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Les jours qui suivirent le concours passèrent comme dans un rêve pour Héléna. Leur performance avait remporté le premier prix – une reconnaissance officielle de leur créativité et de leur talent – mais ce trophée semblait presque secondaire comparé à ce qu’elle avait véritablement gagné ce soir-là.
Assise sur son lit, elle contemplait les photos de la soirée que ses parents avaient imprimées. Son visage rayonnant pendant qu’elle chantait, Estelle et Delphine dansant avec une liberté qu’aucune chorégraphie préfabriquée n’aurait pu leur offrir, Min-ho jouant du gayageum avec une intensité tranquille. Et, au premier rang, M. Kim applaudissant avec fierté, comme s’il assistait à la renaissance d’une tradition plutôt qu’à un simple spectacle scolaire.
La disparition de L’Éclat Virtuel avait laissé un vide étrange en elle – non pas un manque, mais plutôt un espace libéré, prêt à être rempli par ses propres expériences, ses propres souvenirs. Les fragments de mémoire qu’il lui avait volés étaient revenus progressivement, comme des pièces d’un puzzle se remettant naturellement en place.
Le visage de sa grand-mère était maintenant clair dans son esprit – ses yeux en amande qui trahissaient ses origines coréennes, son sourire chaleureux, la façon dont elle tenait Héléna sur ses genoux pour lui chanter des berceuses dans une langue qu’elle-même ne comprenait qu’à moitié, transmettant un héritage culturel à travers les générations.
Un léger coup à sa porte interrompit ses réflexions. Sa mère entra, tenant une boîte en carton.
« J’ai trouvé ça au grenier », dit-elle en s’asseyant sur le bord du lit. « Je pense que ça pourrait t’intéresser maintenant. »
Héléna ouvrit la boîte avec curiosité. À l’intérieur se trouvaient des carnets jaunis par le temps, quelques photos anciennes en noir et blanc, et un petit magnétophone à cassettes d’un autre âge.
« Ce sont les affaires de ta grand-mère », expliqua sa mère. « Ses journaux, ses enregistrements. Elle documentait les chansons traditionnelles coréennes qu’elle connaissait, pour ne pas qu’elles se perdent. »
Héléna prit délicatement le magnétophone. « Ça fonctionne encore ? »
« Je pense, oui. J’ai mis des piles neuves. » Sa mère sourit. « C’est une technologie primitive comparée à ce que tes amies utilisent, mais il y a quelque chose de spécial dans ces vieux enregistrements – un grain, une authenticité que le numérique ne capture pas toujours. »
Héléna appuya sur le bouton de lecture. Après quelques craquements, une voix claire s’éleva – celle de sa grand-mère, chantant la même berceuse qu’Héléna avait interprétée lors du concours. L’émotion lui serra la gorge.
« Comment savais-tu ? » murmura-t-elle. « Que j’étais prête pour ça maintenant ? »
Sa mère lui caressa doucement les cheveux. « Depuis que tu as chanté cette berceuse au concours. Une chanson que je ne t’avais jamais apprise, que tu ne pouvais connaître que par ta grand-mère… » Elle fit une pause. « C’est comme si une connexion s’était réveillée en toi. Quelque chose de plus profond que les tendances ou la technologie. »
Héléna hocha la tête, incapable de trouver les mots pour expliquer ce qui s’était réellement passé – comment un pacte avec une entité surnaturelle lui avait paradoxalement permis de redécouvrir ses racines les plus authentiques.
« Tu sais », continua sa mère, « ton père et moi avons beaucoup discuté après le concours. Nous avons peut-être été trop stricts concernant la technologie. »
Le cœur d’Héléna s’accéléra. Allaient-ils finalement lui acheter un iPad ?
« Nous pensons toujours que treize ans, c’est jeune pour avoir un accès illimité aux écrans », précisa sa mère, lisant dans ses pensées. « Mais nous voyons aussi que tu fais preuve d’une maturité que nous n’avions pas anticipée. »
Elle sortit de sa poche une clé USB. « Voilà ce que nous te proposons : tu pourras utiliser l’ordinateur familial plus librement, avec cette clé qui sera ton espace personnel. Et le week-end, tu pourras emprunter ma tablette pour tes recherches sur la musique, la danse, tes groupes préférés. »
Quelques semaines plus tôt, cette proposition aurait semblé insuffisante à Héléna. Maintenant, après tout ce qu’elle avait vécu, elle y voyait un compromis raisonnable – une reconnaissance de son évolution, sans céder à la tentation de la connexion permanente que L’Éclat Virtuel lui avait fait miroiter.
