Les jours suivants furent intenses pour Masséo. Chaque soir, après que ses parents l’aient embrassé et lui aient souhaité bonne nuit, Stellaria apparaissait dans un scintillement argenté pour poursuivre son entraînement.
La gardienne lui apprenait à façonner sa lumière, à la diriger, à la maintenir plus longtemps. Masséo découvrait qu’il pouvait non seulement faire briller ses mains, mais aussi projeter de petits rayons lumineux à distance. Une nuit, il réussit même à créer une minuscule sphère de lumière qui flotta au-dessus de sa paume pendant presque une minute entière.
« Tu progresses remarquablement vite, » le félicita Stellaria. « Ton potentiel est vraiment exceptionnel. »
Masséo rayonnait de fierté, littéralement et figurativement. Ses parents avaient remarqué son changement d’attitude. Il dormait mieux, ne craignait plus l’obscurité, et affrontait les petits défis du quotidien avec une confiance nouvelle.
Ce vendredi après-midi, alors que Catherine préparait le dîner, elle observa son fils qui jouait tranquillement avec ses voitures de course dans le salon. Ses longs cheveux blonds noués en queue de cheval, elle s’approcha et s’assit sur le canapé.
« Masséo, j’ai une idée pour ce week-end, » annonça-t-elle. « Que dirais-tu d’un camping dans le jardin ? Ton père pourrait monter la tente, et nous pourrions observer les étoiles. »
Autrefois, une telle proposition aurait terrifié Masséo. Dormir dehors, dans le noir ? Jamais ! Mais aujourd’hui, son visage s’illumina d’excitation.
« Ce serait super cool ! » s’exclama-t-il. « On pourra faire un feu de camp aussi ? »
Catherine parut surprise mais ravie de son enthousiasme. « Bien sûr, si papa est d’accord. Tu as vraiment changé ton rapport à la nuit, n’est-ce pas ? »
Masséo haussa les épaules avec un petit sourire. « J’ai compris que le noir n’est pas si effrayant quand on sait qu’il y a toujours de la lumière quelque part. »
Catherine ébouriffa tendrement ses cheveux châtains. « C’est une belle façon de voir les choses, mon chéri. »
Ce soir-là, lors de sa séance d’entraînement, Masséo raconta avec excitation à Stellaria le projet de camping familial.
« C’est une excellente occasion de tester tes capacités dans un environnement différent, » approuva la gardienne. « Mais reste vigilant. L’Ombre Obscurosse n’a pas renoncé, elle attend simplement le bon moment pour revenir. »
Depuis l’épreuve où Masséo avait réussi à la repousser seul, l’entité ne s’était plus manifestée. Cette absence inquiétait Stellaria plus qu’elle ne la rassurait.
« Je crois qu’elle prépare quelque chose, » confia-t-elle. « Les Ombres sont patientes et stratégiques. Plus elles restent dans l’obscurité, plus elles accumulent de puissance. »
« Que puis-je faire ? » demanda Masséo, soudain préoccupé.
« Te préparer, » répondit Stellaria. « Aujourd’hui, nous allons travailler sur quelque chose de nouveau : la création d’un bouclier lumineux. »
Elle lui montra comment étendre sa lumière autour de lui, formant une barrière protectrice contre les influences obscures. C’était plus difficile que tout ce qu’il avait appris jusqu’à présent. Créer de la lumière à partir de ses mains était une chose, mais l’étendre pour former un bouclier complet en était une autre.
Après une heure d’efforts, Masséo n’avait réussi qu’à créer un faible halo autour de lui, qui s’évanouissait dès qu’il perdait sa concentration.
« C’est trop dur, » se plaignit-il, frustré et épuisé.
« Rome ne s’est pas construite en un jour, » le rassura Stellaria. « Continue à t’exercer. Le bouclier lumineux est ta meilleure défense contre L’Ombre Obscurosse. »
Avant de partir, elle lui donna un petit objet qui ressemblait à un galet parfaitement lisse, d’un blanc nacré.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Masséo en le tournant entre ses doigts.
« Une Pierre de Lumière, » expliqua Stellaria. « Elle absorbe et stocke l’énergie lumineuse. Tu peux y transférer un peu de ta propre lumière quand tu te sens fort, et la récupérer plus tard si tu en as besoin. »
Masséo était fasciné. Il suivit les instructions de Stellaria pour charger la pierre, la tenant entre ses paumes illuminées jusqu’à ce qu’elle émette elle-même une douce lueur.
