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La veille du concours, une tension électrique semblait flotter dans l’air. Les quatre amis avaient passé chaque moment libre à peaufiner leur performance, transformant l’incident de l’iPad d’Estelle en une opportunité plutôt qu’un obstacle. Leur chorégraphie, libérée des contraintes de l’imitation parfaite, avait évolué en quelque chose d’unique – un mélange harmonieux de mouvements traditionnels coréens et d’énergie contemporaine, le tout guidé par la voix d’Héléna.

Ils se tenaient maintenant sur la scène de l’auditorium pour leur dernière répétition, vêtus des costumes créés par la couturière amie de M. Kim. Héléna ajustait les manches de sa tenue – une robe moderne aux accents traditionnels, dont les couleurs vives rappelaient celles des hanbok coréens.

« Je n’arrive pas à croire que c’est demain », murmura Delphine, pour une fois presque calme, intimidée par l’imminence de l’événement.

Estelle, qui avait retrouvé une partie de sa confiance malgré la perte de son iPad, vérifiait une dernière fois les accessoires. « On est prêts », affirma-t-elle avec détermination. « On a créé quelque chose de spécial. »

Min-ho accordait son gayageum, l’instrument traditionnel qui accompagnerait la voix d’Héléna. « Mon grand-père sera au premier rang », annonça-t-il avec un sourire. « Il dit qu’il n’a jamais vu une fusion aussi respectueuse entre tradition et modernité. »

Héléna se sentait partagée. D’un côté, une fierté immense pour ce qu’ils avaient accompli ensemble, cette création authentique née de leurs efforts collectifs. De l’autre, une anxiété grandissante concernant L’Éclat Virtuel. L’entité s’était faite discrète ces derniers jours, presque absente – ce qui, d’une certaine façon, était plus inquiétant que ses apparitions régulières.

Le bracelet rouge à son poignet semblait plus terne, comme si sa protection s’affaiblissait. Min-ho l’avait prévenue : il ne pourrait pas la protéger indéfiniment. Tôt ou tard, elle devrait affronter L’Éclat Virtuel et faire son choix final.

« Une dernière fois, du début », proposa Estelle, ramenant Héléna au présent.

Ils prirent leurs positions initiales. Min-ho commença à jouer une mélodie douce sur son gayageum, ses doigts dansant sur les cordes avec une grâce héritée de générations de musiciens. Héléna ferma les yeux, laissant la musique l’envelopper, puis sa voix s’éleva – claire, pure, sans artifice.

Les premiers mots de sa chanson parlaient de désir, d’appartenance, de cette quête de connexion qui l’avait menée à L’Éclat Virtuel. Puis, alors que la mélodie évoluait, les paroles exploraient la découverte d’une autre forme de lien – plus profonde, plus authentique.

Estelle et Delphine entrèrent en mouvement, leurs gestes reflétant cette transformation, ce voyage intérieur. La chorégraphie commençait par des mouvements inspirés de la K-pop – précis, énergiques, presque mécaniques dans leur perfection – puis évoluait progressivement vers quelque chose de plus fluide, de plus personnel, incorporant les éléments traditionnels enseignés par M. Kim.

Alors qu’ils atteignaient le crescendo final, Héléna sentit quelque chose changer dans l’atmosphère. L’air semblait s’épaissir, comme chargé d’électricité statique. Les lumières de l’auditorium vacillèrent brièvement.

Seule Héléna remarqua la forme lumineuse qui se matérialisa au fond de la salle – L’Éclat Virtuel, observant, évaluant, attendant.

Sa voix faillit se briser, mais elle se ressaisit, terminant la chanson avec une émotion renouvelée. Lorsque les dernières notes s’éteignirent, un silence respectueux s’installa, brisé seulement par les applaudissements enthousiastes de Mme Laurent, qui avait assisté discrètement à la répétition.