« Merci, maman », dit-elle sincèrement. « C’est… juste ce qu’il me faut. »
Sa mère parut surprise par cette acceptation facile. « Tu es sûre ? Je m’attendais à plus de résistance. »
Héléna sourit. « Disons que j’ai appris récemment qu’il y a différentes façons d’être connectée. Et que certaines connexions valent plus que d’autres. »
Plus tard dans la journée, Héléna retrouva ses amis au café près du collège – un nouveau rituel qu’ils avaient instauré depuis le concours. Estelle, Delphine et Min-ho l’attendaient à leur table habituelle, discutant avec animation.
« Héléna ! » s’exclama Delphine en bondissant de sa chaise. « Tu ne devineras jamais ! Notre vidéo a dépassé les mille vues ! »
Estelle, qui avait obtenu un nouvel iPad (avec des restrictions parentales renforcées), lui montra l’écran où leur performance, filmée par un parent et mise en ligne avec leur permission, accumulait effectivement des vues et des commentaires enthousiastes.
« Les gens adorent cette fusion entre traditionnel et moderne », expliqua-t-elle. « Et ta voix, Héléna… tout le monde en parle ! »
Min-ho observait Héléna avec un sourire tranquille. Depuis la disparition de L’Éclat Virtuel, une complicité particulière s’était développée entre eux – un secret partagé qui avait créé un lien spécial.
« Comment te sens-tu ? » demanda-t-il doucement alors qu’Estelle et Delphine étaient distraites par de nouveaux commentaires sur la vidéo.
« Complète », répondit simplement Héléna. « Comme si j’avais récupéré des parties de moi-même que je ne savais même pas avoir perdues. »
« Les souvenirs sont revenus ? »
Elle acquiesça. « Presque tous. Surtout ceux de ma grand-mère. C’est comme si… » Elle chercha les mots justes. « Comme si L’Éclat Virtuel avait essayé d’effacer ce qui me connectait le plus profondément à moi-même, à mes origines. »
« C’est exactement ce qu’il fait », confirma Min-ho. « Il se nourrit de ce qui nous rend uniques, authentiques. Pour nous rendre dépendants de la validation qu’il offre. »
Héléna frissonna, réalisant à quel point elle avait été proche de perdre quelque chose d’irremplaçable. « Comment as-tu su ? Pour lui, je veux dire. »
Min-ho baissa les yeux. « Mon cousin, comme je te l’ai dit. Mais aussi… mon grand-père a passé sa vie à étudier ces phénomènes. En Corée, il y a d’anciennes légendes sur des entités qui prennent différentes formes selon les époques. Autrefois, elles apparaissaient comme des esprits des forêts ou des montagnes. Aujourd’hui… »
« Elles prennent la forme de notre technologie », compléta Héléna. « De ce qui nous fascine le plus. »
« Exactement. L’Éclat Virtuel n’est qu’une manifestation moderne d’une tentation très ancienne – sacrifier notre authenticité pour une illusion de perfection. »
Leur conversation fut interrompue par Delphine qui déposa bruyamment des tasses de chocolat chaud devant eux. « Vous êtes tellement sérieux ! On a gagné le concours, notre vidéo est presque virale, et vous faites ces têtes d’enterrement ! »
Héléna et Min-ho échangèrent un regard complice avant d’éclater de rire, rejoignant l’humeur festive de leurs amies.
La conversation dériva vers des projets d’avenir – d’autres performances, peut-être, ou même un petit groupe musical combinant les talents des quatre amis. Estelle, qui avait initialement été la plus réticente à s’éloigner des chorégraphies K-pop parfaitement reproduites, était maintenant la plus enthousiaste concernant leurs créations originales.
« J’ai réfléchi », dit-elle en faisant défiler des notes sur son iPad. « On pourrait développer notre propre style, quelque chose qui nous appartient vraiment. Pas juste une copie de ce qui existe déjà. »
« Comme un mélange de K-pop et de musique traditionnelle coréenne ? » demanda Delphine, les yeux brillants.
