La pluie tambourinait contre la fenêtre de la bibliothèque. Alexandre feuilletait impatiemment sa bande dessinée des Schtroumpfs, assis en tailleur sur le tapis moelleux. Ses cheveux blonds captaient la lumière dorée de la lampe tandis que ses doigts fins tournaient les pages avec empressement.
« Pourquoi le Schtroumpf Gourmand met-il autant de temps à préparer son gâteau ? » marmonna-t-il en tapotant du pied. « Et si le Grand Schtroumpf arrivait tout de suite pour résoudre le problème ? »
La bibliothèque était un vaste espace aux murs couverts d’étagères en bois sombre. Des centaines de livres s’alignaient parfaitement, créant une mosaïque colorée et mystérieuse. L’odeur du papier ancien se mêlait à celle du bois ciré. Dans un coin, un vieux fauteuil de cuir semblait attendre qu’on vienne s’y installer pour un long voyage imaginaire.
Alexandre ferma brusquement la BD.
« C’est trop lent ! » s’exclama-t-il en la reposant. « Je veux savoir la fin maintenant ! »
Soudain, un livre à la couverture bleue attira son attention. Il ne l’avait jamais remarqué auparavant. Sa reliure scintillait légèrement, comme si de minuscules étoiles y étaient incrustées. Alexandre tendit la main et s’en empara. « Les Aventures Secrètes des Schtroumpfs » indiquait le titre en lettres dorées.
« Génial ! Une nouvelle BD ! » s’enthousiasma-t-il en l’ouvrant précipitamment.
Au moment où ses doigts touchèrent la première page, quelque chose d’extraordinaire se produisit. Les illustrations commencèrent à bouger, les couleurs devinrent plus vives, et un léger bourdonnement s’éleva du livre.
« Qu’est-ce que… ? » murmura Alexandre, les yeux écarquillés.
Les mots semblaient danser sur la page, formant une spirale hypnotique. Au centre de cette spirale apparut le visage du Schtroumpf à lunettes, aussi net que s’il se tenait devant lui.
« Nous avons besoin de ton aide, Alexandre ! » dit le petit personnage bleu en ajustant ses lunettes rondes. « Notre village est en danger ! »
« Tu… tu parles ? Et tu connais mon nom ? » balbutia Alexandre, incrédule.
« Pas le temps pour les questions ! » répondit le Schtroumpf à lunettes, son expression habituellement sérieuse encore plus grave que d’ordinaire. « Tu dois venir avec moi, maintenant ! »
Avant qu’Alexandre ne puisse protester, la spirale de mots s’élargit, enveloppant tout le livre. Une lumière aveuglante jaillit des pages, entourant le garçon d’un halo bleuté. Il sentit ses pieds quitter le sol, son corps devenir léger comme une plume.
« Attends ! Je ne suis pas prê— » commença-t-il, mais sa voix se perdit dans un tourbillon de couleurs et de sons.
Quand Alexandre rouvrit les yeux, la bibliothèque avait disparu. Il se tenait au milieu d’une clairière bordée de champignons géants aux toits multicolores. L’air embaumait la myrtille et le pain frais. Devant lui, à hauteur de ses genoux, se tenait le Schtroumpf à lunettes, bien réel, qui l’observait avec un mélange de soulagement et d’inquiétude.
« Te voilà enfin ! » s’exclama le petit être bleu en remontant ses lunettes sur son nez. « J’ai calculé précisément le moment idéal pour t’amener ici, conformément au Grand Livre des Règles Schtroumpfesques, paragraphe 7, alinéa 12. »
« Je… je suis dans le Village des Schtroumpfs ? » demanda Alexandre, incrédule, tournant sur lui-même pour admirer ce monde qu’il ne connaissait que par les pages de ses BD.
« Oui, mais notre village n’est plus ce qu’il était, » répondit gravement le Schtroumpf à lunettes. Il désigna l’horizon où une étrange brume violacée planait au-dessus des maisons-champignons. « Depuis qu’Impatraccus a volé le Cristal de la Patience… »
Alexandre n’eut pas le temps d’entendre la suite. Un grondement sourd fit trembler le sol sous leurs pieds. La brume violette s’épaissit soudainement, formant un tourbillon au centre du village. De ce tourbillon émergea une silhouette imposante – un homme grand et mince, à la barbe en forme d’éclair rouge et aux yeux verts étincelants.
« SCHTROUMPFS ! » tonna la voix d’Impatraccus, résonnant comme un coup de tonnerre. « Pourquoi êtes-vous si LENTS ? J’ai besoin de plus d’énergie MAINTENANT ! »
D’un geste de sa main ornée de bagues aux pierres miroitantes, il projeta un rayon de lumière violette sur une maison-champignon. Instantanément, le petit Schtroumpf qui en sortait se mit à courir frénétiquement, ses mouvements devenus saccadés et nerveux.
« Vite, vite, VITE ! » criait le Schtroumpf touché par le sort, ses yeux injectés de la même lueur violette.
« Il a déjà transformé la moitié du village, » chuchota le Schtroumpf à lunettes en tirant Alexandre derrière un buisson. « Chaque Schtroumpf touché par son sort devient aussi impatient que lui, incapable d’attendre ou de prendre son temps. Ils finissent par s’épuiser complètement. »
« Mais pourquoi fait-il ça ? » demanda Alexandre, fasciné malgré sa peur.
« Il a besoin de l’énergie de notre impatience pour alimenter son horloge maléfique, » expliqua le Schtroumpf à lunettes en désignant la montre à gousset qu’Impatraccus serrait contre lui. « S’il réunit assez d’énergie, il pourra accélérer le temps lui-même et… »
Un cri strident interrompit leur conversation. Impatraccus venait de les repérer.
« Tiens, tiens, » ricana le sorcier, ses yeux verts brillant d’un éclat mauvais. « Un humain dans le Pays des Schtroumpfs ? Quelle surprise… INATTENDUE ! »
Il leva sa main, prêt à lancer un sort dans leur direction.
« Alexandre, attention ! » cria le Schtroumpf à lunettes en poussant le garçon sur le côté.
Le rayon violet frôla l’épaule d’Alexandre, touchant à la place un arbre qui se mit instantanément à perdre ses feuilles à une vitesse alarmante, comme si l’automne et l’hiver s’abattaient sur lui en quelques secondes.
« Courez ! » ordonna le Schtroumpf à lunettes.
Alexandre ne se fit pas prier. Il saisit son petit ami bleu et détala à toutes jambes vers la forêt, le rire moqueur d’Impatraccus résonnant derrière eux. Tandis qu’ils s’enfonçaient dans les bois, Alexandre réalisa que son impatience habituelle avait momentanément disparu, remplacée par une détermination nouvelle.
Derrière eux, la voix d’Impatraccus porta comme le vent : « Cours tant que tu veux, petit homme ! Mais rappelle-toi… le temps joue contre toi ! Et la patience n’est qu’une illusion que je m’apprête à effacer à jamais ! »
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 87
