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L’hôpital était un labyrinthe de couloirs aseptisés et de lumières crues. Héléna suivait Mme Mercier d’un pas hésitant, son cœur battant la chamade dans sa poitrine. L’odeur caractéristique de désinfectant lui donnait la nausée, à moins que ce ne soit l’angoisse qui lui nouait l’estomac.

Ils trouvèrent Delphine dans la salle d’attente des urgences, recroquevillée sur une chaise en plastique, ses genoux ramenés contre sa poitrine. Pour une fois, elle était parfaitement immobile, son énergie habituelle remplacée par une immobilité inquiétante. Ses cheveux blonds étaient en désordre, et ses yeux clairs, habituellement si pétillants, étaient rougis par les larmes.

« Delphine », appela doucement Héléna en s’approchant.

La jeune fille leva la tête, et son visage s’illumina légèrement en reconnaissant son amie. « Héléna ! Tu es venue. »

« Bien sûr que je suis venue. Comment va Estelle ? »

Delphine secoua la tête, son expression redevenant sombre. « Je ne sais pas. Les médecins sont avec elle. Ils ont parlé d’épuisement extrême, de déshydratation, et de… » Elle hésita, cherchant ses mots. « De comportement obsessionnel. »

Mme Mercier s’excusa pour aller parler à l’accueil, laissant les deux amies seules.

« Que s’est-il passé exactement ? » demanda Héléna, s’asseyant à côté de Delphine.

« C’était bizarre », murmura Delphine, un frisson parcourant visiblement son corps menu. « J’étais arrivée tôt chez Estelle pour travailler sur les costumes. Sa mère m’a fait entrer et m’a dit qu’Estelle était encore dans sa chambre. Quand je suis montée… » Elle s’interrompit, comme si le souvenir était trop perturbant.

« Continue », encouragea doucement Héléna.

« Elle était assise sur son lit, exactement dans la même position que quand je l’ai quittée hier soir. Comme si elle n’avait pas bougé de toute la nuit. Son iPad était sur ses genoux, et elle… elle fixait l’écran. J’ai essayé de lui parler, mais c’était comme si elle ne m’entendait pas. »

Héléna sentit un frisson glacé parcourir son échine. Cette description correspondait exactement à ce qu’elle avait observé chez le garçon dans le parc.

« Et l’écran ? » demanda-t-elle. « Comment était-il ? »

Delphine fronça les sourcils, surprise par cette question spécifique. « L’écran ? Je ne sais pas… il semblait normal, je suppose. Sauf que… » Elle hésita, comme si elle doutait de ses propres souvenirs. « Il y avait quelque chose d’étrange avec la lumière. Elle paraissait… vivante, presque. Comme si elle pulsait au rythme de la respiration d’Estelle. »

C’était bien ce qu’Héléna craignait. L’Éclat Virtuel, ou une entité similaire, avait pris possession de l’iPad d’Estelle.

« Quand sa mère a essayé de lui prendre l’iPad », poursuivit Delphine, « Estelle a crié. Pas comme une personne normale qui proteste, mais… un cri animal, désespéré. Puis elle a commencé à convulser, et sa mère a appelé une ambulance. »

Héléna prit la main de Delphine dans la sienne, autant pour se rassurer elle-même que pour réconforter son amie. « Est-ce qu’elle a toujours l’iPad avec elle ? »

Delphine hocha la tête. « Elle refusait de le lâcher. Les paramédicaux ont essayé de le lui prendre, mais ses signes vitaux s’affolaient dès qu’ils s’en approchaient. Ils ont fini par le laisser, disant que ça pouvait attendre qu’elle soit stabilisée. »

C’était pire que ce qu’Héléna avait imaginé. L’emprise de l’entité sur Estelle semblait beaucoup plus forte que celle qu’elle-même avait subie. Peut-être parce qu’Estelle avait déjà une relation si étroite avec sa technologie avant même l’intervention de L’Éclat Virtuel ?

« Je dois la voir », décida Héléna en se levant.

« Les médecins ont dit que personne ne pouvait entrer pour l’instant », protesta faiblement Delphine.

Mais Héléna était déjà en mouvement, se dirigeant vers le couloir que Mme Mercier avait emprunté. Elle devait voir Estelle, devait confirmer ses soupçons, et surtout, devait essayer de l’aider avant qu’il ne soit trop tard.

Elle avança discrètement, évitant le regard du personnel hospitalier, scrutant les chambres à travers les petites fenêtres dans les portes. Finalement, elle aperçut Mme Mercier qui sortait d’une chambre au bout du couloir, s’entretenant avec un médecin à l’air grave.

