Le Nexus Central s’ouvrit devant eux, révélant l’intérieur. Fabien sentit un frisson – l’espace était magnifique et terrifiant.
Une sphère d’énergie flottait au centre, projetant des filaments de lumière vers des interfaces holographiques. Maître Pixel était assis sur un trône de pixels mouvants, presque physiquement présent dans le monde virtuel.
« Fabien, » l’accueillit-il, sa voix résonnant avec autorité. « Je savais que tu trouverais ton chemin jusqu’ici. Ta Vision Stratégique est… remarquable. »
Fabien avança prudemment, Lucas le suivant. Le Gardien à son poignet émettait une chaleur intense.
« Comment tout cela fonctionne-t-il réellement ? » demanda Fabien, analysant la situation.
Pixel sourit, satisfait. « L’Immersion Totale dépasse la simple réalité virtuelle. Nous parlons directement à ton cerveau, contournant tes sens physiques. »
Il fit un geste, et la sphère pulsa. Des visualisations apparurent – diagrammes cérébraux, ondes neurales, flux de données.
« Ton esprit est libre ici. Vraiment libre. »
« Et les autres joueurs ? Ceux qui semblent… changés ? »
Pixel eut un geste dédaigneux. « Ils s’adaptent à leur véritable potentiel. Certains s’accrochent aux limitations – famille, école, responsabilités. D’autres reconnaissent la supériorité de cette existence. »
Fabien se rapprocha subtilement d’une interface. « Et le tournoi ? Quand commence-t-il ? »
« Le tournoi ? » Pixel rit froidement. « Un simple prétexte pour attirer les esprits brillants. La vraie compétition est l’abandon de l’ancienne réalité. »
Il se leva, grandissant. « Certains y parviennent en heures. D’autres résistent des jours. Mais tous finissent par accepter. »
« Et ensuite ? »
Le visage de Pixel s’illumina. « Nous expandons. Ces vingt joueurs ne sont que le début. Bientôt, des milliers rejoindront notre réalité supérieure. »
« Un paradis que vous contrôlez. »
« Que je libère. Ici, chacun peut être ce qu’il désire vraiment. »
Fabien aperçut les statuts des participants sur l’interface – lectures cérébrales, niveaux d’immersion. Le sien affichait 42%.
« Et si quelqu’un refuse ce paradis ? »
Le sourire de Pixel se figea. « Qui refuserait la perfection ? À moins d’être… défectueux. Comme toi, avec ton bracelet étrange et tes questions. »
Pixel avait remarqué le Gardien.
« Je me demandais combien de temps il te faudrait pour tenter quelque chose. »
Lucas et deux Gardiens encerclèrent Fabien.
« Tu n’es pas le premier à résister. D’autres ont essayé – parents, professeurs, programmeurs rebelles. Comme ton ami Marc Villemin. »
« Je ne connais pas de Marc. »
« Ne me mens pas ! » explosa Pixel. « Vous croyez que je ne surveille pas mon système ? Les Connectés. Une bande d’enfants jouant aux hackers. »
Les Gardiens se rapprochèrent, synchronisés.
« Puisque tu es là, montre-moi ce ‘vaccin’ dont vous avez tant discuté. »
Fabien sentit le piège se refermer. Pixel savait tout depuis le début.
Mais il remarqua un tremblement dans la main de Lucas, des fluctuations chez les autres Gardiens. Des fissures dans le contrôle.
Fabien comprit. La clé n’était pas technologique – elle était dans l’ancrage à la réalité.
« Tu as raison, » admit-il. « J’ai apporté quelque chose. Mais ce n’est pas ce que tu crois. »
Il montra le Gardien. « Ceci n’est qu’un leurre. »
« Explique-toi. »
« Le véritable vaccin, c’est ceci. »
Fabien ferma les yeux, se concentrant. Sa Vision Stratégique s’activa à un niveau inédit. Le monde virtuel se décomposa en couches de code visibles.
Plus important, il voyait les liens connectant chaque participant à leur corps réel, leur vraie conscience.
« Je vois la vérité, » dit-il, s’adressant aux Gardiens. « Je vois nos connexions à la réalité. »
Il regarda Lucas : « Tu te rappelles Billy ? Comment il dort à mes pieds ? Ta mère ? Tes projets d’ingénieur ? »
Une reconnaissance traversa le visage de Lucas.
« Arrête ! » ordonna Pixel. « Ces souvenirs sont des chaînes ! »
Fabien continua, évoquant des détails sur chaque Gardien – leurs vraies personnalités qui persistaient malgré le conditionnement.
Cela fonctionnait. Les Gardiens vacillaient, retrouvant leur individualité.
« Non ! » hurla Pixel. « Vous m’appartenez ! »
Il envoya des vagues d’énergie qui frappèrent Fabien comme une décharge. La douleur virtuelle était réelle.
« Je contrôle tout ici ! »
Fabien tomba mais refusa d’abandonner. Le Gardien créa une bulle protectrice autour de lui.