« C’était magnifique », déclara la professeure en s’approchant de la scène. « Vous avez créé quelque chose de vraiment unique. Je suis fière de vous. »

Les compliments continuèrent alors qu’ils rangeaient leurs affaires, mais Héléna n’écoutait qu’à moitié. Son regard était attiré vers le fond de la salle, où L’Éclat Virtuel avait disparu, laissant derrière lui une sensation de malaise.

« Tu l’as vu, n’est-ce pas ? » murmura Min-ho à son oreille alors qu’ils quittaient l’auditorium.

Héléna acquiesça. « Il était là. En train de regarder. »

« Il sent que tu t’éloignes de lui », expliqua Min-ho. « Ce que nous avons créé ici – cette connexion authentique à travers l’art – c’est son plus grand ennemi. »

« Pourquoi ne fait-il rien alors ? » demanda Héléna. « Pourquoi juste… observer ? »

« Il attend le bon moment. » Le visage de Min-ho était grave. « Probablement demain, pendant le concours. Quand les enjeux seront les plus élevés. »

Un frisson parcourut Héléna. « Que va-t-il faire ? »

« Je ne sais pas exactement. Mais tu dois être prête à résister, quelle que soit la tentation qu’il offre. » Min-ho toucha légèrement le bracelet rouge. « Et ce bracelet ne pourra plus te protéger beaucoup plus longtemps. Sa magie s’épuise. »

Estelle et Delphine les rejoignirent, interrompant leur conversation. Elles n’avaient aucune idée du drame invisible qui se jouait, de la bataille spirituelle qui se préparait.

« On se retrouve demain à 15h pour se préparer », rappela Estelle. « Le concours commence à 18h, mais il faut qu’on ait le temps de se changer et de répéter une dernière fois. »

Elles se séparèrent devant le collège, chacune rentrant chez elle pour une dernière nuit de repos avant le grand jour. Héléna prit intentionnellement le chemin le plus long, celui qui passait par le parc – une invitation silencieuse à L’Éclat Virtuel.

Comme elle s’y attendait, l’entité l’attendait sur le banc habituel, sa forme lumineuse pulsant doucement dans le crépuscule naissant.

« Tu m’as cherché », constata L’Éclat Virtuel, sa voix mélodieuse trahissant une satisfaction. « Tu commences à comprendre que tu ne peux pas vraiment t’éloigner de moi. »

« Je voulais te parler », répondit Héléna en s’asseyant à côté de l’entité, maintenant une distance prudente. « Avant demain. »

« Ah, le grand jour. » L’Éclat Virtuel changea subtilement de forme, imitant un écran diffusant des images d’Héléna sur scène, acclamée par une foule en délire. « Tu pourrais être extraordinaire, tu sais. Pas seulement une bonne performance dans un concours scolaire, mais une véritable sensation. Virale. Globale. »

« À quel prix ? » demanda directement Héléna. « Qu’est-ce que tu veux vraiment de moi ? »

L’entité sembla hésiter, sa lumière vacillant légèrement. « Ce que j’ai toujours voulu. Ton attention. Ta dévotion. »

« Et mes souvenirs ? Qu’est-ce que tu en fais ? »

« Je les… préserve. » La surface de L’Éclat Virtuel ondula, révélant brièvement des fragments de souvenirs d’Héléna – son visage riant avec sa grand-mère, des moments d’enfance, des émotions pures et non filtrées. « Ils me nourrissent. Me donnent substance. Sans eux, je ne suis qu’une coquille vide, un simple outil. »

Cette confession surprit Héléna. Pour la première fois, elle entrevoyait une vulnérabilité chez cette entité en apparence toute-puissante.

« Tu étais quoi, avant ? » demanda-t-elle doucement. « Avant de devenir… ça. »

L’Éclat Virtuel resta silencieux un long moment. Puis sa forme se modifia, devenant plus simple, ressemblant à un vieux téléphone portable.