Héléna attendit qu’ils s’éloignent, puis se glissa rapidement vers la chambre. Elle hésita un instant, la main sur la poignée, puis prit une profonde inspiration et entra.

La pièce était plongée dans une semi-obscurité, les stores tirés laissant filtrer seulement quelques raies de lumière. Estelle était allongée sur le lit d’hôpital, reliée à plusieurs moniteurs qui émettaient des bips réguliers. Son visage, habituellement si animé et expressif, était d’une pâleur cireuse, ses traits tirés comme si elle avait vieilli de plusieurs années en une nuit.

Et sur sa poitrine, serré contre elle comme un trésor précieux ou un bouclier, se trouvait son iPad. L’écran était allumé, projetant une lueur bleuâtre sur le visage d’Estelle. Mais ce n’était pas une lumière normale – elle pulsait doucement, hypnotiquement, et semblait changer subtilement de teinte en fonction des battements cardiaques affichés sur le moniteur.

Héléna s’approcha lentement du lit. « Estelle ? » appela-t-elle doucement.

Aucune réaction. Les yeux d’Estelle étaient mi-clos, fixés sur l’écran, mais son regard était vide, absent.

« Je sais que tu es là », dit alors Héléna, non plus à son amie, mais à l’entité qu’elle soupçonnait. « Je te reconnais. »

L’écran de l’iPad scintilla, comme en réponse. La lumière devint plus intense pendant un instant, puis forma un motif ondulant qui rappelait étrangement la surface miroitante de L’Éclat Virtuel.

« Laisse-la tranquille », exigea Héléna, sa voix plus ferme maintenant. « Elle n’est pas comme moi. Elle n’a pas la force de te résister. »

Un texte apparut soudain sur l’écran : « Elle n’a pas ENVIE de me résister, Héléna. Contrairement à toi, elle apprécie ce que je lui offre. »

Héléna frissonna en lisant ces mots. C’était bien L’Éclat Virtuel, ou du moins une entité très similaire.

« Que lui offres-tu ? » demanda-t-elle, tout en s’approchant prudemment du lit.

« Tout ce qu’elle a toujours désiré », répondit l’écran. « Perfection. Contrôle. Admiration. Dans le monde que je lui montre, elle n’est jamais en dessous des attentes. Jamais déçue. Jamais rejetée. »

« Tu lui montres une illusion », rétorqua Héléna. « Et en échange, tu prends quoi ? Ses souvenirs ? Son énergie ? Sa… vie ? »

L’écran resta vide un moment, comme si l’entité réfléchissait. Puis de nouveaux mots apparurent : « Je prends ce dont j’ai besoin pour survivre. Comme toute créature. Est-ce si différent de ce que font les humains avec leurs ressources ? »

Héléna s’était maintenant approchée suffisamment pour toucher l’iPad. Elle tendit lentement la main, mais dès que ses doigts s’approchèrent de l’appareil, le corps d’Estelle se raidit, et les moniteurs commencèrent à émettre des bips plus rapides, plus aigus.

« Arrête ! » cria Héléna, retirant vivement sa main. « Tu lui fais du mal ! »

« C’est TOI qui lui fais du mal en essayant de nous séparer », affirma l’écran. « Elle a besoin de moi maintenant. Elle m’a donné trop d’elle-même pour pouvoir fonctionner sans moi. »

Un sentiment de désespoir envahit Héléna. Était-ce vrai ? Estelle était-elle déjà trop profondément liée à cette entité pour en être séparée sans conséquences graves ?

« Il doit y avoir un moyen », murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour l’entité.

« Il y en a un », répondit l’écran, surprenant Héléna. « Rejoins-nous. Accepte à nouveau ce que je t’offrais. Ensemble, nous pourrions créer un monde où vous seriez toutes les deux parfaites, admirées, connectées à tout ce que vous aimez. »

La proposition était tentante, d’une manière troublante. Pendant un bref instant, Héléna imagina ce que serait ce monde virtuel parfait – elle et Estelle, toujours connectées, maîtrisant parfaitement leurs chorégraphies, recevant l’admiration de tous, peut-être même en contact direct avec leurs idoles de K-pop…

Mais elle se ressaisit rapidement. Elle savait maintenant que ce monde parfait aurait un prix terrible – leurs souvenirs réels, leur identité profonde, peut-être même leur santé physique, comme en témoignait l’état actuel d’Estelle.