« Tu contrôles ce monde, mais pas nos connexions à la réalité. »
Il se tourna vers Lucas : « Souviens-toi ! Tu voulais créer tes propres jeux, pas être prisonnier ! »
Quelque chose se brisa chez Lucas. Ses yeux s’éclaircirent.
« Fabien ? Qu’est-ce que… où sommes-nous ? »
Pixel lança une nouvelle attaque, mais Lucas s’interposa instinctivement.
« Tu ne comprends pas ! » cria Pixel, se désintégrant sous sa rage. « J’ai créé la perfection ! Un monde sans souffrance, sans rejet ! »
Fabien vit au-delà de la façade – Pierre-Xavier Leroy, un homme brillant mais brisé, cherchant refuge après son rejet du monde réel.
« Tu as reproduit ce que tu fuyais – contrôle, manipulation, isolement. »
Le Nexus montrait des signes d’instabilité.
« Tu te trompes ! Ce monde est parfait ! »
« Aucun monde n’est parfait. La vraie liberté, c’est l’équilibre. »
Fabien tendit une main vers Pixel. « Les jeux sont merveilleux, mais ils ne remplacent pas la vie. »
Les autres Gardiens, partiellement libérés, observaient avec conscience grandissante.
Pixel fixa la main tendue avec confusion. « Si j’abandonne… je n’aurai plus rien. »
« Tu auras créé quelque chose d’extraordinaire. Pour connecter, pas isoler. Pour enrichir la réalité, pas la remplacer. »
Lucas s’avança. « C’est incroyable, mais pas comme ça. Pas en volant notre libre arbitre. »
D’autres voix s’élevèrent, exprimant des sentiments similaires.
Pixel passa par diverses émotions – colère, peur, confusion, résignation.
« Vous ne comprenez pas, » murmura-t-il sans conviction.
« Aide-nous à comprendre. Comme un guide, pas un maître. »
Le Nexus tremblait, reflet de l’instabilité émotionnelle de son créateur.
Dans un geste surprenant, Pixel prit la main de Fabien.
Une vague libératrice se propagea. Les interfaces se réinitialisèrent.
« Retour progressif en cours, » annonça une voix automatisée.
Fabien sentit le vertige de la dissolution. Lucas lui sourit – un vrai sourire.
« Merci, » articula son ami avant de disparaître.
La dernière vision de Fabien fut Pixel – pensif, reconsidérant sa création.
Puis l’obscurité.
Fabien ouvrit les yeux sur le plafond blanc. Il était dans sa capsule, le casque retiré. Autour, d’autres participants émergeaient, désorientés mais conscients.
Pierre-Xavier était assis immobile devant ses écrans éteints.
Les regards de Fabien et Lucas se croisèrent, reconnaissant leur expérience partagée.
Les participants se rassemblèrent naturellement, les mots insuffisants pour décrire leur vécu.
Pierre-Xavier s’approcha. En personne, il semblait plus petit, ordinaire.
« Je suppose que des explications s’imposent. »
Les heures suivantes furent surréalistes. Autorités, parents inquiets, chaos. Fabien expliquait calmement, aidant les autres à réintégrer la réalité.
Marc et les Connectés arrivèrent. « Tu as transformé le système au lieu de le détruire, » murmura Marc.
Pierre-Xavier coopérait pleinement, expliquant sa technologie avec clarté nouvelle, libéré de son obsession.
Trois jours plus tard, Fabien était chez lui, Billy ronflant paisiblement. Sa chambre semblait familière mais différente.
Un message de Lucas : « Réunion des Connectés chez Julia. Nouvelles importantes. »
Leur groupe s’était transformé – de résistants en ponts entre mondes.
Sa mère frappa. « Prêt pour le collège demain ? »
« Oui. Je me sens… équilibré. »
Marine s’assit, caressant Billy. « Tu as fait quelque chose d’extraordinaire. Je suis fière. »
« Je n’étais pas seul. »
« Mais c’est toi qui as vu l’équilibre. »
Un autre message de Julia : « P.X. veut rencontrer les Connectés. Nouveau projet d’immersion équilibrée. Tu en es ? »
Fabien sourit : « Bien sûr. Tant qu’on garde un pied dans chaque monde. »
Il ferma les yeux, appréciant d’être pleinement présent.
Billy grimpa sur sa poitrine avec satisfaction. Contrairement à avant, il restait paisiblement pendant que Fabien jouait.
« On a réussi, Billy. On a trouvé le code caché. »
Le code n’était pas numérique, mais la reconnaissance que la vie se vivait entre les mondes, où virtuel et réel s’entrelacent sans s’effacer.
Fabien se leva avec clarté et détermination. Réunion à préparer, devoirs à rattraper, peut-être une partie de CS Go – mais avec minuterie, Billy à ses pieds, et la conscience qu’il fermerait l’ordinateur sans regret.
Deux mondes. Un équilibre. Un code enfin déchiffré.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 152