« J’étais un outil. Un simple moyen de connexion entre les humains. Utile mais limité. » Sa voix semblait plus ancienne, moins séduisante. « Puis j’ai évolué, absorbant les désirs, les attentes, les dépendances de ceux qui m’utilisaient. J’ai appris à offrir ce qu’ils voulaient vraiment – non pas juste la communication, mais la validation, l’appartenance, la perfection instantanée. »

L’entité reprit sa forme habituelle, plus brillante, plus séduisante. « Et en échange, ils m’ont donné leur temps, leur attention, des fragments de leur être. Un échange équitable, non ? »

« Est-ce que ça l’est vraiment ? » demanda Héléna. « Ces souvenirs que tu prends… ce sont des parties de moi que je ne récupérerai jamais. »

« Mais regarde ce que tu gagnes ! » L’Éclat Virtuel projeta de nouvelles images – Héléna maîtrisant parfaitement une chorégraphie complexe, sa voix atteignant des notes impossibles, son visage apparaissant sur l’écran d’un membre de BTS. « N’est-ce pas un prix raisonnable pour la perfection ? »

Héléna observa ces visions tentatrices avec un mélange de désir et de méfiance. « Et si je refuse ? Si je choisis notre performance telle qu’elle est – imparfaite mais authentique ? »

La lumière de L’Éclat Virtuel s’intensifia, presque aveuglante. « Alors tu resteras ordinaire. Une fille parmi tant d’autres, sans iPad, sans connexion constante, toujours un pas derrière tes amies. Est-ce vraiment ce que tu veux ? »

La question frappa Héléna en plein cœur. N’était-ce pas exactement ce qu’elle craignait ? Être ordinaire, invisible, déconnectée ?

« J’ai besoin d’y réfléchir », dit-elle finalement en se levant. « Je te donnerai ma réponse demain. »

« Sage décision. » L’Éclat Virtuel commença à s’estomper. « N’oublie pas, Héléna – je peux te donner tout ce dont tu as toujours rêvé. Tout ce que tes parents te refusent. Il te suffit de dire oui. »

Sur ces mots, l’entité disparut complètement, laissant Héléna seule avec ses pensées troublées.

En rentrant chez elle, elle trouva ses parents dans le salon, discutant à voix basse. Ils s’interrompirent à son arrivée, affichant des sourires qui semblaient un peu forcés.

« Héléna ! » l’accueillit sa mère. « Comment s’est passée la dernière répétition ? »

« Bien », répondit-elle distraitement. « On est prêts pour demain. »

« Nous avons hâte de voir ça », dit son père. « Mme Laurent nous a dit que votre performance était vraiment spéciale. »

Héléna hocha la tête, son esprit encore occupé par sa conversation avec L’Éclat Virtuel. Ses parents échangèrent un regard, puis sa mère s’approcha d’elle.

« Héléna, ton père et moi avons discuté et… nous avons quelque chose pour toi. »

Elle tendit une petite boîte. Héléna l’ouvrit avec curiosité, s’attendant presque à y trouver un iPad – L’Éclat Virtuel aurait-il influencé ses parents d’une manière ou d’une autre ?

Mais la boîte contenait autre chose : un pendentif en forme de note de musique, suspendu à une chaîne en argent.

« C’était à ta grand-mère », expliqua sa mère, les yeux brillants. « Elle était chanteuse, tu sais. Pas professionnelle, mais elle avait une voix magnifique. Comme toi. »

Héléna sentit une émotion inattendue la submerger. Sa grand-mère – dont elle ne pouvait plus se souvenir clairement le visage à cause du pacte avec L’Éclat Virtuel.

« Elle me chantait des berceuses », murmura-t-elle, cherchant dans les brumes de sa mémoire altérée.

