Le voyage vers la Bretagne fut long mais étrangement paisible. Bruno, assis à l’avant à côté d’Isabelle qui conduisait, contemplait le paysage qui défilait par la fenêtre. Plus ils s’éloignaient de Paris, plus il sentait une étrange sensation grandir en lui, comme si chaque kilomètre le rapprochait non seulement de Kerella, mais aussi d’une partie de lui-même qu’il n’avait jamais vraiment connue.
Tresi, installée sur la banquette arrière, semblait partager cette excitation. De temps à autre, elle poussait un petit gémissement, comme pour exprimer son impatience.
« On dirait qu’elle sait où nous allons, » remarqua Isabelle en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur.
Sa sœur avait changé de coiffure pour le voyage, tressant ses longs cheveux blonds en une unique natte qui lui donnait un air plus mature. Ses yeux clairs restaient concentrés sur la route, mais Bruno pouvait y lire une excitation similaire à la sienne.
« Tu crois qu’on va vraiment le trouver ? » demanda-t-elle après un long silence. « Papa, je veux dire. »
Bruno caressa distraitement le médaillon qui ne quittait plus son cou.
« Je ne sais pas, » admit-il. « Mais je sens qu’il est là-bas, quelque part. Et qu’il nous attend. »
Isabelle hocha la tête, semblant comprendre parfaitement ce que son frère voulait dire.
« Ça ne t’inquiète pas, ce que le Fantôme t’a dit ? À propos du médaillon qui serait une arme ? »
Bruno fronça les sourcils. Il avait partagé avec sa sœur tous les détails de sa dernière confrontation avec le Fantôme de l’Hésitation.
« Si, bien sûr, » répondit-il. « Mais je ne peux pas le croire sur parole. Il a tout intérêt à m’empêcher d’aller à Kerella. »
« Ou peut-être dit-il la vérité, cette fois, » suggéra Isabelle. « Papa a écrit qu’il n’était ‘ni entièrement ennemi, ni véritablement ami’. »
Bruno regarda par la fenêtre, observant les nuages qui s’assombrissaient à l’horizon. La météo avait annoncé de l’orage pour la soirée.
« C’est pour ça que nous devons y aller, » dit-il finalement. « Pour découvrir la vérité par nous-mêmes. »
Le reste du trajet se déroula dans un silence confortable, ponctué de pauses dans des aires de repos où Tresi pouvait se dégourdir les pattes. Ils arrivèrent à Quimper en fin d’après-midi, sous un ciel de plus en plus menaçant.
L’hôtel que Bruno avait réservé était un petit établissement charmant au cœur de la vieille ville. La réceptionniste, une femme d’une cinquantaine d’années au fort accent breton, les accueillit chaleureusement.
« Vous avez de la chance d’être arrivés maintenant, » dit-elle en leur remettant les clés de leur chambre. « Une grosse tempête est annoncée pour cette nuit. »
« Une tempête ? » s’inquiéta Isabelle. « Ce n’était pas prévu dans la météo que j’ai consultée. »
La réceptionniste haussa les épaules.
« C’est la Bretagne, ma petite. La météo change plus vite que l’humeur d’une mouette. »
Elle se pencha vers eux, baissant la voix comme pour partager un secret.
« Et puis, la pleine lune approche. Ça rend la mer capricieuse. »
Bruno et Isabelle échangèrent un regard. La pleine lune était dans deux jours exactement.
Leur chambre était simple mais confortable, avec deux lits séparés et une vue sur les toits d’ardoise de la vieille ville. Tresi explora immédiatement les lieux, reniflant chaque recoin avec curiosité.
« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demanda Isabelle en posant son sac. « On a encore un peu de temps avant le dîner. »
Bruno sortit la carte qu’il avait étudiée si soigneusement.
« Kerella est à environ une heure de route d’ici, » dit-il. « On pourrait y faire un repérage demain matin, puis s’y installer pour la pleine lune. »
Isabelle approuva ce plan, mais Bruno remarqua qu’elle semblait préoccupée.
« Qu’est-ce qui te tracasse ? » demanda-t-il.
Elle s’assit sur le bord de son lit, jouant distraitement avec le bout de sa tresse.
