elle sentait déjà cette sensation de vide grandir en elle. Si elle ne faisait rien, elle aurait peut-être encore plus peur demain, et encore plus le jour suivant.
Un bruit soudain la fit sursauter. Sur sa commode, son cahier de dessin venait de s’ouvrir tout seul, révélant une page blanche. Un crayon s’éleva dans les airs et traça rapidement une esquisse: un sentier dans les bois, menant à un portail fait de pierres brillantes.
« Le passage vers la Forêt des Rêves s’ouvrira à minuit, au pied du grand chêne, » expliqua Lumin. « Tu devras décider: rester ici sans ton courage, ou venir le récupérer. »
Alors que l’horloge de la maison sonnait onze heures, Emma serra sa pierre fissurée dans sa main. Le temps pressait. Devait-elle rester dans la sécurité de sa chambre ou s’aventurer dans l’inconnu pour retrouver quelque chose qu’elle ne savait même pas avoir perdu?
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 94