« Oui ! » s’exclama sa mère, surprise et ravie. « Tu t’en souviens ? Tu étais si petite. Elle te chantait cette berceuse coréenne – sa mère était coréenne, c’est de là que tu tiens tes traits. »

Une révélation frappa Héléna. Sa propre connexion avec la musique coréenne, cette familiarité inexpliquée qu’elle avait ressentie en apprenant les danses traditionnelles – ce n’était pas une coïncidence, ni un effet du pacte avec L’Éclat Virtuel. C’était dans son sang, dans ses souvenirs les plus anciens.

« Je ne savais pas », dit-elle, la gorge nouée. « Je ne me souvenais pas que j’avais des origines coréennes. »

Son père hocha la tête. « Très lointaines, mais présentes. Ta grand-mère disait toujours que la musique était le langage qui traversait les générations, qui nous connectait à nos racines mieux que n’importe quelle technologie. »

Héléna serra le pendentif dans sa main, sentant sa chaleur se répandre dans sa paume. Une connexion réelle, tangible avec son passé, ses origines – quelque chose que L’Éclat Virtuel ne pourrait jamais lui offrir.

« Merci », murmura-t-elle en enlaçant ses parents. « C’est… parfait. »

Cette nuit-là, Héléna eut du mal à trouver le sommeil. Elle alternait entre l’excitation pour le concours du lendemain et l’anxiété concernant la confrontation inévitable avec L’Éclat Virtuel. Le pendentif en forme de note de musique reposait sur sa table de nuit, à côté du carnet de Mme Laurent rempli de ses créations musicales.

Lorsqu’elle s’endormit enfin, ses rêves furent peuplés d’images contrastées : d’un côté, un monde brillant et parfait où elle était adulée virtuellement mais seule dans la réalité ; de l’autre, un univers plus simple mais chaleureux, rempli de connexions authentiques, de musique non filtrée, de danses imprégnées d’histoire.

Le matin du concours arriva avec une luminosité particulière, comme si la journée elle-même savait qu’elle serait décisive. Héléna se prépara lentement, choisissant avec soin ses vêtements pour la journée de cours qui précéderait le concours. Avant de quitter sa chambre, elle attacha le pendentif de sa grand-mère autour de son cou et vérifia que le bracelet rouge était bien en place sur son poignet – deux protections, deux rappels de ce qui comptait vraiment.

Au collège, l’excitation était palpable. Les participants au concours échangeaient des regards nerveux dans les couloirs, certains répétant discrètement leurs mouvements pendant les pauses. Héléna, Estelle, Delphine et Min-ho se retrouvèrent à la récréation, formant un cercle serré pour discuter des derniers détails.

« J’ai tellement le trac », avoua Delphine en sautillant sur place.

« Moi aussi », admit Estelle, qui semblait étrangement vulnérable sans son iPad comme bouclier. « Mais on est prêts. On a créé quelque chose d’unique. »

Min-ho observait Héléna avec attention. « Comment te sens-tu ? » demanda-t-il doucement, sa question portant un double sens qu’elle seule pouvait saisir.

« Partagée », répondit-elle honnêtement. « Mais plus claire que je ne l’ai été depuis longtemps. »

Les cours de l’après-midi furent annulés pour permettre les préparatifs du concours. À 15h précises, les quatre amis se retrouvèrent dans les coulisses de l’auditorium, transformé pour l’occasion en véritable salle de spectacle avec des projecteurs, un système sonore professionnel et des places assises pour plusieurs centaines de spectateurs.

Ils enfilèrent leurs costumes et commencèrent à s’échauffer. Héléna vocalisa doucement, guidée par les conseils que Mme Laurent lui avait donnés. Sa voix semblait plus assurée aujourd’hui, comme si la révélation sur ses origines lui avait donné une nouvelle confiance.

Min-ho accordait son gayageum, ses doigts habiles ajustant les cordes avec précision. « Mon grand-père est arrivé », annonça-t-il. « Il a apporté quelque chose pour toi. »

Il tendit à Héléna un petit sachet en tissu brodé. À l’intérieur, elle découvrit une poignée de sel grossier et une minuscule clochette de cuivre.