« Garde-la toujours avec toi, » recommanda la gardienne. « Surtout pendant ton camping. C’est une réserve d’urgence. »
Le samedi matin arriva rapidement. Philippe, vêtu d’un t-shirt décontracté qui remplaçait son habituel uniforme militaire, monta la tente dans le jardin avec l’aide enthousiaste de Masséo. Sa barbe épaisse ne parvenait pas à cacher son large sourire alors qu’il observait son fils planter les piquets avec détermination.
« Tu es un excellent assistant, champion, » le complimenta-t-il. « À ce rythme, nous aurons fini bien avant le déjeuner. »
Masséo rayonnait de fierté. Il avait glissé la Pierre de Lumière dans la poche de son short, la touchant occasionnellement pour se rassurer.
La journée passa joyeusement, entre préparation du feu de camp, parties de frisbee et déjeuner en plein air. Catherine avait préparé des sandwichs et une salade de fruits que la famille dégusta sur une couverture étendue sur l’herbe.
« C’est comme des vacances, mais à la maison, » déclara Masséo en croquant dans son sandwich.
Ses parents échangèrent un regard attendri. Leur fils semblait s’épanouir, perdant peu à peu cette anxiété qui avait assombri ses nuits pendant si longtemps.
Le soleil commença à descendre, teintant le ciel de rose et d’orange. Philippe alluma le feu de camp, et la famille s’installa autour pour faire griller des marshmallows. Masséo écoutait son père raconter des histoires de son enfance, notamment ses aventures avec sa propre mère, Lucie.
« Ta grand-mère avait un don pour trouver de la beauté dans les situations les plus sombres, » raconta Philippe, les flammes dansant dans ses yeux. « Elle disait toujours que la nuit est un écrin de velours qui fait briller les étoiles. »
Masséo leva les yeux vers le ciel qui s’assombrissait. Les premières étoiles apparaissaient, scintillant comme des diamants sur un drap de soie noire.
« C’est beau, » murmura-t-il.
Plus tard, alors que ses parents rangeaient les restes du dîner, Masséo resta près du feu mourant, contemplant les braises rougeoyantes. Il sortit discrètement la Pierre de Lumière de sa poche. Elle brillait doucement dans sa paume, comme si elle répondait à la lueur des braises.
C’est alors qu’il remarqua quelque chose d’étrange. Les ombres projetées par le feu semblaient bouger d’une façon qui ne correspondait pas au mouvement des flammes. Elles s’étiraient, se rassemblaient, formant une silhouette familière.
« Non, » chuchota Masséo. « Pas maintenant. »
Deux points violets s’allumèrent dans l’obscurité au-delà du cercle de lumière du feu.
« Quelle charmante soirée familiale, » susurra la voix de L’Ombre Obscurosse. « Dommage qu’elle doive s’achever si… dramatiquement. »
Masséo serra la Pierre de Lumière dans son poing, cherchant du regard ses parents. Ils étaient à l’intérieur de la maison, visibles par la fenêtre de la cuisine, occupés à ranger.
« Laisse ma famille tranquille, » dit-il fermement, essayant de masquer sa peur.
« Oh, je ne suis pas là pour eux, » répondit l’Ombre en glissant plus près. « Je suis là pour toi, petit Porteur. Pour te montrer quelque chose d’important. »
Masséo se leva, prêt à courir vers la maison si nécessaire. Mais quelque chose dans le ton de l’Ombre l’intriguait. Elle ne semblait pas menaçante cette fois, plutôt… pensive.
« Que veux-tu me montrer ? » demanda-t-il prudemment.
« La vérité sur ta précieuse mentor, » répondit l’Ombre. « La vérité sur Stellaria que tu admires tant. »
Masséo fronça les sourcils. « Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? »
« Sais-tu pourquoi elle t’entraîne avec tant d’ardeur ? » continua l’Ombre en tournant autour de lui comme un félin guettant sa proie. « Pourquoi elle est si pressée que tu maîtrises tes pouvoirs ? »
« Pour me protéger de toi, » répondit Masséo sans hésiter.
L’Ombre émit un son qui ressemblait presque à un rire triste. « C’est ce qu’elle veut te faire croire. Mais la réalité est bien différente. »
Elle s’approcha encore, ses yeux violets fixés sur Masséo. « Stellaria ne t’a jamais parlé du Grand Équilibre, n’est-ce pas ? De la véritable nature de la lumière et de l’obscurité ? »
Masséo secoua la tête, de plus en plus confus. « Qu’est-ce que c’est, le Grand Équilibre ? »
« C’est la loi fondamentale qui régit notre existence, » expliqua l’Ombre. « La lumière et l’obscurité sont deux forces complémentaires, pas opposées. Elles doivent coexister en harmonie. »
L’Ombre projeta soudain une série d’images dans l’air, comme un film translucide. Masséo vit un monde étrange où des créatures de lumière et d’ombre vivaient côte à côte paisiblement.