« J’ai fait un rêve étrange la nuit dernière, » confia-t-elle. « Je voyais Papa, mais il était… différent. Plus jeune que dans mes souvenirs, et il portait des vêtements bizarres, comme d’une autre époque. Il essayait de me dire quelque chose, mais je ne pouvais pas l’entendre. Il pointait vers le médaillon, puis vers le ciel. »
Bruno s’assit à côté d’elle, soudain très attentif.
« Tu penses que c’était plus qu’un simple rêve ? »
Isabelle haussa les épaules, mal à l’aise.
« Je ne sais pas. Peut-être. Anaëlle a dit que j’avais aussi une étincelle du monde de Papa, non ? Moins forte que la tienne, mais quand même. »
Bruno réfléchit. Et si le don de clairvoyance n’était pas le seul héritage que son père leur avait transmis ? Si Isabelle avait aussi des capacités, différentes des siennes ?
« Tu devrais essayer de toucher le médaillon, » suggéra-t-il en l’ôtant de son cou. « Voir si tu ressens quelque chose. »
Isabelle prit le pendentif avec hésitation. Dès que ses doigts se refermèrent dessus, elle ferma les yeux, comme frappée par une sensation intense.
« Il est chaud, » murmura-t-elle. « Et il… vibre, presque. »
Bruno l’observait attentivement.
« Tu vois quelque chose ? »
Isabelle secoua la tête, puis s’immobilisa soudain.
« Attends… Je vois… l’océan. Des vagues énormes. Une tempête. Et une lumière, au milieu des flots. Une lumière qui pulse, comme un phare, mais… différente. »
Elle rouvrit les yeux, visiblement troublée.
« C’était si réel, » dit-elle en rendant le médaillon à Bruno. « Comme si j’y étais. »
« Qu’est-ce que ça peut signifier ? » se demanda Bruno à voix haute. « Une tempête, une lumière dans l’océan… »
Un éclair illumina soudain la chambre, suivi presque immédiatement par un grondement de tonnerre assourdissant. La tempête annoncée arrivait plus vite que prévu.
Tresi se mit à gémir doucement, se réfugiant sous le lit de Bruno.
« Elle a toujours eu peur de l’orage, » expliqua-t-il à sa sœur en se penchant pour rassurer la chienne. « Tout va bien, Tresi. On est en sécurité ici. »
Mais alors qu’il prononçait ces mots, un courant d’air glacial parcourut la chambre, faisant vaciller la lumière. Bruno se redressa vivement, reconnaissant les signes avant-coureurs d’une apparition du Fantôme.
« Il est là, » murmura-t-il à Isabelle. « Le Fantôme de l’Hésitation. »
Sa sœur écarquilla les yeux, mélange de peur et de curiosité. Elle n’avait jamais vu le Fantôme, seulement entendu les descriptions de Bruno.
Une brume grise commença à s’infiltrer sous la porte de la chambre, s’épaississant rapidement pour former une silhouette familière. Le Fantôme semblait plus solide que d’habitude, presque tangible, ses yeux d’un orange profond brillant dans l’obscurité croissante.
« Bonsoir, Bruno, » dit-il de sa voix douce et mélancolique. « Et bonsoir à toi aussi, Isabelle. Nous n’avons pas été formellement présentés. »
Isabelle se leva, brave malgré sa peur évidente.
« Vous êtes celui qui essaie d’empêcher mon frère de trouver notre père, » accusa-t-elle.
Le Fantôme inclina sa tête brumeuse.
« Ce n’est pas si simple, » répondit-il. « Je n’ai jamais prétendu être votre ennemi. J’essaie seulement d’éviter une catastrophe. »
Bruno serra le médaillon dans sa main, puisant du courage dans sa chaleur.
« Quelle catastrophe ? » demanda-t-il. « Parle clairement pour une fois. »
Le Fantôme s’approcha de la fenêtre, observant la tempête qui se déchaînait maintenant à l’extérieur.
« Vous sentez cette tempête ? » dit-il. « Ce n’est qu’un avant-goût. Le portail s’apprête à s’ouvrir, et sa puissance perturbe déjà l’équilibre entre les mondes. »
Il se tourna vers Bruno, ses yeux passant de l’orange au bleu rêveur.