« Ça, mais aussi avec des influences françaises », précisa Estelle. « Après tout, c’est aussi notre culture. On pourrait créer quelque chose de vraiment unique. »
Min-ho sourit. « Mon grand-père serait ravi. Il dit toujours que les traditions ne doivent pas être des reliques figées, mais des rivières vivantes qui s’adaptent au terrain qu’elles traversent. »
Héléna se sentit envahie par une vague de gratitude envers ses amis, envers ce chemin inattendu qui l’avait menée non pas vers une technologie plus avancée, mais vers une connexion plus profonde avec elle-même et les autres.
« En parlant de ton grand-père », dit-elle à Min-ho, « j’aimerais lui rendre le bracelet rouge. Et le remercier. Sans lui… »
Elle n’acheva pas sa phrase, mais Min-ho comprit. « Il sera chez nous demain après-midi. Tu es la bienvenue. En fait, vous êtes toutes invitées. »
Le lendemain, les quatre amis se retrouvèrent dans le jardin paisible de la maison des Kim. M. Kim les attendait près de l’étang, vêtu d’une tenue traditionnelle coréenne. À ses côtés, une femme d’âge moyen qu’Héléna n’avait jamais vue préparait du thé sur une petite table basse.
« Je vous présente ma fille, la mère de Min-ho », dit M. Kim lorsqu’ils s’approchèrent. « Elle est arrivée de Corée ce matin. »
La femme les salua avec un sourire chaleureux, s’attardant sur Héléna. « Min-ho et mon père m’ont beaucoup parlé de toi », dit-elle en français avec un léger accent. « De votre performance extraordinaire. Et de ton… expérience particulière. »
Héléna jeta un coup d’œil inquiet à Estelle et Delphine, mais celles-ci étaient distraites par les carpes colorées qui nageaient dans l’étang.
« Ne t’inquiète pas », la rassura la mère de Min-ho. « Elles ne peuvent pas entendre notre conversation en ce moment. Mon père a créé un petit… espace privé pour nous. »
Héléna réalisa qu’en effet, les voix d’Estelle et de Delphine semblaient étrangement lointaines, comme si elles se trouvaient derrière une vitre invisible.
« J’ai quelque chose pour vous », dit-elle en tendant le bracelet rouge à M. Kim. « Je voulais vous le rendre. Et vous remercier. »
Le vieil homme prit le bracelet avec révérence. « Il t’a bien servie. Mais sa protection n’était qu’un outil temporaire. Ta véritable force est venue de l’intérieur. »
« J’ai aussi apporté ceci », ajouta Héléna en sortant le magnétophone de sa grand-mère. « J’ai pensé que ça pourrait vous intéresser. »
Elle appuya sur le bouton de lecture, laissant la voix claire de sa grand-mère emplir le jardin. M. Kim ferma les yeux, écoutant attentivement la berceuse coréenne.
« Jeongseon Arirang », murmura-t-il lorsque l’enregistrement s’arrêta. « Une version très pure, avec l’accent du nord-est de la Corée. Ta grand-mère venait de cette région ? »
Héléna hocha la tête. « C’est ce que ma mère m’a dit. Elle a quitté la Corée très jeune. »
« Le monde est plein de connexions invisibles », dit M. Kim, ses yeux brillant d’une sagesse ancienne. « Des fils qui nous relient à travers le temps et l’espace. L’Éclat Virtuel et ses semblables offrent des imitations de ces connexions – rapides, faciles, mais superficielles. »
« Comme des fast-foods de l’âme », intervint la mère de Min-ho avec un petit rire. « Ils satisfont momentanément, mais ne nourrissent pas vraiment. »
Héléna sourit à cette comparaison. « Je comprends mieux maintenant. Pourquoi mes parents limitent mon accès à la technologie. Ce n’est pas pour me punir ou me priver. C’est pour me protéger de cette… dépendance. »
« Exactement », confirma M. Kim. « La technologie elle-même n’est qu’un outil. Mais quand elle devient une béquille, un substitut aux véritables connexions humaines et à l’authenticité personnelle, elle ouvre la porte à des entités comme L’Éclat Virtuel. »
La mère de Min-ho lui tendit une tasse de thé. « Bois ceci. C’est une recette spéciale qui aide à consolider les souvenirs retrouvés. »
Le thé avait un goût doux-amer, avec des notes florales qu’Héléna ne pouvait identifier. Tandis qu’elle le buvait, une chaleur agréable se répandit dans sa poitrine, et les fragments de souvenirs encore flous semblèrent se stabiliser, comme des photographies qui se fixent dans un bain révélateur.