« Autrefois, nos deux royaumes coexistaient dans l’équilibre parfait, » narrait l’Ombre. « Mais certains Porteurs de Lumière, menés par Stellaria, ont décidé que l’obscurité était maléfique et devait être éradiquée. »
Les images changèrent, montrant des batailles féroces entre des êtres lumineux et des créatures d’ombre.
« Ils ont commencé à chasser et bannir les Ombres, créant un déséquilibre dangereux. Sans l’obscurité pour la tempérer, la lumière devient aveuglante, brûlante, destructrice. »
Masséo vit alors des paysages desséchés par une lumière trop intense, des créatures souffrant sous des rayons impitoyables.
« Stellaria utilise des enfants comme toi, » poursuivit l’Ombre. « Elle trouve de jeunes Porteurs, les entraîne à combattre les Ombres, puis canalise leur pouvoir lors d’un rituel qu’elle appelle ‘L’Éveil Complet’. Ce rituel libère toute la puissance lumineuse du Porteur, mais au prix de son énergie vitale. »
Masséo sentit son cœur s’accélérer. « Tu mens, » dit-il, mais sa voix manquait de conviction.
« Pourquoi crois-tu qu’elle insiste tant sur ce bouclier lumineux que tu n’arrives pas à créer ? » demanda l’Ombre. « C’est la dernière étape avant qu’elle ne te juge prêt pour le rituel. Elle t’épuise délibérément, te poussant à utiliser de plus en plus d’énergie, pour que ton potentiel soit à son maximum lors de l’Éveil. »
L’Ombre s’approcha encore, sa voix se faisant presque douce. « Je ne suis pas ton ennemie, Masséo. Je cherche simplement à préserver l’équilibre. Ta peur du noir n’est pas une faiblesse à surmonter, mais une sagesse instinctive. Une part de toi sait que la lumière et l’obscurité doivent coexister. »
Masséo était troublé. Les paroles de l’Ombre semaient le doute dans son esprit. Stellaria lui avait-elle menti ? Était-elle vraiment en train de l’utiliser pour quelque rituel dangereux ?
« Comment puis-je te croire ? » demanda-t-il, serrant toujours la Pierre de Lumière.
« Tu n’as pas à me croire sur parole, » répondit l’Ombre. « Demande à Stellaria de t’expliquer le Grand Équilibre. Observe sa réaction. Demande-lui ce qu’est l’Éveil Complet et pourquoi elle ne t’en a jamais parlé. »
L’Ombre commença à se dissiper, sentant le retour imminent des parents de Masséo. « Je ne te demande pas de choisir mon camp, petit Porteur. Je te demande simplement de chercher la vérité complète avant de décider qui est vraiment ton ennemi. »
Elle disparut juste au moment où Catherine et Philippe sortaient de la maison, apportant des couvertures supplémentaires pour la nuit dans la tente.
« Tout va bien, mon chéri ? » demanda Catherine en remarquant l’expression troublée de son fils. « Tu as l’air préoccupé. »
« Ça va, » répondit Masséo distraitement. « Je réfléchissais juste… à l’équilibre entre la lumière et l’obscurité. »
Philippe sourit, pensant que son fils faisait simplement preuve de philosophie enfantine. « Une réflexion profonde pour un campeur de huit ans ! Allez, viens dans la tente. Je vais te montrer comment repérer la Grande Ourse. »
Masséo suivit ses parents, mais son esprit tournoyait avec les révélations de L’Ombre Obscurosse. Pour la première fois depuis qu’il avait commencé son entraînement, il doutait. De Stellaria, de sa mission, et même de la nature de ses propres pouvoirs.
En s’installant dans son sac de couchage, la Pierre de Lumière serrée contre sa poitrine, il prit une décision : demain soir, il confronterait Stellaria et exigerait la vérité sur le Grand Équilibre et l’Éveil Complet.
Le mystère s’épaississait, et Masséo ne savait plus qui croire. Mais une chose était certaine : il était au centre d’un conflit bien plus ancien et plus complexe qu’il ne l’avait imaginé.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 76