Le vrombissement d’un moteur de Formule 1 résonnait dans la chambre de Masséo. Le garçon de huit ans, casquette vissée sur ses cheveux châtains courts, tournait autour de son lit en imitant les commentateurs sportifs.
La chambre de Masséo ressemblait à un mini-circuit automobile. Des posters de pilotes célèbres tapissaient les murs bleus. Une collection de petites voitures de course s’alignait sur une étagère en forme de podium. Même son tapis représentait une piste avec ses virages serrés et sa ligne d’arrivée.
« Et voici Masséo Maurel qui prend la tête du Grand Prix de Chambre ! » s’exclama-t-il en brandissant sa voiture miniature préférée, une réplique rouge étincelante. « Il dépasse tous ses concurrents dans ce virage impossible ! »
Sa mère Catherine passa la tête par l’entrebâillement de la porte, ses longs cheveux blonds encadrant son visage souriant.
« Mon champion, il est presque l’heure d’aller au lit. Papa va monter te dire bonne nuit quand il aura fini de ranger son bureau. »
« Encore cinq minutes ! » négocia Masséo avec son impatience habituelle. « Je dois finir cette course, je suis en tête ! »
Catherine secoua doucement la tête mais lui accorda ce délai avant de redescendre. Masséo reprit aussitôt sa course effrénée, zigzaguant entre les obstacles imaginaires de sa chambre.
Lorsque Philippe, son père, monta enfin, Masséo était en pleine célébration de sa victoire, sautant sur son lit avec son trophée imaginaire.
« Alors champion, prêt pour la nuit ? » demanda Philippe en ajustant ses lunettes sur son nez. Ses cheveux bruns bouclés lui donnaient un air décontracté malgré son métier rigoureux d’expert-comptable militaire.
Masséo s’arrêta net. Son sourire s’évanouit comme la flamme d’une bougie soufflée par le vent.
« Est-ce qu’on peut laisser la lumière du couloir allumée ? » demanda-t-il, sa voix soudain plus petite.
Philippe s’approcha et s’assit sur le bord du lit. « Comme tous les soirs, mon grand. Ta veilleuse aussi sera allumée. »
Avec une tendresse particulière, Philippe aida Masséo à installer sa forteresse nocturne : veilleuse en forme de casque de course, couverture tirée jusqu’au menton, et son ours en peluche Turbo positionné stratégiquement près de l’oreiller.
« Papa, tu crois que les pilotes de F1 ont peur du noir aussi ? » murmura Masséo.
« Même les plus grands champions ont leurs propres peurs, » répondit Philippe en ébouriffant les cheveux de son fils. « Ce qui fait leur force, c’est d’avancer malgré ça. »
Après un dernier câlin et un « je t’aime » chuchoté, Philippe quitta la chambre en laissant la porte entrouverte. La lumière du couloir dessinait un rectangle rassurant sur le sol de la chambre.
Masséo fixait le plafond, écoutant les bruits familiers de la maison. Ses parents qui parlaient doucement en bas, le tic-tac régulier de son horloge murale en forme de pneu, le radiateur qui craquait légèrement.
Soudain, un bourdonnement étrange fit vibrer les murs. Les lumières de la maison clignotèrent trois fois. Puis ce fut le noir complet.
« Papa ? Maman ? » appela Masséo, sa voix trahissant sa panique naissante.
Des pas précipités résonnèrent dans l’escalier. Le faisceau d’une lampe torche apparut, suivi par ses parents.
« C’est juste une panne de courant, mon chéri, » expliqua Catherine en posant la lampe torche sur la table de nuit. « Ça va revenir bientôt. »
« Je vais vérifier le compteur, » annonça Philippe. « Garde la lampe avec toi, Masséo. »
Laissé seul avec sa lampe, Masséo la serrait comme un trésor. Son cœur battait si fort qu’il avait l’impression que toute la chambre pouvait l’entendre.
C’est alors qu’il le remarqua. Dans le coin le plus éloigné de sa chambre, là où la lumière de sa torche n’atteignait pas complètement, quelque chose bougeait. Une ombre plus sombre que l’obscurité elle-même semblait onduler comme de la fumée.
Masséo dirigea le faisceau vers cette zone, mais l’ombre glissa rapidement le long du mur, échappant à la lumière. Deux points violets lumineux apparurent brièvement, comme des yeux qui l’observaient.
« Il y a quelqu’un ? » chuchota Masséo, sa voix tremblante.
Un murmure lui répondit, à peine audible : « Enfin… je te trouve… »
Terrifié, Masséo voulut crier mais aucun son ne sortit de sa bouche. L’ombre semblait grandir, s’étirer, prendre de l’ampleur dans la pièce.
« N’aie pas peur, Masséo, » continua la voix, étrangement mélodieuse malgré son aspect inquiétant. « Je suis L’Ombre Obscurosse, et j’ai attendu longtemps pour te rencontrer. »
L’ombre se rapprocha, et la lampe torche de Masséo commença à faiblir, sa lumière vacillant dangereusement.
« Ta lumière ne peut pas me repousser longtemps, » chuchota L’Ombre. « Personne ne peut échapper à l’obscurité éternellement… »
Pourtant, au moment où la créature s’approchait encore, quelque chose d’extraordinaire se produisit. Les doigts de Masséo, crispés autour de la lampe défaillante, commencèrent à émettre une faible lueur bleutée. Une chaleur étrange parcourut son corps, comme le vrombissement d’un moteur de course s’éveillant.
L’Ombre Obscurosse recula légèrement, ses yeux violets s’écarquillant de surprise.
« Impossible… » siffla-t-elle. « Tu es…un Porteur de Lumière? »
Masséo, stupéfait, fixait ses propres mains scintillantes, ignorant ce que cela signifiait. Mais il sentait instinctivement que quelque chose d’extraordinaire venait de se réveiller en lui.
Les pas de ses parents résonnèrent dans le couloir. L’ombre se dissipa instantanément, disparaissant comme aspirée par les murs eux-mêmes, mais sa voix murmura une dernière promesse :
« Je reviendrai demain soir, Masséo. Et la nuit suivante. Et toutes les nuits. Tu ne pourras pas rester éveillé éternellement… »
La porte s’ouvrit sur Catherine portant des bougies et Philippe annonçant que tout le quartier était privé d’électricité. Mais Masséo ne les écoutait qu’à moitié. Il contemplait ses mains redevenues normales et se demandait s’il avait rêvé.
Pourtant, au fond de lui, il savait que cette nuit marquait le début d’une aventure extraordinaire. Et quelque part dans les ombres de sa chambre, deux yeux violets continuaient de l’observer, attendant patiemment que la lumière s’éteigne à nouveau.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 76