Le voyage de retour vers le village des Schtroumpfs fut un cauchemar éveillé. Grâce au Don de la Patience Éclairée, Alexandre et le Schtroumpf à lunettes purent utiliser les Sentiers du Temps Accéléré, des passages magiques qui permettaient de voyager rapidement sans perdre sa sérénité intérieure. Ces sentiers apparaissaient comme des rubans de lumière dorée qui serpentaient dans l’air, portés par des vents mystiques.
Alors qu’ils surfaient sur ces courants lumineux, Alexandre observait le paysage qui défilait en contrebas. La corruption d’Impatraccus s’étendait comme une maladie. Les arbres perdaient leurs feuilles en accéléré, les rivières coulaient si vite qu’elles débordaient, et même les nuages filaient à une vitesse alarmante dans le ciel.
« Regarde ! » cria le Schtroumpf à lunettes en pointant vers l’horizon.
Le village des Schtroumpfs était méconnaissable. Une gigantesque tornade violette tournoyait au-dessus des maisons-champignons, et des éclairs d’énergie temporelle jaillissaient dans toutes les directions. Au centre de cette tempête, ils pouvaient distinguer la silhouette d’Impatraccus, bras levés vers le ciel, tenant le Cristal de la Patience qui pulsait d’une lumière aveuglante.
« Il est en train de l’absorber ! » s’écria Alexandre. « Nous devons l’arrêter ! »
Ils atterrirent à la lisière du village transformé. La scène qui les accueillit était désolante. Les Schtroumpfs couraient dans tous les sens, leurs mouvements saccadés et frénétiques. Leurs yeux brillaient de la même lueur violette qu’Impatraccus. Certains tentaient de construire des maisons en quelques secondes, d’autres cuisinaient si vite que leurs préparations brûlaient instantanément.
« Schtroumpf Costaud ! Schtroumpf Gourmand ! » appela le Schtroumpf à lunettes, mais ses amis ne semblaient même pas le reconnaître, trop absorbés par leur agitation perpétuelle.
Alexandre s’approcha du Schtroumpf Gourmand qui tentait de faire dix gâteaux à la fois. « Hé ! C’est moi, Alexandre ! »
Le Schtroumpf Gourmand se tourna vers lui, ses yeux violets étincelant d’impatience. « Pas le temps ! Dois schtroumpfer plus vite ! Plus de gâteaux ! Plus de tout ! MAINTENANT ! »
C’était heartbreaking de voir ses amis dans cet état. Alexandre posa doucement sa main sur l’épaule du Schtroumpf Gourmand et se concentra sur le Don de la Patience Éclairée. Une douce lumière dorée émana de sa paume.
Instantanément, les yeux du Schtroumpf Gourmand redevinrent normaux. Il cligna plusieurs fois, confus. « Alexandre ? Que s’est-il passé ? J’avais l’impression d’être dans un rêve où tout allait trop vite… »
« Ça va aller, » le rassura Alexandre. « Reste ici et aide les autres à retrouver leur calme. »
Il répéta l’opération avec plusieurs autres Schtroumpfs, libérant graduellement une partie du village de l’emprise d’Impatraccus. Mais le processus était épuisant, et ils étaient nombreux.
« Alexandre ! » cria soudain le Schtroumpf à lunettes depuis la place centrale. « Impatraccus ! Il nous a vus ! »
Le sorcier descendait lentement de sa tornade, le Cristal de la Patience maintenant intégré dans sa montre à gousset qui brillait d’un éclat terrifiant. Son apparence avait changé : sa robe violette était maintenant parcourue de veines de lumière temporelle, et ses yeux verts avaient pris une teinte presque phosphorescente.
« Tiens, tiens, » ricana-t-il en atterrissant devant eux dans un tourbillon de poussière violette. « Le petit humain est de retour. Et je vois qu’il a appris quelques tours… »
Il leva sa montre magique, et Alexandre sentit immédiatement une pression énorme s’abattre sur lui. Cette fois, la magie d’Impatraccus était dix fois plus puissante qu’avant.
« Rejoins-moi, Alexandre ! » ordonna le sorcier. « Avec ton énergie et celle de mon cristal, nous pourrons accélérer l’univers entier ! Plus d’attente ! Plus de frustration ! Tout, instantanément ! »
Alexandre résista grâce à son don, mais il sentait ses forces diminuer. C’est alors qu’il eut une idée. Au lieu de lutter contre l’appel d’Impatraccus, il fit semblant de succomber.
« Tu… tu as raison, » dit-il en avançant vers le sorcier, les yeux mi-clos. « L’attente, c’est horrible… Je veux tout, maintenant… »
Le Schtroumpf à lunettes le regarda avec horreur, mais Alexandre lui fit discrètement signe de jouer le jeu.
« Oui ! » exulta Impatraccus. « Enfin, quelqu’un qui comprend ! Viens, prends ma main ! Ensemble, nous briserons les chaînes du temps ! »
Alexandre s’approcha, tendant la main vers celle du sorcier. Mais au dernier moment, au lieu de la saisir, il posa sa paume sur la montre à gousset d’Impatraccus et canalisa toute l’énergie du Don de la Patience Éclairée.
« Qu’est-ce que tu fais ?! » hurla Impatraccus, mais il était trop tard.
La lumière dorée d’Alexandre entra en contact direct avec le Cristal de la Patience corrompu. L’effet fut spectaculaire : au lieu de détruire le cristal, l’énergie de patience commença à le purifier, chassant lentement la corruption violette.
« NON ! » rugit Impatraccus en tentant de repousser Alexandre. « Tu ne comprends pas ! Sans vitesse, sans impatience, nous ne sommes rien ! Nous stagnons ! Nous mourons ! »
« Tu te trompes, » répondit calmement Alexandre, maintenant fermement sa prise sur la montre. « L’impatience n’est pas mauvaise. Mais elle doit être équilibrée. »
Le cristal continuait à se purifier, et avec lui, la montre d’Impatraccus. Le sorcier commençait à changer lui aussi : ses cheveux électrifiés se calmaient, sa barbe-éclair perdait de son intensité.
« Mais alors… » murmura Impatraccus, soudain confus, « comment vais-je accomplir tout ce que je veux faire ? Comment vais-je aider tout le monde si je ne peux pas aller plus vite ? »
Alexandre sourit avec compassion. « En faisant une chose à la fois. En prenant le temps de bien faire. En acceptant que certaines choses prennent du temps. »
Mais soudain, un craquement sinistre retentit. La montre à gousset, soumise à trop de pression entre les deux énergies opposées, commença à se fissurer.
« Attention ! » cria le Schtroumpf à lunettes. « Si elle explose, elle va créer un paradoxe temporel ! »
Des fissures apparurent dans l’air autour d’eux, révélant des fragments d’autres époques : des dinosaures, des vaisseaux spatiaux, des châteaux médiévaux, tous mélangés dans un chaos temporel grandissant.
« Il faut que je lâche ! » cria Alexandre, mais Impatraccus agrippa sa main.
« Non ! Si tu lâches maintenant, nous serons tous perdus dans le vortex temporel ! Il faut que nous trouvions ensemble une solution ! »
Pour la première fois, Alexandre vit de la peur dans les yeux du sorcier. Une peur sincère, pas de la colère ou de l’impatience. Il réalisa qu’Impatraccus n’était pas vraiment méchant, juste… perdu.
« D’accord, » dit Alexandre avec détermination. « Mais cette fois, nous allons prendre notre temps pour réfléchir. Ensemble. »
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 87