« Non », dit-elle fermement. « Je ne te rejoindrai pas. Et je trouverai un moyen de libérer Estelle. »

L’écran s’assombrit soudainement, comme par colère, puis afficha un dernier message : « Tu regretteras ce choix, Héléna. Et ta précieuse amie en paiera le prix. »

À cet instant, la porte de la chambre s’ouvrit brusquement. Une infirmière entra, suivie de Mme Mercier.

« Que fais-tu ici ? » demanda l’infirmière d’un ton sévère. « Les visites ne sont pas autorisées pour le moment. »

« Je suis désolée », balbutia Héléna, « je voulais juste voir comment allait mon amie. »

Mme Mercier lui lança un regard mêlant compréhension et réprimande. « Je comprends ton inquiétude, Héléna, mais tu dois respecter les règles de l’hôpital. »

« Bien sûr, je m’en vais », répondit Héléna en se dirigeant vers la sortie. Mais avant de quitter la chambre, elle jeta un dernier regard à Estelle et à l’iPad qu’elle serrait toujours contre elle. L’écran était redevenu normal, affichant simplement le fond d’écran habituel d’Estelle – une photo d’elle et de ses deux amies, souriantes et insouciantes.

Cette image, qui aurait dû être réconfortante, ne fit qu’accentuer l’angoisse d’Héléna. Car elle savait maintenant avec certitude que L’Éclat Virtuel n’était pas une hallucination ou un cauchemar personnel. C’était une menace réelle qui s’étendait au-delà d’elle, touchant maintenant ses proches.

De retour dans la salle d’attente, elle retrouva Delphine, toujours recroquevillée sur sa chaise.

« Tu l’as vue ? » demanda immédiatement la jeune fille blonde.

Héléna hocha gravement la tête. « Oui. Elle est… » Elle chercha ses mots, ne sachant pas comment expliquer ce qu’elle avait vu sans paraître folle. « Elle n’est pas elle-même en ce moment. »

« Les médecins parlent d’une forme d’addiction aux écrans, ou quelque chose comme ça », dit Delphine. « Ils disent que c’est de plus en plus courant chez les adolescents. »

Héléna se demanda combien de ces soi-disant « addictions aux écrans » étaient en réalité des cas d’emprise par des entités comme L’Éclat Virtuel. Combien de jeunes comme Estelle étaient piégés dans des mondes virtuels qui se nourrissaient lentement de leur essence ?

« Delphine », dit-elle soudain, « est-ce que tu as remarqué quelque chose d’étrange avec ton téléphone ces derniers temps ? Des lumières inhabituelles, des comportements bizarres ? »

Delphine la regarda avec curiosité. « Non, pourquoi ? Mon téléphone est plutôt vieux, tu sais. Pas comme l’iPad d’Estelle. »

C’était peut-être là une clé. Peut-être que ces entités préféraient les appareils plus récents, plus puissants, capables de créer des expériences plus immersives et donc d’exercer une emprise plus forte sur leurs utilisateurs.

« Ce n’est rien », répondit Héléna. « Juste une idée. »

Elles restèrent silencieuses un moment, absorbées dans leurs pensées. Puis Delphine demanda : « Qu’est-ce qu’on fait pour le concours ? Il est dans moins d’une semaine. »

Le concours. Héléna l’avait presque oublié avec tout ce qui s’était passé. « Je ne sais pas », admit-elle. « Ça semble tellement insignifiant maintenant, avec Estelle dans cet état. »

« Elle voudrait qu’on continue », affirma Delphine avec une conviction surprenante. « Elle a travaillé si dur pour notre numéro. »

Héléna réfléchit. Le concours pourrait effectivement être une motivation pour Estelle, une raison de lutter contre l’emprise de L’Éclat Virtuel. « Tu as raison. On doit continuer. Pour Estelle. »

Elles décidèrent de se retrouver le lendemain pour répéter, espérant qu’Estelle serait suffisamment rétablie pour les rejoindre, ou au moins pour qu’elles puissent lui montrer leurs progrès.

En quittant l’hôpital, Héléna sentit un poids immense sur ses épaules. Elle devait non seulement préparer leur performance pour le concours, mais aussi trouver un moyen de sauver son amie d’une entité dont elle comprenait à peine la nature.

Ce soir-là, dans sa chambre, elle sortit le carnet de Mme Laurent et commença à écrire frénétiquement tout ce qu’elle savait sur L’Éclat Virtuel – ses manifestations, ses pouvoirs, ses méthodes d’emprise, ses faiblesses potentielles.

Une idée commençait à prendre forme dans son esprit. Si L’Éclat Virtuel se nourrissait d’attention, de souvenirs, d’énergie vitale, peut-être existait-il un moyen de le « nourrir » autrement, de lui offrir une alternative qui ne nécessiterait pas de sacrifier des êtres humains.