« J’ai une question », dit-elle après avoir reposé sa tasse. « Est-ce que L’Éclat Virtuel… est vraiment parti pour de bon ? »
Les Kim échangèrent un regard. Ce fut Min-ho qui répondit :
« Pas exactement. Ces entités ne disparaissent jamais complètement. Elles se reforment, s’adaptent, trouvent de nouveaux hôtes. Mais celle qui t’a ciblée spécifiquement – cette manifestation particulière – oui, elle est partie. »
« Et tu es maintenant immunisée, dans un sens », ajouta sa mère. « Ayant reconnu sa nature, tu ne seras plus aussi facilement séduite par ses promesses. »
Héléna ressentit un soulagement mêlé d’une étrange responsabilité. « Et les autres ? Mes amies, les autres élèves de mon âge qui sont si… connectés ? »
« Chacun doit trouver son propre chemin », dit M. Kim avec sagesse. « Certains apprendront comme toi, à travers des expériences difficiles. D’autres trouveront naturellement leur équilibre. Notre rôle n’est pas d’imposer, mais d’offrir une alternative, de montrer qu’il existe d’autres formes de connexion. »
Il désigna d’un geste Estelle et Delphine, qui admiraient toujours les carpes, inconscientes de cette conversation profonde. « Regarde tes amies. Celle qui était la plus dépendante de sa technologie découvre maintenant la joie de créer quelque chose d’original, d’authentique. Sans L’Éclat Virtuel, juste par ton exemple. »
Héléna n’avait pas vu les choses sous cet angle. En effet, Estelle avait considérablement changé depuis le piratage de son iPad et leur performance au concours. Elle était moins obsédée par la perfection, plus ouverte à l’improvisation, à l’imprévu.
« L’influence positive est souvent plus puissante que la coercition », conclut la mère de Min-ho. « Continue à cultiver ta propre authenticité, et tu seras étonnée de voir comment cela inspire les autres. »
Le « bouclier de silence » semblait se dissiper, car les voix d’Estelle et Delphine devinrent soudain plus claires. Elles se dirigeaient vers eux, enthousiastes.
« Héléna ! » appela Delphine. « Min-ho dit que son grand-père pourrait nous apprendre d’autres danses traditionnelles ! »
« Et sa mère connaît des producteurs de musique en Corée », ajouta Estelle. « Des vrais, pas juste des contacts sur les réseaux sociaux ! »
Héléna échangea un sourire complice avec la famille Kim. La vie prenait une direction qu’elle n’aurait jamais imaginée quelques semaines plus tôt. Au lieu de courir après une connexion virtuelle avec ses idoles K-pop, elle découvrait une connexion bien plus profonde avec ses propres racines, ses propres talents, ses véritables amis.
Les semaines suivantes furent riches en développements. Sous la tutelle de M. Kim et de sa fille, les quatre amis explorèrent diverses traditions musicales coréennes, les mélangeant avec leurs influences contemporaines pour créer quelque chose d’unique. Mme Laurent, enthousiasmée par leur projet, leur offrit l’accès à l’auditorium pour leurs répétitions et les mit en contact avec d’autres musiciens locaux.
Leur vidéo du concours continuait à gagner en popularité, attirant l’attention au-delà de leur petit cercle scolaire. Un festival culturel de la région les invita à se produire, offrant une scène plus grande pour leur création hybride.
Héléna découvrit que sa voix s’épanouissait naturellement, sans les « améliorations » artificielles que L’Éclat Virtuel lui avait promises. Sa technique s’affinait grâce aux conseils de la mère de Min-ho, qui avait étudié le chant traditionnel coréen dans sa jeunesse.
Quant à ses parents, ils tinrent leur promesse d’assouplir les restrictions technologiques. Héléna pouvait maintenant utiliser la tablette familiale à des moments définis, principalement pour ses recherches musicales et pour suivre l’actualité de ses groupes K-pop préférés. Mais curieusement, cette obsession s’était atténuée. Elle appréciait toujours leur musique, mais son besoin désespéré de connexion constante avait diminué.
Un soir, alors qu’elle regardait une interview de BTS sur la tablette, son père s’assit à côté d’elle sur le canapé.
« Qu’est-ce qu’ils disent ? » demanda-t-il avec un intérêt sincère.
Héléna fut surprise par cette ouverture. D’habitude, ses parents montraient peu d’intérêt pour ses passions musicales.