« Le médaillon n’est pas une simple clé, Bruno. C’est un artefact créé il y a des siècles pour maintenir l’équilibre entre Ker Izella et votre monde. Il permet de traverser, oui, mais il régule aussi le flux d’énergie entre les deux réalités. »
« Pourquoi devrais-je te croire ? » demanda Bruno, méfiant mais curieux malgré lui.
Le Fantôme sembla hésiter, puis prit une décision.
« Parce que je vais vous montrer la vérité. Toute la vérité. »
Il tendit ses mains brumeuses vers eux.
« Si vous me le permettez, je peux partager mes souvenirs avec vous. Vous montrer qui j’étais vraiment, et pourquoi je suis devenu… ceci. »
Bruno échangea un regard avec Isabelle, qui hocha imperceptiblement la tête.
« D’accord, » dit-il finalement. « Montre-nous. »
Le Fantôme s’approcha et posa ses mains vaporeuses sur leurs fronts. Une sensation étrange, comme un brouillard froid enveloppant leur esprit, les submergea.
Et soudain, ils n’étaient plus dans la chambre d’hôtel à Quimper, mais dans un autre lieu, une autre époque.
Ils voyaient un jeune homme aux cheveux noirs et aux yeux vifs, vêtu d’habits d’une mode ancienne – début du XXe siècle, peut-être. Il se tenait sur une falaise bretonne, contemplant l’océan déchaîné sous un ciel de pleine lune.
« C’est moi, » expliqua la voix du Fantôme dans leur esprit. « Maxence Kerivel, en 1908. J’étais un explorateur, un chercheur de l’inexplicable. »
La scène changea. Maxence, plus âgé maintenant, étudiait d’anciens manuscrits dans une bibliothèque poussiéreuse.
« J’avais découvert des légendes parlant d’un village mystérieux, Ker Izella, qui n’apparaissait sur aucune carte. Un lieu où la réalité était différente, où les anges marchaient parmi les hommes. »
Nouvelle scène : Maxence sur la même falaise, mais cette fois tenant un médaillon identique à celui de Bruno.
« J’ai trouvé le médaillon dans les ruines d’une vieille chapelle. Il m’a appelé, comme il t’a appelé toi. »
Les images s’accélérèrent. Maxence utilisant le médaillon pour ouvrir un portail lumineux dans l’air même. Sa stupéfaction en découvrant un monde à la fois semblable et radicalement différent du sien. Ker Izella, avec ses maisons de pierre qui semblaient luire d’une lumière intérieure, ses habitants aux yeux brillants, et surtout, les silhouettes ailées qui planaient dans le ciel.
« J’ai été accueilli comme un invité de marque, » poursuivit le Fantôme. « Ils m’ont expliqué que peu d’humains de mon monde avaient la sensibilité nécessaire pour voir le portail, encore moins pour le traverser. »
Maxence vivant à Ker Izella, apprenant leurs coutumes, étudiant leur magie. Tombant amoureux d’une jeune femme aux yeux d’un bleu impossible, presque lumineux.
« Eloane, » murmura le Fantôme avec une tendresse que Bruno n’aurait jamais cru possible dans cette voix spectrale. « Elle était la fille du gardien du portail. »
Puis vinrent des images plus sombres. Maxence découvrant un ancien livre dans la bibliothèque de Ker Izella. Y lisant que le portail n’était pas qu’un simple passage, mais un point d’équilibre crucial entre les mondes. Que le médaillon était une clé, oui, mais aussi un sceau qui maintenait cet équilibre.
« J’ai découvert que chaque passage affaiblissait légèrement la barrière entre les mondes, » expliqua le Fantôme. « Et que si trop de passages avaient lieu en peu de temps, ou si le médaillon restait trop longtemps dans le mauvais monde… »
Une vision terrifiante : les deux mondes se superposant, créant un chaos d’énergies incompatibles. Des tempêtes dévastatrices, des déchirures dans le tissu même de la réalité.