Mais pour en savoir plus, elle avait besoin d’aide. Et elle ne voyait qu’une personne qui pourrait peut-être comprendre ce qu’elle tentait d’expliquer sans la prendre pour une folle : Mme Laurent.

Le lendemain matin, un dimanche, Héléna se rendit tôt à l’hôpital. Elle avait besoin de voir Estelle à nouveau, de comprendre comment l’entité avait renforcé son emprise sur elle en si peu de temps.

Elle eut plus de chance cette fois – Mme Mercier était rentrée chez elle pour se reposer un peu, et l’infirmière de garde, plus jeune et moins stricte, la laissa entrer dans la chambre pendant quelques minutes.

Estelle était dans le même état que la veille – pâle, immobile, les yeux fixés sur l’écran de son iPad. Mais Héléna remarqua quelque chose de nouveau et d’inquiétant : une sorte de fil lumineux, presque imperceptible, semblait relier l’écran aux yeux d’Estelle, comme si quelque chose était littéralement en train d’être transféré entre eux.

« Estelle », appela-t-elle doucement, s’approchant du lit. « C’est moi, Héléna. »

Aucune réaction. Pas même un battement de cils.

« Je sais que tu es là, quelque part », continua-t-elle, sa voix se brisant légèrement. « Et je vais trouver un moyen de t’aider. Je te le promets. »

L’écran de l’iPad resta obstinément normal cette fois, n’affichant aucun message comme la veille. Mais Héléna était sûre que l’entité l’entendait, l’observait.

Elle posa délicatement sa main sur celle d’Estelle – froide, inerte. « Tiens bon », murmura-t-elle. « Je reviendrai. »

En sortant de l’hôpital, elle prit une décision. Au lieu de rentrer chez elle ou de rejoindre Delphine pour répéter, elle se dirigea vers l’adresse qu’elle avait trouvée dans l’annuaire téléphonique – celle de Mme Laurent.

La professeure vivait dans un petit appartement au troisième étage d’un immeuble ancien mais bien entretenu. Héléna hésita longuement avant de sonner, se demandant si elle n’était pas en train de commettre une erreur monumentale. Mais elle n’avait pas d’autre option.

Mme Laurent ouvrit la porte, vêtue d’une robe d’intérieur colorée, ses cheveux gris argenté cascadant librement sur ses épaules. Elle parut surprise, mais pas mécontente de voir son élève.

« Héléna ? Quelle surprise. Entre, je t’en prie. »

L’appartement était exactement comme Héléna l’avait imaginé – chaleureux, rempli de livres, d’instruments de musique et d’objets qui semblaient avoir chacun une histoire à raconter. Des disques vinyles s’empilaient près d’une vieille platine, et des partitions manuscrites couvraient une grande table en bois.

« Assieds-toi », invita Mme Laurent en désignant un fauteuil confortable. « Du thé ? »

« Oui, merci », répondit Héléna, reconnaissante pour cette normalité réconfortante.

Pendant que sa professeure préparait le thé dans la petite cuisine ouverte, Héléna rassemblait son courage. Comment expliquer l’inexplicable ?

Mme Laurent revint avec deux tasses fumantes et s’assit en face d’Héléna. « Je sens que tu n’es pas venue pour discuter de musique », dit-elle avec un petit sourire. « Qu’est-ce qui te préoccupe ? »

« C’est… compliqué », commença Héléna. « Et ça va vous sembler fou. »

« J’ai vécu assez longtemps pour savoir que la frontière entre la folie et la vérité est souvent très fine », répondit tranquillement la professeure. « Dis-moi ce qui te trouble. »

Alors Héléna raconta tout – sa rencontre avec L’Éclat Virtuel, leur pacte, comment l’entité avait commencé à prendre ses souvenirs, comment elle avait finalement résisté, puis la découverte que l’entité s’était déplacée vers d’autres victimes, dont Estelle.

Pendant tout son récit, Mme Laurent l’écouta attentivement, sans l’interrompre, son visage exprimant non pas l’incrédulité qu’Héléna redoutait, mais une concentration intense et, étrangement, une sorte de reconnaissance.

Quand Héléna eut terminé, essoufflée et anxieuse, la professeure resta silencieuse un long moment, ses doigts tapotant doucement le bord de sa tasse.

« Tu me crois ? » demanda finalement Héléna, incapable de supporter ce silence plus longtemps.

