Le passage secret menait à une bibliothèque cachée au cœur de l’école transformée. Des étagères s’élevaient jusqu’au plafond voûté, remplies de livres aux couvertures scintillantes. Au centre de la pièce, un globe terrestre flottait dans les airs, projetant des images de différentes écoles à travers le monde.
« Énigmus a déjà frappé ailleurs, » expliqua Madame Sophia en pointant le globe. « Trois écoles en Europe, deux en Asie. À chaque fois, le même schéma : il transforme l’établissement en labyrinthe d’énigmes et emprisonne l’esprit des élèves. »
« Mais pourquoi ? » demanda Timothée, fasciné par les images qui défilaient.
« Parce qu’il collectionne l’intelligence, » répondit tristement Madame Sophia. « Il croit que seuls ceux qui résolvent ses énigmes impossibles méritent d’apprendre. Mais ce qu’il ne comprend pas, c’est que le véritable savoir se partage, se transmet avec bienveillance. »
Elle s’approcha d’une étagère et en sortit un livre ancien. « Voici son histoire, Timothée. Énigmus était autrefois un enfant prodige, comme toi. Mais la solitude et les moqueries l’ont rendu amer. »
Les pages du livre s’animèrent, montrant un petit garçon aux cheveux électrifiés, assis seul dans une cour d’école pendant que les autres enfants jouaient.
« Il a fini par croire que l’intelligence était une arme plutôt qu’un don à partager, » continua Madame Sophia. « Et maintenant, il teste chaque enfant qu’il rencontre, espérant secrètement trouver quelqu’un qui lui ressemble. »
« Quelqu’un comme moi ? » murmura Timothée.
« Exactement. Mais toi, tu as quelque chose qu’il a perdu : la capacité de voir au-delà de tes propres peurs. »
Madame Sophia posa sa main sur l’épaule de Timothée. « Dis-moi, quand tu joues aux échecs, que ressens-tu ? »
« Je… » Timothée réfléchit un moment. « Je vois des modèles. Des connexions. Chaque pièce a sa place, son rôle. Et ensemble, elles créent quelque chose de plus grand. »
« Voilà ton don, Timothée ! » s’exclama Madame Sophia, ses yeux verts brillant d’excitation. « Tu ne vois pas seulement les problèmes individuels, tu vois comment tout s’articule ensemble. C’est exactement ce dont nous avons besoin pour déjouer les énigmes d’Énigmus. »
Elle l’amena devant un miroir magique qui reflétait non pas son apparence, mais ses pensées. Dans le reflet, Timothée vit un échiquier géant où chaque case représentait une salle de classe de l’école.
« L’école entière est devenue son jeu d’échecs personnel, » expliqua Madame Sophia. « Mais regarde attentivement… »
Timothée observa le reflet et soudain, il comprit. « Il y a un motif ! Les énigmes ne sont pas placées au hasard. Elles suivent une logique, comme une partie d’échecs ! »
« Exactement ! Et si tu peux comprendre sa stratégie… »
« Je peux anticiper ses mouvements et trouver les failles ! » termina Timothée, sentant pour la première fois une vague d’excitation plutôt que de peur.
Madame Sophia sortit alors de sa robe un petit sac de velours. « Ceci appartenait à Énigmus quand il était enfant. »
À l’intérieur se trouvait un jeu d’échecs miniature, mais les pièces étaient différentes : au lieu des traditionnelles tours et cavaliers, il y avait des livres, des télescopes, des formules mathématiques.
« Son premier échiquier, » murmura-t-elle. « Avant qu’il ne devienne amer. Chaque pièce représentait un domaine de connaissance qu’il aimait explorer. »
Timothée prit délicatement une pièce représentant un livre ouvert. Immédiatement, il sentit une connexion, comme si l’objet lui murmurait des secrets.
« Il aimait vraiment apprendre, alors, » dit Timothée avec une pointe de tristesse.
« Oui, et au fond de lui, cet amour existe encore. C’est notre seul espoir de le ramener à la raison. »
Soudain, un bruit sourd résonna dans la bibliothèque. Les livres sur les étagères se mirent à trembler.
« Il a découvert notre cachette, » dit Madame Sophia avec urgence. « Timothée, tu dois partir maintenant et commencer à résoudre ses énigmes. Mais souviens-toi : tu n’es pas seul. »
Elle lui tendit un petit médaillon en forme d’échiquier. « Ceci te permettra de communiquer avec moi où que tu sois dans l’école. Et surtout… »
Elle s’agenouilla pour être à sa hauteur. « N’oublie jamais que ta différence n’est pas une faiblesse. C’est ta plus grande force. Énigmus l’a oublié, mais toi, tu peux lui rappeler. »
La porte de la bibliothèque explosa soudain, et des équations enflammées envahirent la pièce. Madame Sophia poussa Timothée vers une autre sortie secrète.
« Va ! Commence par la salle de sciences ! Et rappelle-toi : pense comme aux échecs, mais joue avec ton cœur ! »
Timothée se retrouva projeté dans un toboggan magique qui le déposa dans un couloir qu’il ne reconnaissait pas. Autour de lui, les murs pulsaient de formules chimiques, et l’air sentait les expériences ratées.
Il serra le médaillon dans sa main et sentit la pièce d’échecs d’Énigmus vibrer dans sa poche. Pour la première fois depuis longtemps, il ne se sentait plus seul. Il avait une alliée, une mission, et surtout, il commençait à comprendre que sa façon différente de voir le monde n’était pas un défaut.
Devant lui s’ouvrait un laboratoire transformé en jungle de plantes carnivores mécaniques. Une pancarte indiquait : « Deuxième Énigme : Nourris les plantes avec les bonnes formules, ou deviens leur repas. »
Timothée sourit pour la première fois de la journée. Il était temps de montrer à Énigmus qu’on pouvait être différent et intelligent sans pour autant être seul et amer.
Il avança vers le laboratoire, l’esprit déjà en train d’analyser les motifs des plantes mécaniques. Comme aux échecs, tout était question de stratégie et de patience. Et maintenant, il savait qu’il avait les bonnes pièces pour gagner.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 84