« Quand j’ai compris le danger, j’ai voulu rendre le médaillon, retourner dans mon monde et sceller le portail. Mais Eloane… »
Une dispute entre Maxence et la jeune femme. Elle lui demandant de rester, de choisir Ker Izella comme nouveau foyer. Lui, déchiré, incapable de se décider.
« J’ai hésité trop longtemps, » dit le Fantôme avec un regret palpable. « Et pendant ce temps, le médaillon continuait d’affaiblir la barrière entre les mondes. »
La catastrophe : une tempête comme aucune autre, déchirant le ciel de Ker Izella. Le portail devenant instable, s’élargissant dangereusement. Le père d’Eloane, tentant désespérément de le refermer avec d’anciens rituels.
« Il a réussi, mais au prix de sa vie. Et dans le processus, il m’a maudit pour mon indécision. J’ai été transformé en gardien du portail, condamné à errer entre les mondes, à décourager ceux qui, comme moi, pourraient déstabiliser l’équilibre par leur hésitation. »
Les dernières images montraient Eloane, en larmes, confiant le médaillon à un émissaire qui devait le cacher dans le monde de Maxence.
« Pendant près d’un siècle, le portail est resté fermé, » conclut le Fantôme. « Jusqu’à ce que ton père le trouve, dans les années 1990. Comme toi, il avait une sensibilité particulière, un lien avec Ker Izella. »
Bruno vit alors son père, jeune et plein d’assurance, découvrant le médaillon dans la même vieille chapelle. Le portail s’ouvrant pour lui. Michel explorant Ker Izella, fasciné par ce monde d’anges et de magie.
« Mais contrairement à moi, ton père n’a pas hésité, » expliqua le Fantôme. « Quand il est tombé amoureux d’une femme de ton monde, Marie-Lou, il a fait son choix. Il a décidé de rester ici, avec elle. »
Des images de Michel et Marie-Lou, jeunes et amoureux. Puis Michel réalisant que quelque chose n’allait pas, que sa présence dans ce monde, avec le médaillon, créait des perturbations.
« Il a compris trop tard le danger, » dit le Fantôme. « Quand il a finalement décidé de retourner à Ker Izella pour rétablir l’équilibre, le mal était déjà fait. Le portail était instable. »
La dernière vision montrait Michel traversant le portail une ultime fois, le médaillon à la main, déterminé à réparer les dommages qu’il avait involontairement causés.
« Il a réussi à stabiliser temporairement le portail, » termina le Fantôme. « Mais il est resté piégé de l’autre côté. Et maintenant, le cycle recommence. Le portail s’affaiblit à nouveau. Et toi, Bruno, avec ton héritage mixte, tu es peut-être le seul qui puisse vraiment le réparer. »
La vision s’estompa, et Bruno et Isabelle se retrouvèrent à nouveau dans la chambre d’hôtel. La tempête faisait toujours rage à l’extérieur, mais elle semblait presque insignifiante comparée au chaos qu’ils venaient de voir dans les souvenirs du Fantôme.
Ils restèrent silencieux un long moment, assimilant tout ce qu’ils avaient appris.
« Alors, » dit finalement Bruno, la voix tremblante, « mon père est vivant, à Ker Izella. »
Le Fantôme acquiesça.
« Oui. Mais il est prisonnier de son choix. Il ne peut pas revenir sans risquer de déstabiliser complètement le portail. »
« Et le médaillon ? » demanda Isabelle. « Il est vraiment dangereux ? »
« Pas en lui-même, » expliqua le Fantôme. « C’est son utilisation qui peut l’être. Chaque passage fragilise la barrière. Et si le médaillon reste trop longtemps du mauvais côté… »
« Quel est le bon côté ? » interrogea Bruno. « Ici ou Ker Izella ? »
Le Fantôme sembla hésiter.
« Originellement, le médaillon appartenait à Ker Izella. C’est là qu’il devrait être. Mais maintenant… »
« Maintenant quoi ? » pressa Bruno.
« Maintenant, il est lié à toi, » répondit le Fantôme. « Et tu es un enfant des deux mondes. Ton père venait de Ker Izella, mais tu es né ici. C’est ce qui rend la situation si complexe. »
Bruno toucha le médaillon, sentant sa chaleur familière contre sa paume.