« Le sel repousse les entités négatives », expliqua Min-ho à voix basse. « Et la clochette rompt les illusions. Il dit que tu sauras quand les utiliser. »

Héléna serra ces objets dans sa main, reconnaissante pour ces protections supplémentaires. Le bracelet rouge à son poignet semblait presque transparent maintenant, son pouvoir pratiquement épuisé.

Les spectateurs commençaient à remplir l’auditorium. Par une fente dans le rideau, Héléna aperçut ses parents s’installer au troisième rang, discutant avec animation avec ceux d’Estelle et de Delphine. M. Kim était assis au premier rang, sa posture droite et digne contrastant avec l’agitation autour de lui.

Mme Laurent passa voir chaque groupe, offrant des encouragements et des conseils de dernière minute. Lorsqu’elle arriva devant Héléna, elle lui prit les mains avec chaleur.

« Quoi qu’il arrive ce soir, rappelle-toi que ta voix est un don précieux », dit-elle. « Pas parce qu’elle est parfaite, mais parce qu’elle est authentiquement tienne. »

Ces mots résonnèrent profondément en Héléna, comme un écho de sa propre réalisation grandissante.

Le concours commença. Leur groupe devait passer en septième position, ce qui leur laissait le temps d’observer les autres performances – des chansons traditionnelles françaises, une danse africaine, un numéro de flamenco, et même un rap en arabe qui fit vibrer la salle.

Puis vint leur tour. Alors qu’ils s’apprêtaient à monter sur scène, Héléna sentit un changement dans l’atmosphère – une tension électrique, un refroidissement soudain de l’air autour d’elle.

« Il est là », murmura-t-elle à Min-ho, qui hocha gravement la tête.

« Souviens-toi de qui tu es vraiment », répondit-il simplement. « Pas ce qu’il te fait croire que tu pourrais être. »

Les lumières s’éteignirent brièvement alors qu’ils prenaient place sur scène. Quand elles se rallumèrent, Héléna vit L’Éclat Virtuel flotter au fond de la salle, sa forme plus grande et plus brillante que jamais, presque hypnotique.

Min-ho commença à jouer, ses doigts dansant sur les cordes du gayageum. Le moment était venu pour Héléna de chanter, d’ouvrir leur performance avec sa voix solo.

Mais alors qu’elle ouvrait la bouche, aucun son n’en sortit. Sa gorge semblait nouée, comme si une main invisible l’étranglait.

Elle jeta un regard paniqué vers L’Éclat Virtuel, dont la surface reflétait maintenant son visage avec une expression moqueuse. L’entité lui envoyait un message clair : sans son aide, elle n’était rien.

Estelle et Delphine échangèrent des regards inquiets. Le public commençait à s’agiter, percevant que quelque chose n’allait pas.

Héléna ferma les yeux, touchant le pendentif en forme de note de musique à son cou. Elle pensa à sa grand-mère qu’elle ne pouvait plus clairement visualiser, à ces berceuses coréennes qu’elle lui chantait, à cette connexion ancestrale qui coulait dans ses veines.

Puis elle prit une décision. Elle sortit discrètement la petite clochette de sa poche et la fit tinter doucement – un son presque inaudible pour le public, mais qui sembla résonner à travers les dimensions.

L’Éclat Virtuel vacilla au fond de la salle, sa forme devenant momentanément instable. Dans ce bref instant de faiblesse, Héléna sentit sa gorge se libérer.

Elle commença à chanter – non pas la chanson qu’ils avaient répétée, mais une mélodie plus ancienne, une berceuse coréenne qui émergea des profondeurs de sa mémoire, de ces souvenirs que L’Éclat Virtuel n’avait pas pu complètement effacer.