« Ils parlent de leur processus créatif », expliqua-t-elle. « De comment ils mélangent différentes influences culturelles dans leur musique. Un peu comme ce qu’on essaie de faire avec notre groupe. »
Son père hocha la tête, pensif. « Tu sais, je commence à comprendre pourquoi tu les admires tant. Ce ne sont pas juste de jolies figures marketées, comme je le pensais. Ils ont quelque chose à dire. »
Cette reconnaissance, ce petit pont jeté entre leurs mondes, réchauffa le cœur d’Héléna. « Tu veux que je te montre ma chanson préférée ? » proposa-t-elle.
Ils passèrent la soirée à explorer ensemble la musique de BTS, Héléna expliquant les paroles, les symboles, l’évolution artistique du groupe. Son père écoutait attentivement, posant des questions pertinentes qui montraient un réel désir de comprendre ce qui touchait sa fille.
« Tu as changé, tu sais », dit-il finalement. « Pas seulement ta voix, qui est devenue vraiment impressionnante. Mais quelque chose de plus profond. Tu sembles plus… ancrée. Plus toi-même. »
Héléna sourit, touchée par cette observation. « J’ai compris des choses importantes récemment. Sur ce qui compte vraiment. Sur différentes façons d’être connectée. »
Son père lui serra l’épaule avec affection. « Je suis fier de toi, Héléna. De la jeune femme que tu deviens. »
Ce soir-là, avant de s’endormir, Héléna repensa à son parcours des dernières semaines. De sa frustration initiale face au refus de ses parents de lui acheter un iPad, à sa rencontre avec L’Éclat Virtuel, jusqu’à sa redécouverte d’une connexion plus authentique avec elle-même et ses racines.
Elle toucha le pendentif en forme de note de musique autour de son cou – ce lien tangible avec sa grand-mère, avec son héritage culturel. Elle n’avait plus besoin du bracelet rouge de M. Kim pour la protéger. Sa propre compréhension, sa propre authenticité étaient désormais ses meilleures défenses.
Bien sûr, la tentation de la perfection instantanée, de la validation virtuelle, serait toujours présente dans ce monde ultra-connecté. Mais Héléna avait appris à reconnaître la différence entre une connexion authentique et une illusion séduisante.
Elle s’endormit avec une certitude tranquille : l’iPad qu’elle désirait tant quelques semaines plus tôt n’était qu’un objet, un outil. Utile parfois, mais jamais essentiel à son bonheur ou à son identité. La vraie connexion – celle qui nourrissait l’âme – venait d’ailleurs : de la musique qui coulait dans ses veines, des liens tissés avec ses amis, de cette lignée invisible qui la reliait à des ancêtres qu’elle n’avait jamais connus mais dont les chansons résonnaient en elle.
Et cette connexion-là, aucun écran ne pourrait jamais la remplacer.
Trois mois plus tard, le groupe formé par Héléna, Min-ho, Estelle et Delphine se produisait sur la scène du festival culturel régional. Leur performance fusionnant danses traditionnelles coréennes, influences K-pop et éléments de la musique française contemporaine créa une sensation. Dans le public, des téléphones se levaient pour capturer ce moment unique, mais Héléna ne chantait pas pour ces écrans.
Elle chantait pour les visages réels devant elle – ses parents, M. Kim et sa fille, Mme Laurent, les autres élèves du collège. Elle chantait pour sa grand-mère dont la présence semblait flotter dans l’air. Elle chantait pour ses amis qui dansaient à ses côtés, créant ensemble quelque chose de plus grand que ce qu’ils auraient pu accomplir individuellement.
Et quelque part au fond de la salle, elle aperçut un bref scintillement – pas l’éclat menaçant de L’Éclat Virtuel, mais quelque chose de plus doux, comme un signe d’approbation de l’univers.
Héléna sourit, sa voix s’élevant plus claire que jamais. Elle n’avait pas besoin d’un iPad pour briller. Sa lumière venait de l’intérieur, authentique et inextinguible.
Ce soir-là, après le spectacle, ses parents lui offrirent un cadeau – non pas la tablette tant désirée auparavant, mais un instrument de musique traditionnel coréen, un petit gayageum adapté à sa taille. Sur l’étui, une inscription simple :
« Pour Héléna, qui a trouvé sa propre voix. »
Et cette voix, Héléna le savait maintenant, résonnait bien au-delà de n’importe quel écran, connectant passé et présent, tradition et modernité, dans une harmonie que nulle technologie ne pourrait jamais reproduire.
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