« Qu’est-ce qui se passera si je vais à Kerella pour la pleine lune ? Si je traverse le portail ? »
Le Fantôme regarda par la fenêtre, où la tempête redoublait d’intensité.
« Le portail s’ouvrira, c’est certain. Tu pourras voir Ker Izella, peut-être même ton père. Mais ensuite, tu devras faire un choix. »
« Quel choix ? » demandèrent Bruno et Isabelle presque à l’unisson.
« Le même que ton père. Le même que j’ai refusé de faire, » répondit le Fantôme. « Rester ou partir. Choisir un monde et renoncer à l’autre. Et cette fois, ce choix déterminera non seulement ton destin, mais peut-être aussi l’avenir des deux mondes. »
Sur ces mots, le Fantôme commença à se dissiper.
« Je ne peux pas te dire quoi choisir, Bruno, » dit-il alors que sa forme devenait de plus en plus transparente. « Je peux seulement te demander de ne pas répéter mon erreur. Ne laisse pas l’hésitation te paralyser jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Quoi que tu décides, décide-le avec conviction. »
Puis il disparut complètement, laissant Bruno et Isabelle seuls avec leurs pensées troublées.
Un silence pesant s’installa dans la chambre, ponctué seulement par le fracas du tonnerre et les gémissements occasionnels de Tresi, toujours cachée sous le lit.
« Tu le crois ? » demanda finalement Isabelle, fixant l’espace où le Fantôme s’était tenu quelques instants plus tôt.
Bruno hocha lentement la tête.
« Oui, » dit-il. « Aussi étrange que cela puisse paraître, je le crois. Tout concorde avec ce que papa a écrit dans son journal, avec ce qu’Anaëlle nous a raconté. »
Il se leva et marcha jusqu’à la fenêtre, observant la pluie qui fouettait violemment les vitres.
« Mais ça change tout, Isa. Je pensais juste… je ne sais pas, retrouver papa et le ramener à la maison. Je n’avais pas réalisé qu’il y avait tant en jeu. »
Isabelle vint se placer à côté de lui, posant une main réconfortante sur son épaule.
« Tu n’es pas obligé de décider maintenant, » dit-elle doucement. « Nous avons encore deux jours avant la pleine lune. »
Bruno secoua la tête, une détermination nouvelle brillant dans ses yeux.
« Non, je dois y réfléchir maintenant. Le Fantôme a raison sur un point : l’hésitation est dangereuse. Je dois être prêt quand le moment viendra. »
Il se tourna vers sa sœur, une question cruciale lui brûlant les lèvres.
« Si… si je devais choisir de rester à Ker Izella, avec papa… »
Isabelle le serra dans ses bras avant qu’il ne puisse terminer sa phrase.
« Je te soutiendrais, » dit-elle fermement. « Bien sûr que tu me manquerais terriblement, mais je comprends maintenant pourquoi tu as toujours été si différent, si… ailleurs. Tu as toujours appartenu un peu à l’autre monde. »
Bruno lui rendit son étreinte, profondément touché par sa compréhension.
« Mais maman… » commença-t-il.
« Elle comprendrait aussi, » assura Isabelle. « Elle a accepté le départ de papa, même si ça lui a brisé le cœur. Elle a toujours su que tu étais spécial, Bruno. Elle t’a laissé partir pour ce voyage, non ? »
Bruno acquiesça, réconforté par ces paroles. Mais au fond de lui, une nouvelle peur grandissait. Et si son choix avait des conséquences catastrophiques ? Si en essayant de retrouver son père, il mettait en danger les deux mondes ?
Cette nuit-là, allongé dans son lit, écoutant la tempête qui faisait rage à l’extérieur, Bruno prit une décision. Quoi qu’il arrive à Kerella lors de la pleine lune, il ferait son choix non pas par peur ou par désir égoïste, mais en pensant au bien des deux mondes. À l’équilibre que son père avait tenté de préserver.
Le médaillon pulsait doucement contre sa poitrine, comme s’il approuvait cette résolution. Et pour la première fois depuis qu’il l’avait découvert, Bruno se sentit en paix avec son destin, quel qu’il soit.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 78