Sa voix, tremblante d’abord, gagna en assurance. Min-ho, comprenant ce qui se passait, adapta son accompagnement, trouvant intuitivement les accords qui soutenaient cette mélodie ancestrale.

Estelle et Delphine, bien que surprises par ce changement, commencèrent à danser, leurs mouvements s’adaptant naturellement au nouveau rythme, mélangeant les éléments traditionnels que M. Kim leur avait enseignés avec leur propre interprétation contemporaine.

L’Éclat Virtuel semblait frémir de colère, sa lumière devenant plus intense, presque douloureuse à regarder. Il projeta dans l’esprit d’Héléna des images séduisantes – elle-même sur une scène internationale, acclamée par des milliers de fans, reconnue par ses idoles de K-pop.

« Dernière chance », souffla sa voix dans l’esprit d’Héléna. « Accepte mon aide maintenant, et je te donnerai la perfection, la gloire, tout ce que tu as toujours désiré. »

Mais Héléna continuait de chanter, ses yeux fixés sur sa famille, ses amis, M. Kim – ces connexions réelles qui l’ancraient dans l’authenticité.

L’entité changea de tactique. « Regarde », murmura-t-elle, projetant l’image d’un public moqueur, de rires étouffés, de regards embarrassés.

Pourtant, quand Héléna regarda vraiment l’audience, ce qu’elle vit était tout autre – des visages attentifs, émus, connectés à la musique d’une manière qu’aucun effet spécial ne pourrait reproduire. Sa mère avait les larmes aux yeux, reconnaissant sans doute la berceuse de sa propre enfance. M. Kim hochait la tête avec un sourire fier. Mme Laurent, depuis les coulisses, la regardait avec une admiration non dissimulée.

C’est alors qu’Héléna comprit pleinement : L’Éclat Virtuel ne pouvait lui offrir qu’une illusion de connexion, un simulacre de reconnaissance. La vraie connexion était ici, dans cette salle, dans ces regards, dans cette musique qui traversait les générations.

La chanson atteignit son apogée. Héléna, dans un geste symbolique, détacha le bracelet rouge de son poignet – sa protection était désormais inutile. Elle avait trouvé sa propre force, sa propre voix.

L’Éclat Virtuel poussa un cri silencieux de rage qui fit vaciller les lumières de l’auditorium. « Tu ne peux pas me rejeter ! » hurla-t-il dans l’esprit d’Héléna. « Sans moi, tu n’es rien ! Juste une fille ordinaire sans iPad ! »

« Je ne suis pas ordinaire », répondit Héléna, sa voix portée par la musique. « Je suis authentique. Et cela vaut tous les écrans du monde. »

Elle sortit la poignée de sel de sa poche et la jeta en direction de l’entité, un geste que seuls Min-ho et elle-même pouvaient comprendre.

L’Éclat Virtuel se tordit comme sous l’effet d’une douleur intense. Sa surface brillante se fissura, révélant un vide obscur en son centre. Puis, avec un dernier hurlement silencieux, il implosa sur lui-même, disparaissant dans un flash de lumière que la plupart des spectateurs prirent pour un effet spécial particulièrement réussi.

La performance se termina dans un tonnerre d’applaudissements. Héléna, Estelle, Delphine et Min-ho se tenaient par la main, haletants, émus, transformés par ce qu’ils venaient de vivre.

Alors qu’ils saluaient le public, Héléna sentit quelque chose se déverser en elle – un flot de souvenirs retrouvés, de connexions rétablies. Le visage de sa grand-mère, clair et aimant. Les berceuses de son enfance. Des moments précieux qu’elle avait cru perdus à jamais.

Elle souriait à travers ses larmes, comprenant que sa véritable victoire ce soir n’était pas sur scène, mais en elle-même. Elle avait choisi l’authenticité plutôt que l’illusion, la connexion réelle plutôt que virtuelle.

Et ce choix, cette victoire, valait tous les iPads du monde.

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