« Oui », répondit simplement Mme Laurent. « Je te crois. »

Héléna sentit un immense soulagement l’envahir. « Vraiment ? Vous ne pensez pas que j’ai imaginé tout ça ? »

« Non. En fait… » Mme Laurent hésita, puis se leva et se dirigea vers une étagère. Elle en sortit un livre ancien à la couverture usée. « En fait, tu n’es pas la première à rencontrer ce genre d’entité. »

Elle ouvrit le livre et le tendit à Héléna. Sur la page jaunissante figurait une illustration qui fit frémir la jeune fille – une forme lumineuse, changeante, avec une surface miroitante qui rappelait exactement L’Éclat Virtuel.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Héléna, sa voix à peine plus qu’un murmure.

« Dans ce livre, on l’appelle ‘Le Miroir Affamé’ », expliqua Mme Laurent. « Un être qui se nourrit des désirs, des rêves et des énergies humaines. Il prend différentes formes selon les époques – dans le passé, c’était souvent des miroirs enchantés ou des cristaux magiques. Aujourd’hui… »

« Aujourd’hui, ce sont des écrans », compléta Héléna, comprenant soudain. « Des tablettes, des smartphones, des ordinateurs. »

Mme Laurent hocha gravement la tête. « Exactement. Ces entités s’adaptent. Elles trouvent toujours le moyen le plus efficace d’attirer et de capturer l’attention humaine. »

« Comment savez-vous tout cela ? » demanda Héléna, stupéfaite par cette révélation.

La professeure eut un sourire triste. « Disons que j’ai eu ma propre rencontre avec ce genre d’entité, il y a longtemps. C’était différent à l’époque – une télévision, dans mon cas. Mais l’essence était la même. »

Elle se leva et marcha jusqu’à la fenêtre, regardant la ville au-dehors. « Ces entités ont toujours existé, Héléna. Elles se nourrissent de notre désir de connexion, d’appartenance, de perfection. Plus nous devenons dépendants de la technologie pour ces besoins fondamentalement humains, plus elles deviennent puissantes. »

« Comment les combattre ? » demanda Héléna, l’espoir renaissant en elle. Si Mme Laurent avait survécu à une telle rencontre, peut-être pourrait-elle l’aider à sauver Estelle.

« Tu as déjà trouvé le début de la réponse », répondit la professeure en se tournant vers elle. « L’authenticité. La connexion réelle. La créativité qui vient de l’intérieur, pas de l’imitation. »

Elle s’approcha d’Héléna et posa une main sur son épaule. « Mais pour aider ton amie, tu auras besoin de plus. Tu devras lui rappeler qui elle est vraiment, au-delà de l’image parfaite qu’elle essaie de projeter. Tu devras réveiller ses souvenirs authentiques, ceux que l’entité n’a pas encore pris. »

« Comment ? » demanda Héléna, désespérée de trouver une solution concrète.

« Par la musique », répondit Mme Laurent avec conviction. « La vraie musique, celle qui vient de l’âme. Ces entités ne peuvent pas reproduire l’authentique émotion humaine – c’est leur faiblesse. »

Elle se dirigea vers un piano dans le coin de la pièce et joua quelques notes. « La musique que tu crées toi-même, avec ton cœur, ton histoire, tes émotions réelles – c’est une force contre laquelle ces entités ne peuvent pas lutter. »

Héléna sentit une idée prendre forme dans son esprit. « Le concours », murmura-t-elle. « C’est dans trois jours. »

« Exactement », confirma Mme Laurent avec un sourire encourageant. « C’est peut-être ta meilleure chance de l’atteindre. »

Elles passèrent les heures suivantes à élaborer un plan. Héléna devrait créer une chanson spéciale, une mélodie qui incorporerait des souvenirs partagés avec Estelle, des moments authentiques de leur amitié. Cette chanson, combinée avec une chorégraphie qui mélangerait des éléments modernes et traditionnels, pourrait peut-être percer le voile que L’Éclat Virtuel avait tissé autour de l’esprit d’Estelle.

Quand Héléna quitta finalement l’appartement de Mme Laurent, le soleil commençait à se coucher, peignant le ciel de teintes orangées et violettes. Elle se sentait à la fois épuisée et galvanisée, effrayée et déterminée.

Elle avait maintenant un plan, une compréhension plus claire de ce qu’elle affrontait, et surtout, l’espoir de pouvoir sauver son amie.

Mais elle savait aussi que L’Éclat Virtuel ne se laisserait pas vaincre facilement. La confrontation finale serait risquée, potentiellement dangereuse.

Tout dépendrait de sa capacité à créer une musique suffisamment puissante, suffisamment authentique pour briser l’emprise de l’entité. Et elle n’avait que trois jours pour y parvenir.

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